SEYDOU

La surprise

Nous étions Vendredi . Le soleil s'approchait petit à petit du Zénith . La classe entière suivait les paroles et gestes de Madame Sankara qui maniait sa règle telle une cheftaine d'orchestre . Talla avait posé son sac à dos sur ses genoux et mangeait son pain comme une vache qui broute de l'herbe en baissant si bien sa grosse tête pour que le professeur ne puisse pas le voir . L'odeur des œufs dérangeait un peu mais il ne se souciait de rien cet âne , il se contentait simplement d'avaler sa nourriture . À douze heures , la sonnerie retentit dans l'établissement , les élèves sortaient de partout et se ruaient vers la sortie de l'école . Dans la classe , un groupe d'élèves réclamait l'arrestation de la cours à voix basse mais Madame Sankara continuait tranquillement de dicter la leçon comme si de rien n'était , comme si elle ne les avait pas entendu mais c'était sûr qu'elle faisait semblant comme toujours d'ailleurs . Elle marchait lentement entre les allées des tables bancs en répétant des phrases que nous écrivions .

- Aïe ! Criait un élève dont le nom s'était perdu dans les casiers de ma mémoire . Toutes les têtes s'étaient tournées vers lui .

- La prochaine fois que je t'entends parler de la fin de l'heure tu auras à faire avec moi , l'avertissait le professeur en tirant une de ses deux oreilles à tel point que la sueur perlait sur le visage de ce gars puis elle le laissa quelques secondes plus tard . Je me souviens bien que l'élève avait terminé d'écrire après ce contact avec Madame Sankara , il avait allongé sa tête sur son cahier et sa main était posée sur l'oreille que venait de lui faire mal le professeur comme si on venait de la lui arracher , visiblement il souffrait . Le professeur continuait sa petite ballade dans la salle de classe et personne n'osait bouger . Talla avait fini son pain bien avant que la dictée ne commence et avait bien fermé son visage après cet incident , il avait l'habitude de bougonner ,  je crois que je ne l'ai vu content que deux fois , le premier jour où on s'était vu et le jour de la remise des bulletins du premier semestre , il avait une moyenne de 11 et quelques et était bien heureux , il ne pouvait cacher ses dents ce jour-là .
Il était douze heures vingt-et-une minutes lorsque Madame Sankara nous libérait enfin . Escorté par deux autres élèves , celui que ce sadique professeur venait de faire mal à une oreille n'y avait toujours pas retiré la main et grimaçait larmes aux yeux . Ils le conduirent jusqu'à la rue puis l'un d'eux héla un taxi qui transportait une petite fille qui revenait de l'école . Ils grimpèrent à l'arrière et le véhicule disparut sous le regard des élèves et de quelques passants . Nafissatou était déjà rentrée , l'école était vide , je marchais avec Talla qui devait bifurquer vers l'avenue Mame Cheikh Mbaye .

- Penses-tu à ce que je penses , questionnait-il

- Et tu penses à quoi ?

- Défoncer Madame Sankara avec une lance-pierre à la fin de l'année

- Talla !

- Non mais tu ne vois pas ce qu'il nous fait vivre ? De toute façon toi elle se comporte différemment avec toi depuis la remise des bulletins

- Abon , j'ai pas remarqué

- On dirait que vous vous aimez disait-il en s'esclaffant

- Non mais arrête avec cette théâtre !

- Imagine que tu maries Madame Sankara après tes études ... Parmi tous les maris du monde , tu seras le plus battu

- J'arrête d'imaginer

- Tant mieux , en parlant d'amour , hier vers dix sept heures j'ai cru voir un ange dans notre boutique là .
Je dévisageais Talla un moment en pouffant un gros rire