GRAND SAÏD

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« Les alentours de la trentaine, c'est un âge critique, pour un homme, celui où l'on fait les grosses bêtises, ou plutôt l'âge où les bêtises que l'on fait commencent à être irrémédiables » J. Dutourd

Grand Saïd ! On a tous un grand Saïd quelque part dans notre entourage. C’est celui qui a longtemps squatté les « bopp kogn », une clope à la main et souvent entouré de jeunes. Il compose avec toutes les générations. On a l’impression qu’il ne sera rien d’autre que Grand Saïd. Pas Tonton Saïd, ni Papa Said, encore moins Maame Saïd. On dirait qu’il a un secret pour résister au temps. Comme dirait une amie que j’aime bien : « Kou nieuw fekk koffi, di demm baayiko fi »

Ne vous y méprenez pas, grand Saïd n’a pas toujours été ainsi. Il a déjà eu des rêves et des ambitions. Il est parti à la bonne vielle école. Celle ou on apprenait pour retenir et pas pour passer en classe supérieure. Il a eu son « DFEM » (ancienne appellation du BFEM), puis le Bac, mais son truc à lui, c’était le football. Il était tellement bien au ballon que, croyez moi ou pas, c’est de là que lui est venu le surnom « Grand Saïd ». Même ses ainés dans l’équipe l’appelaient ainsi.

Il a eu sa chance un jour. Il devait partir en Europe effectuer un test pour intégrer un centre de formation Sport-Etudes. Mais son défunt père de l’entendait pas de cette oreille. Il était hors de question que son fils laisse tomber les études pour le ballon rond. Vous savez, certains vieux, s’ils se font une idée sur quelque chose, même si vous décrochiez la lune pour les convaincre, dites vous bien que c’est perdu d’avance. Tout le monde à l’époque avait plaidé pour Saïd, essayé de convaincre le vieux mais, en vain. Saïd n’avait donc autre choix que de finir ses études, ou au moins, avoir son Bac. Ce qui ne tarda pas. Son père par contre n’avait pas eu la chance de voir son fils accomplir ce bon vieux rêve. Il avait succombé une année avant le bac de son fils.
Diplôme en poche, Saïd ne savait pas vraiment quoi en faire. Sa vie à lui, c’était le football. Il aurait bien pu continuer à enflammer les « Navettanes » mais, à quoi bon ?
Saïd avait donc décidé de changer de rêve, étant sûr que personne ne pourrait contrecarrer ses nouveaux plans. Saïd avait décidé d’aller à « l’aventure ». Comprenez par là voyager, s’expatrier, émigrer. C’est comme cela qu’ils l’appelaient avant. Destination : les autres pays de l’Afrique de l’Ouest ou de l’Afrique Centrale. Oui, il fut un temps ou ce n’était ni l’Espagne, l’Italie ou la France, mais plutôt Le Gabon, la Cote d’Ivoire ou le Nigéria. En ce temps là, les jeunes voyageaient avec un sac à dos comme bagages, direction, le Sud, se prenant pour Simbad ou Saperli le Raton Voyageur !

Grand Saïd à du faire 10 ans d’aventure. Il connait Le Mali, la Guinée, Le Gabon, la Cote d’Ivoire, Le Burkina, Le Libéria entre autres, mais son préféré reste Bissau. Il en a des étoiles aux yeux quand il parle de la vie et des Nana là-bas ! Ah oui, les meufs. Grand Saïd en connait un rayon. D’abord dans son quartier ou il était la star du ballon rond ou ailleurs dans la sous région ou il était le beau gosse sénégalais. Il s’est tapé des meufs qui sont mariées de nos jours et qui ont beaucoup d’enfants. Il prend un réel plaisir à raconter ses conquêtes et à dire à quel point il fallait être « un guerrier » pour se faire des meufs à leur époque. Oui, pour être un guerrier, il fallait avoir fait l’armée ou l’aventure.

Mais de ces aventures, Saïd était revenu encore plus fauché. Tout ce qu’il avait pu ramener de ces pays lointains était des brides de langues locales, des souvenirs et beaucoup d’amertume.

Que devrait faire un gars avec son bac, qui a voyagé un peu partout dans le continent ?? Saïd qui a toujours vécu chez sa tante avait trouvé : il devait se marier ! Fonder une famille, et vivre chez sa tante. Sa tante n’y voyait certainement aucun inconvénient puisque c’est elle-même qui indiqua à Saïd la maison de son oncle pour trouver une bonne épouse.

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