Funérailles

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Il était environ quatorze heures lorsqu'un Citroën grisé apparut à l'entrée du couloir des urgences . Quatre hommes porteurs de lunettes noires y descendirent et se dirigeaient droit vers le banc en bois où Nafissatou et moi nous assîmes , tristes , chacun enfermé dans ses pensées sombres qu'il ne saurait décrire en attendant Monsieur Barry . Il avait signé des papiers qu'un infirmier qui venait de commencer son service l'avait tendus avant de s'excuser auprès de nous pour s'absenter quelques minutes afin de pouvoir téléphoner chez lui .
- Bonjour ! , Dit l'un des hommes jovial , vous devez être les deux   éplorés qui viennent de perdre tragiquement leur mère si je ne me trompe ... Qu'elle repose en paix poursuit-il en enlevant ses lunettes . Cet homme était d'ailleurs le plus vieux des quatres , son âge devait tourner autour des soixantaines . Ses yeux étaient d'une profondeur infinie encerclés par des sourcils blancs au dessus desquels se dessinaient deux arcs de cercle à la blancheur très foncée qui représentaient ses cils tout en témoignant sa vieillesse , ses joues creuses étaient pareilles à celles d'un vieux tigre , son corps ne pouvait cesser de trembler comme si il se trouvait en Antarctique , un grand Sombrero couvrait sa tête et dans sa main droite il tenait une canne qu'il maniait si bien en marchant imitant un magicien qui presterait dans un cirque : On eût dit un cow-boy , ce jeune vieillard . Il posait sa pupille tremblante et effrayante sur mes yeux pendant que Nafissatou lui répondit d'une voie faiblarde qu'il avait tout à fait raison . Elle toussota puis demanda au vieux Monsieur qui il était . Ce dernier n'a pas pu la répondre car Monsieur Barry revenait de son coin . Il salua sagement les quatre hommes .
-Pilguez , Inspecteur Pilguez de la centrale police de Rufisque , se présenta t-il en sortant une carte rectangulaire de sa poche qui justifiait ses propos . Monsieur Barry lui serra la main une deuxième fois , se présenta auprès de l'inspecteur précisant qu'il était notre voisin et les affirma que c'est lui qui leur avait appelé il y avait deux heures et leur avait donné l'adresse où ce drame s'était produit . L'inspecteur Pilguez écoutait religieusement Monsieur Barry , le félicita de son geste courageux et lui rassura qu'une enquête a été ouverte avant de déclarer qu'ils avaient bien inspecté les lieux du crime et qu'ils avaient des questions à nous poser . Mon sang bouillait à cent degré , je transpirais des litres et tellement j'étais en colère .
- Pourquoi procéder à une enquête alors que tous nous savons tous  l'identité du sicaire qui a mis fin à la vie de ma mère ! . Criais-je
- Il nous haïssait cet homme ! Tout ce qu'il voulait durant tout ce temps était de ruiner notre vie . Il est Lucifer en tant que tel et je le tuerai je vous assure que je l'étranglerai ! Criais-je encore larmes aux yeux en se jetant dans les bras de Monsieur Barry , ils étaient tous surpris de m'entendre crier ces mots , Nafissatou pleurait très fort après que j'eusse prononcé ces paroles. L'inspecteur Pilguez remarqua que notre état ne nous permettait guère de répondre aux questions qu'il comptait nous poser , il remit ses lunettes , sortit de la poche de sa veste sombre une autre carte rectangulaire qu'il donna cette fois-ci à Monsieur Barry lui disant qu'il reviendrait et qu'il devait l'appeler sur le numéro qui se figurait sur la carte en cas de nouvelle ou besoin . Monsieur Barry mit la carte dans la poche de son grand pantalon , lui répondit d'accord de la tête en me consolant et regardait inconsciemment l'inspecteur Pilguez et ses trois agents grimper dans leur Citroën noir aux vitres teintées roulant lentement vers la sortie de l'hôpital Souleymane Mboup .

La funéraille de ma mère n'eût pas connu beaucoup de monde . Étaient présents une vingtaine de voisins , les parents de Nafissatou dont la mère Yaye soda était la grande sœur de la mienne et quelques parents de ma mère que sûrement Yaye Soda avait informé par téléphone . Aucun parent frère ou cousin de mon père n'était présent tout simplement parcequ'il avait tiré un trait sur sa famille et ses proches . Il les avait tous abandonnés ce qui faisait qu'il se noyait dans la solitude , depuis ma naissance je n'ai jamais rencontré un cousin , sœur, ami ou frère de mon soi-disant père ce fut très difficile pour moi de grandir comme ça quand durant les rentrées scolaires , j'entendais les camarades qui disaient qu'ils avaient passé leur vacance chez leur oncle , ou leur grand père alors que moi je sais même pas si j'avais un oncle et je n'osais pas le demander à mon père parcequ'il était très agressif avec ma mère à ce sujet . Yaye Soda était la seule sœur de ma mère que je connaissais et elle , sa fille et son mari constituaient mes seuls parents en dehors de ceux qui me sont biologiques . Tonton Laye , le père de Nafissatou et le mari de Yaye Soda avait dépensé tout ce qu'il fallait pour que cet obsèque eusse lieu . Tôt le matin , la bâche qu'il avait fait louer par téléphone à Monsieur Barry fut monté devant la maison par les jeunes de notre quartier sous l'ordre de Monsieur Barry , des chaises en caoutchouc vertes et marrons ont été rangées sous la bâche en trois rangées verticales et une natte immense fut étalée sur le sol devant les rangées de chaises pour que les apprenants de l'école coranique d'à côté fussent s'y installer pour réciter tout les "Surat" du Saint Coran à la mémoire de ma mère ainsi que l'Imam du quartier qui devait faire une petite conférence après l'enterrement au cours duquel il rappellerait la divinité et l'unicité du miséricorde .

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