Chapitre I

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La tasse de café sur le bureau est froide et les papiers sont étalés de façon anarchique sur la surface en bois, laquelle devrait être rangée et propre pour le poste que j'occupe. L'écran de l'ordinateur Apple que la société a mis à disposition de ses salariés est en veille par son manque d'activité alors que la nuit est tombée sur la ville humide et peuplée, où les klaxons de voiture résonnent ; et je soupire, une autre tasse de café entre les mains. La lumière de la pièce me brûle la cornée avec la fatigue accumulée sur la journée et le silence, maître des locaux à cette heure-ci, ne m'aide définitivement pas. Je baille et observe les bâtiments en face de moi à travers la grande baie-vitrée laissant paraître les luminaires de la ville ; cette vue m'émerveille. Être située au dixième étage a quelque fois des avantages.

Après plusieurs heures passées sur un même dossier, à constituer sans aucune information, j'ai le cerveau en surchauffe et les pensées embrouillées. Je ferme les yeux et prends une profonde inspiration ; ce rythme que je m'impose n'est pas des plus sains. Je sors du lit très tôt après l'avoir rejoint très tard. La tête entre les mains, je réfléchis à prendre un médicament car mon mal de tête ne passe pas malgré la pause que je m'offre. La pression est forte dans le milieu du journalisme et les horaires sont les horaires, aucun retard n'est admis.

Je suis désespérée et en manque de sommeil.

Le dossier ne va certainement pas se finir seul, mais là je n'arrive plus à lire. Je ne pensais pas que des lignes pouvaient devenir floues sans problème de vue, mais la vérité est toute autre. Mes méninges ne sont plus en capacité d'en assimiler une seule ; rien que me concentrer demande un effort cognitif que je ne peux plus fournir. Serait-ce temps pour moi de rentrer me coucher ?

Je soupire et passe une main dans mes cheveux, désordonnés et sûrement sales maintenant. Étant une grande anxieuse, je les ai remués dans l'espoir de libérer de l'espace dans ma tête mais cela n'a mené qu'à un conflit psychique. Dans un dernier souffle, je pivote le siège vers le bureau.

Exténuée, je pose le menton dans le creux de ma main et regarde l'écran noir, aucune motivation présente. Ce dossier est vital pour mon cursus et je sais très bien que Elena ne me laissera pas le droit à l'erreur. Je ne sais pour quelle raison elle a un contentieux personnel et silencieux avec moi, mais tout le monde en est témoin. C'est un sacré personnage ça aussi.

Femme distinguée mais rigide, elle prospère par la peur qu'elle inspire et n'hésite pas à le rappeler autant de fois qu'elle prend son pied dans la semaine. Elle détient le pouvoir de te renvoyer sans congé et ça, très sincèrement, c'est le facteur qui m'a empêché d'avoir un différend avec elle lorsqu'elle a envoyé balader mon dossier à travers toute la pièce d'un revers de main. Cependant, malgré son ignoble caractère, elle est mignonne. Voire jolie.

Rien que de dire cela me pique sévèrement la gorge.

— Encore là, Parker ?

Je ne l'apprécie pas mais elle n'en reste pas moins ma supérieure et ma responsable de stage.

Mon regard s'oriente lascivement vers la voix venant de faire irruption dans mon bureau et je reconnais le deuxième stagiaire de ma promo. Un grand blond aux yeux marrons et à l'intelligence prometteuse mais à la maladresse fâcheuse.

— Il faut bien. Elena ne l'entendra pas de la même oreille si j'ai plus de quatre heures de sommeil. Je réponds en passant de nouveau une main dans ma chevelure brune.

— Elle en attend beaucoup de toi parce que tu as des ressources, Nono. Il rétorque en croisant les bras sur sa poitrine, l'épaule en appui contre le chambranle de la porte.

— À ce rythme, je ne sais même pas si je parlerai encore la même langue que toi avant la fin de la semaine. Je dis en me levant de mon siège, saisissant ma veste et mon sac au pied du bureau.

Every Girl Needs Romantism -HSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant