La tombée d'un monument

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Toute la modeste famille s'accroupissait autour du plat pour déguster la soupe du soir . Une silence de cimetière régnait dans la maison . En effet , mon père nous défendait de prononcer ne serait-ce qu'une syllabe en mangeant . Il n'était pas si souriant , c'était un ancien soldat de l'armée sénégalaise, depuis qu'il avait prit sa retraite , il y avait deux ans  déjà , il avait installé un grand hamac sous le géant arbre de la cour de la maison où restait-il avec sa radio et marmonner des prières à longueur de journée , son visage était ferme et noir comme un panthère . Il était très élancé et possédait des pieds semblables aux pattes d'un éléphant.  Le pire est qu'il ne nous adressait la parole que si c'était pour nous maudir où nous balancer des injures , je me demandais parfois s'il était réellement mon père car ayant un comportement violant envers ma mère , ma cousine et moi . Ce ne serait pas du tout grave s'il se limitait à ne pas nous adresser la parole ou être déraisonnable avec sa petite famille mais ce qui me déplaisait le plus et faisait exploser mon cœur en mille morceaux est le fait qu'il tabassait ma mère comme il le ferait à un criminel jour et nuit . Il la donnait des coups de points atroces la faisant récolter de sérieux blessures . Cela m'allait mal au cœur à rester regarder les scènes de bastonnades répétitives sans pouvoir réagir , j'étais jeune , faible , peureux et si je tentais de faire la moindre action pour protéger ma mère , je pouvais juré qu'il m'aurait étranglé de ses propres mains . Quand je voyais ma mère et ma cousine pleurer , mes larmes se mettaient à couler et la colère me submergeait à tel point que je jurais à ma mère que j'allais devenir ce grand avocat qui lutterait contre les violances faites aux femmes .
Mon père n'était pas du genre a dépenser son argent pour sa famille , aprés assurance du dépense des trois repas quotidiens , le reste ne l'intéressait pas et pas même ma scolarité ou celle de ma cousine . Des conseils et encouragements , j'en passe , il ne savait absolument rien de son fils or la vie ne se résume pas à manger et à boire  . Ma mère , pour me rassurer me disait que toutes ces calamités allaient se terminer un jour et ce sera le jour où je porterai un grand boubou noir debout devant un tribunal



Une belle journée se dessinait dans le ciel de Rufisque . Comme la plupart des matins , je fus réveillé par les cris de ma mère mêlés au brouhaha des meuble de sa chambre . Alors je levais d'un brusque mouvement , traversais discrètement la cour de la maison et glissais mon  œil dans le trou de serrure du chambre de mes parents , la vision n'était pas si net , mais assez suffisante pour voir ma mère plier la tête sur ses genoux avec pleins d'ecchymoses rouges sur l'épaule gauche . Mes larmes se ruisselèrent je sentais de la rage dans mon cœur, la rage de défoncer la porte et d'emmener ma mère trés loin de cet homme qui méconnaissant les valeurs d'une femme . On dirait qu'il n'eût pas connu l'amour d'une mère ou la beauté d'avoir une sœur pour avoir le cœur de torturer une femme si jeune et innocente . Je l'entendais la traiter de plusieurs noms horribles et les coups ressurgissaient . Je ne pouvais plus supporter une seconde à observer ces charges sur ma mère sans réagir . L'idée d'aller chercher de l'aide me vînt à la tête . Je courus vers la sortie , regardai de gauche à droite avant de me rappeler que c'était le début du week-end et que le soleil venait de se lever , c'etait donc tout à fait naturel qu'il n'y avait même pas un chien qui se déambulait dans la rue à l'exception de Monsieur Barry , le propriétaire du jardin d'enfants se trouvant à l'extrémité de l'avenue Abdoulaye Wade . Tous le vénéraient à cause de son caractère de responsable et de l'amour qu'il éprouvait pour les enfants et en particuliers à ceux qui s'inscrivaient dans son beau et gigantesque bâtiments bleus garnit de roses et d'arbres fruitiers . Il était devant son toit prés de son énorme manguier sur les racines duquel il versait lentement l'eau que l'arrosoir qu'il tenait dans sa main droite regorgeait .
    - Monsieur Barry ! , hurlai-je  , la voix tremblante , il me vit courir vers lui alors il resta statique .
- Seydou ! Pourquoi cours-tu si vite ? Demandai t-il inquiété
- Il va la tuer , mon père va tuer ma mère !! Répétai-je en enlaçant mes bras sur son tronc
- Calme toi filston ... Respire bien et raconte moi tout ce qui se passe . Dit-il  en me regardant dans les yeux
- J'ai entendu depuis ma chambre ma mère crier fort alors je suis allé discrétement voir ce qui se passait et c'est en ce moment que j'ai vu mon père qui la battait . Disais-je en pleurant . Monsieur Barry versa brusquement tout l'eau que contenait son arrosoir sur le manguier et marchait à pas feutrés vers notre maison . Il était très en colère , moi , je courais derrière lui car il y allait si vite que je n'eusse pas pu le rattraper .  Et lorsqu'il défonça la vielle porte de la demeure c'était comme si l'on était dans un hécatombe , une rivière de sang se ruisselait dans la chambre de mes parents et se déversait dans la cour . Nous nous précipitâmes dans la pièce et vîmes Nafissatou , ma cousine . Elle pleurait à chaudes larmes le visage sur le ventre de ma mère où s'était pointé un soi-disant tournevis de mon père
- Allah Akbar , criait monsieur Barry en touchant le cou de ma mère certainement dans le but de vérifier si elle était toujours en vie . Moi , j'étais resté debout , figé , larmes aux yeux , choqué par l'état pitoyable de ma chère mère .
- Où est votre père Samba ? Demandai  monsieur Barry à Nafissatou en sortant son téléphone
- Il a prit la fuite , il l'a bléssée et prit la fuite pendant que je faisais irruption dans la chambre , a t-elle dit en sanglotant .
Monsieur Barry composa le numéro de l'hôpital puis réclama une ambulance le plus rapide que possible . Il nous fît sortir de la pièce , nous rassura que tout allait bien se passer mais à condition que nous fussions calmes .



L'ambulance rougeâtre au sirène retentissante s'était garée aux abords de la maison . Deux brancardiers y sortirent et coururent à la direction de la chambre que l'index de Monsieur Barry leur destinait . Ils s'échangèrent des mots que jamais je n'avais entendu auparavant , décidément , le vocabulaire des médecins est différent au nôtre mais quand même ils ont fini par poser ma mère sur leur long brancard gris qu'ils installèrent à l'arrière de leur maudite ambulance . L'un des deux échangea rapidement quelques mots avec monsieur Barry qui me signala aprés que nous devions les accompagner à l'hôpital . Je m'installais prés du chauffeur avec Nafissatou et laissais monsieur Barry et les deux brancardiers s'affairer derrière . Une grande foule encerclait l'ambulance . Les uns s'inquiétaient , d'autres s'attristaient et y en avait d'autres qui faufilaient entre les gens en posant des questions que nul n'arrivait à répondre .


Le chauffeur de l'ambulance gara l'appareil dans le parking de l'hôpital Souleymane Mboup . Nous descendîmes de l'ambulance , les deux brancardiers soulevèrent à nouveau le brancard où s'était allongé ma mère et se mirent presque à courir vers le couloir qui aboutissaient aux salles des urgences . Une infirmière blanche aux cheveux blonds arriva avec un lit à roulette dans lequel il souhaitait que les brancardiers y allonge ma mère , mais ces derniers allaient tellement vite qu'ils n'eurent pas remarqué le soutien de Mademoiselle l'infirmière blonde . Elle soupira et disparut avec son lit à roulette vers le bâtiment des pédiatres .


Nous patientâmes durant plus d'une heure assis sur le bancs du couloir des urgences . Nafissatou pleuraient encore dans les bras de Monsieur Barry qui l'a consolait . J'aurais aimé moi aussi sécher ses larmes mais je pensais à ce gorille qui me servait de père . Il avait encore justifié ce jour-là qu'il nous avais jamais aimé une seconde , ma mère encore moins . Je me demandais aussi comment un homme normal pouvait tabasser sa femme jusqu'à clouer un tournevis dans son ventre , dans ce ventre où il a porté ton enfant .... Monstrueux , diabolique , démoniac , satanic , sadique ... Je n'arrivais pas à trouvé un adjectif dont le degré pouvait ainsi bien décrire mon père . Il n'était même plus mon père mais mon cible dorénavant . Je ferai tout mon possible pour devenir un grand avocat dans ce pays , le retrouver et faire de mon mieux pour qu'il soit carcéralisé  à mort s'il arrivait qu'il restait vivant en attendant . Le médecin sortit de la salle et Monsieur Barry se précipita aussitôt vers lui . Il n'a pas été très bavard mais quand même il a pu dire quelque chose à Monsieur Barry qui sombrait le climat de son visage . Il revînt s'asseoir avec nous nous fixa longuement puis dit : "Il est nécessaire que vous soyez à présent des adultes et se comporter comme tel . La vie est une pièce de théâtre où chacun joue son rôle puis disparaît a t-on l'habitude de dire . C'est un combat Seydou , une lutte acharnée et vous , pour que vous puissiez survivre dans cette vie , en tant qu'apprenant , va falloir que vous étudiez pour établir votre avenir et suivre les directives de vos aînés . Ayez beaucoup de courage et de foi en vous car seul la foi peut vous permettre d'accepter les faits de Dieu et de pouvoir continuer à vivre et à le louer comme si de rien n'était ce qui fera de vous de bons serviteurs du Seigneur . Le courage quant à lui , vous permettra de vivre en vous mettant dans la tête que tôt ou tard vous réussirez ." Il montra un léger sourire puis relança : " Vous êtes nés musulmans Nafissatou et Seydou , raison pour laquelle vous devez accepter que tout être s'éteindra un jour et que votre chère mère s'en est allé " À ces mots c'était comme si la moitié de mon corps s'était paralysé , la raison de mon existence , celle pour qui je souriais , celle qui m'a donné tout amour s'en est allé le sol tourbillonnait à mes yeux et selon mes sensations , le vent ne soufflait plus . Tu es morte mère , pourquoi ne m'as-tu pas attendu pour que nous dormions ensemble pourquoi ne m'as-tu pas fait tes adieux ... Il t'a tué et a disparu dans la nature , je te vengerai mère , je te vengerai ... J'embrassais Nafissatou et nous nous mettions à verser toutes les larmes de notre corps . L'infirmière blonde traversait le couloir . Il nous vit , nous lança un regard de "désolé" puis disaparut encore .



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