Nafissatou s'était réveillée , inquiète de ne pas avoir senti la présence de son mari au beau milieu de la nuit calme . Dehors , la vue était magnifique , la fenêtre en plexiglas renvoyait l'image d'un ciel surpeuplé d'étoiles phosphorescentes auréolant une lune pleine et lumineuse . La jeune dame libéra un long bâillement , ajusta sa blanche chemise de nuit et sortit retrouver son compagnon .
Muni , d'une chaude tasse de thé , Seydou observait songeur , la tête de son père sur le papier de journal que lui avait donné Madame Sankara le matin même . Comment pourrait-il se tenir lucidement et poser des questions à son père , tueur de sa mère , qu'il va juger dans un tribunal ? Il est vrai qu'il s'en voulait énormément à ce détraqué de l'avoir fait subi plus qu'un enfer sa mère et lui pour à la fin les abandonner si tragiquement , mais , cette nuit-là , un sentiment anonyme le faisait fondre en larmes . Était-ce de la compassion pour ce père minable , de la pitance , ou pire , de l'amour ? Après tout ça reste son père et il demeure humain , il lui annonçait compliqué de le regarder en face et le blâmer . Seydou fit un boule avec le papier de journal , une étoile fuyait dans le ciel , il pensa au vœux que formulait sa mère de son vivant lorsqu'ils dormaient à la belle étoile à Rufisque dans le cours de la maison : «Faites que mon fils reussisse» murmurait-elle à cette occasion . Le jeune juge sourit , et d'une voix presque inaudible prononce : «Me voilà réussi Mère» et , lançant très loin la boule de papier affirme avec une voix assurée «Et voici venue la vengeance que je t'avais promis ! » .
Nafissatou observait derrière l'entrebâillement de la porte du balcon son mari se parler seul . Elle posa une main consolatrice sur son épaule , Seydou se retourna et l'accueillit dans ses bras .
- Je compte sur toi pour le faire payer , murmura Nafissatou dans son oreille .
Son mari lui répondit avec un baiser sur la joue .---------------------------
Le tribunal régional Keba Mbaye était bondé de véhicules . Un grand monde remplissait la salle de jugement . Il y avait des vendeuses d'eau fraîche , beaucoup d'adultes et d'innombrables élèves impatients que la séance débutent . Les journalistes guettaient la rentrée de Madame Sankara dans la salle qui les avait carrément ignorés et avait rejoint le fauteuil noir du procureur au côté du greffier ainsi que les autres spécialites qui s'asseyaient sur la longue table .
Le silence devient soudain maître dans la grande salle et tous se levèrent pour honorer la présence de Maître Seydou Diop . Il ordonna au public de se rasseoir , serra la main de chacun de ses collègues autour de la table puis prit place sur son gigantesque fauteuil noir .- Bonjour chers tous , affirma t-il , et , la salle laissa entendre un grand «Bonjour» à son tour .
- Nous allons pouvoir commencer le jugement du dossier 1018 , qui accuse Monsieur Baye Samba Diop de meurtre de sa femme le 09 Septembre 2020 à Rufisque . L'accusé est appelé à la barre . Proclamait Seydou .
Deux pénitentiers escortèrent le criminel tel un esclave devant le juge . D'après son rapport , il n'avait prononcé aucun mot depuis son arrestation ou du moins , en prononçait que rarement . Ses cheveux étaient entièrement blancs et sa barbe mal entretenue . Des rides se dessinaient sur sa face lassée et tremblante . Le père était vieux , faible , malade , veule , misérable , déchu , invalide ...
Cela faisait si longtemps qu'un trait d'émotion de s'était pas lu dans son pauvre visage , mais , dès l'instant qu'il reconnut son fils , une larme s'était échappée de son œil droit pour ensuite mourir sur son menton . Était-ce une larme de surprise , de regret , ou pire encore ... De joie ?Là-bas , au milieu de la salle , assise sur une chaise accolée à la vitre , Yaye Soda sanglotait sur l'épaule de Tonton Laye . La vieille dame avait dans ces dernières années une sorte de liaison étroite avec sa défunte sœur , elle pensait plus à elle , se réveillait la nuit songeuse , ne mangeait que rarement . Mais , sa déchéance prit une ampleur montante lorsque Tonton Laye , informé par Seydou , lui annonça que l'assassin de sa sœur sera jugé par son vaillant neveu . D'après Tonton Laye , c'était le dernier soir qu'il avait vu les pupilles noires de sa femme à force de pleurs .
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SEYDOU
AdventureMa mère a beaucoup souffert dans la maison de mon père jusqu'au jour où elle fut assassiné par lui puis disparaît dans la nature ... Ce que le destin me réserve est ahurissant .