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Je n'arrive pas à me souvenir exactement de la totalité des scènes de  ma jeunesse . Il y a encore quelques points sombres dans ma mémoire qui , parfois s'échappent de l'obscurité et apparaissent clairement dans mes souvenirs pour s'assombrir vite . Et donc les mots que je parviens à coucher sur ces pages blanches m'arrivent par surprise et je prends aussitôt ma plume pour raconter à moi-même le parcours extraordinaire de ma vie et de montrer au monde entier qu'il y a de ces enfants qui sont en train de vivre les mêmes situations catastrophiques que j'ai eu à vivre étant plus jeune et voire beaucoup plus graves . Des enfants qui voient leur mère se faire tabasser par leur père à chaque instant , des orphelins abandonnés  qui batifolent dans les rues et font du porte-à-porte avec de sales récipients à la quête de nourritures tout en se faisant passer pour des «talibés» ce qui n'est pas leur cas , à la nuit tombée , ils s'en vont dormir sous les bus des gares risquant la morsure d'un serpent ou tout autre rampant dangereux sans compter la fraîcheur nocturne qui tue , ils se lèvent tout les jours avec le soleil et refont le même mouvement , sans arrêt . J'allais être parmi eux si mon adorable tante et son mari ne m'avaient pas récupéré chez eux à Louga pour que je continue ma vie d'élève et essayer de tourner ces pages malheureuses de ma vie même si ce sera compliqué . Je sais pas où , mais je sens que quelques parts dans ce monde , il y a des enfants qui font face à ces situations terribles . Éradiquer le problème de la maltraitance faite aux femmes et de la violence envers les enfants est un grand pas pour le développement d'un pays . Un enfant qui est élevé dans la peur grandira dans la colère et tout ce qu'il retiendra dans son cœur est la violence et l'esprit de rancunier . Par contre , s'il reçoit une bonne éducation de base dans le bonheur et la quiétude , il chérira l'amour par dessus tout et l'amour du travail est le remède unique pour la maladie du sous développement . Quant à la femme , Mariama Bâ disait qu'elle est la racine nourricière de l'homme , je dirais même la racine nourricière de l'humanité , elle est le berceau de l'homme comme l'Afrique est le berceau de l'humanité . Pour l'homme , prendre soin de la femme est comme prendre soin de ses propres racines , si elles se coupent , la plante ne sera que dalle et tombera comme le mur de Berlin .

Mais , jamais je n'oublierai ce jour brumeux où l'on nous rendait nos bulletins de note de Cette année-là . Aux environs d'un mois avant , nous étions dans la période des compositions , les révisions s'accéléraient , je brûlais l'huile de minuit et luttait contre mon sommeil pour ne faire que des exercices jusqu'au crépuscule si le lendemain était Samedi et bien évidemment  un samedi où Madame Sankara ne nous convoquait pas , elle était la seule professeur dans tout l'établissement qui enseignait les week-end j'entendais les rumeurs dire que chaque année , elle terminait ses programmes au mois de Mai et une fois terminée , elle ne venait que rarement à l'école elle s'en fichait pas mal de si elle avait une classe d'examen ou pas , elle , ce qui l'intéressait est la fin de ses programmes et son argent bien entendu .
Je me souviens qu'on avait composé bien avant les élèves du collège , de la seconde ou de la première parceque lors du premier jour des compositions , je me souviens que Ngoné n'était pas venu travailler . Je m'apprêtais à sortir de la maison pour rejoindre Tonton Laye qui m'attendait dans la voiture aprés avoir échangé quelques mots avec Yaye Soda qui dejeunait dans le salon , Nafissatou tamisait le sol du jardin et quand je sortis , elle me montra un beau sourire sans un mot dit . Je pense que ça voulait dire «Bonne chance » , Nafissatou ne parlait que rarement , elle avait le don de dire assez explicitement ce qu'elle voulait dire avec les geste , son corps ou ses lèvres pour sourire . Je ne dis pas qu'elle était sourde-muette , non plus qu'elle parlait le langage des signes : ce que je ne nierais pas mais c'était sa façon de faire et je m'étais habitué à cela à tel point que je m'amusais à la répondre avec des signes moi aussi ... Que c'était captivant ! Par exemple s'il voulait vous dire un simple «ça va» , elle pouvait se contenter de vous faire un battement de cil très délicat , le geste était parfait . Je m'arrêtais au milieu de la cour carrelée qui menait vers la sortie de la maison et la rendit son sourire en lui faisant un clin d'œil , ça voulait dire merci dans son langage.  Tonton Laye appuya pour la deux centième fois sur le klaxon et je filais grimper dans la voiture .

SEYDOU Où les histoires vivent. Découvrez maintenant