Chapitre 2.
"Mais qu'est-ce qu'il se passe enfin ?", je lui demandais, effrayée.
Il mit son doigt sur sa bouche et regarda autour de lui, pour me faire comprendre de ne pas réveiller les autres. Un étrange chapeau en forme de seau était vissé sur sa tête, des mèches blondes desséchées pendaient autour de ses yeux. Il avança jusqu'à la porte, me faisant signe de le suivre. Perdue, je me retournais vers Naeresa. Elle était toujours profondément endormie. Deux filets de lumière bleutés la recouvraient, comme si la lune la caressait doucement dans son sommeil. Pour tout dire, je n'ai jamais vu une seule nuit où elle ne dormait pas bien. Parfois, elle me semblait porter un poids trop lourd pour elle, invisible, mais bien présent, qui l'assommait tellement qu'elle devait récupérer toutes ses forces durant la nuit. Elle ne se plaignait pas souvent, pourtant, je sentais bien que quelque chose était brisée au fond d'elle. C'était le cas de tous les orphelins ici.
Je ne me séparais presque jamais d'elle. Mais pourtant, une voix pressante en moi me soufflait de le suivre. De toute façon, c'était mieux que de rester paralysée d'angoisse toute la nuit dans mon lit. Je le rejoignis au seuil de la porte. Il afficha une expression satisfaite et continua son chemin.
Nous avons trottiné dans les couloirs pendant un long moment qui me parut infini. Je ne reconnaissais rien, je ne m'y étais jamais aventurée. À chacun de mes pas, je sentais le sol froid marbré glacer la plante de mes pieds. J'avais l'impression d'être dans un rêve. Il ne voulait pas arrêter de courir pour répondre à mes questions. Et moi, anxieuse d'être laissée seule dans ce labyrinthe, je continuais à le suivre. Je me rappelle avoir été complètement essoufflée et la peur d'être découverte me coupait encore plus le souffle. Nous sommes passés plusieurs fois devant des portes à demi-ouvertes, d'où sortaient des voix. Ce que je ne savais pas encore, c'est que les moines étaient trop occupés cette nuit-là pour faire attention à des rôdeurs dans les couloirs.
Dans un tournant, Pélias s'arrêta brusquement. Je revois encore cette scène très clairement. Une fenêtre se trouvait juste à notre droite, ce qui me permit de distinguer ce qu'il y avait au mur. Elle était légèrement entrouverte. Je me rappelle avoir frissonné, mais encore aujourd'hui, je ne pourrais dire si c'était à cause de ce courant d'air, ou à cause du caractère prophétique de ce qui se passait devant moi. En m'approchant, je vis qu'il regardait une représentation biblique, celle de l'arche de Noé. Un énorme bateau en bois apparaissait au centre, flottant sur des grandes vagues composées de plusieurs nuances de bleus. Ces vagues étaient menaçantes, envahissantes. Sur la coque du bateau se trouvait une petite ouverture, d'où sortait le visage de Noé. Il tenait dans ses mains un bel oiseau blanc. Sur la droite de la mosaïque, il y avait les derniers bouts de terre pas encore submergés. Des cadavres étaient entassés dessus, ce qui me fit froid dans le dos. Pélias observait cette représentation comme s'il essayait de déchiffrer un message dedans. Puis, il tourna sa tête doucement en ma direction. Sous son épaisse chevelure, je ne pouvais pas bien apercevoir ses yeux, mais son expression semblait traduire une certaine détermination, enrobée d'affection. Pourtant, il y avait aussi de la peur qui se dégageait de lui. Je n'eus pas le temps de lui parler qu'il reprit son chemin. Après encore quelques minutes de course, il s'arrêta au bout d'un couloir, devant une grande bibliothèque fixée au mur.
Il s'agenouilla devant et trifouilla des objets qui se trouvaient dans les étagères, toujours sans m'adresser un mot. Quel étrange garçon, je pensais. Je balayais le couloir du regard pour être sûre que personne n'était là. C'est aussi à ce moment-là que je me rendis compte que mon angoisse s'était beaucoup apaisée. Je ne me sentais plus autant oppressée. Par cette réalisation, une fine joie parcourue mes veines. J'avais bien fait de le suivre, au moins, ça m'avait divertis de mon mal-être.
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Une tendance à flotter
Science FictionJe n'aurais jamais cru que j'allais me retrouver sur ce bateau avec ce garçon. Autour de nous, il n'y a que de l'eau, à perte de vue. Le monde s'est vengé. Il s'est vengé en se noyant et en noyant sa population avec. Moi, j'ai survécu, grâce à lui...