« La main serviable »

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Leurs regards brûlent sa peau. Trop souvent, il ne comprend même pas pourquoi ils s'attardent sur lui. Douze années passées dans le corps de Queudver lui ont fait oublier que, quoiqu'il se soit toujours senti invisible à côté de James et Sirius, son enveloppe humaine ne lui permet pas de se faufiler dans les rues sans se faire remarquer.

Résistant à l'envie de se transformer à nouveau, Peter poursuit son chemin dans l'artère bondée, guettant la maison rouge qu'on lui a indiquée comme étant le lieu de rendez-vous des sorciers de Tirana et ses environs. Lorsqu'il l'aperçoit enfin, il sursaute presque.

Il y est.

Enfin, il a l'impression que son voyage, entamé sur le coup d'une impulsion fomentée par le besoin de fuir la proximité de Remus et Sirius, gagne en tangibilité. Comme pour se rassurer, il referme, dans sa poche, son poing sur le bois d'if de la baguette qui a fait couler tant de sang et s'engouffre dans le pub Moldu qui lui offre un point de vue rêvé sur le bâtiment de briques.

Il commande une bière, sort le journal qu'il a acheté pour faire illusion bien qu'il ne pipe pas un mot d'albanais et, le souffle court, commence son observation.

Alors que ses yeux s'embuent à force de fixer la porte, il ne peut s'empêcher de se demander ce qu'il fout là. Il n'avait d'autre choix que de fuir le Royaume-Uni, c'est certain, mais rien ne l'obligeait à venir s'enterrer ici en suivant les racontars de rats croisés dans les égouts.

Tu n'en as pas eu assez, idiot ? se morigène-t-il. Mais il a beau feindre de se disputer avec lui-même, dans le fond il sait que non. Il n'en a pas assez. Il en veut plus. Il veut la gloire que personne ne lui a jamais offerte. Merde, quoi ! Il a trompé tout le monde pendant douze ans, les plus grands sorciers du monde y compris, et c'est la carte sur laquelle il a apposé sa propre signature qui a mis un terme à sa supercherie !

Il ne peut pas en rester là. Il lui faut autre chose, n'importe quoi, juste un souffle qui murmurait dans son cou que, des pièces maîtresses, il en fait partie. Autre chose, oui, n'importe quoi, juste un signe qui le pousserait dans une direction ou dans une autre. Mais il n'y a rien devant lui, juste une porte et des inconnus qui la traversent.

La chaise de Peter a déjà raclé contre le carrelage quand, par acquis de conscience, il accorde un dernier regard à la maison rouge. Son souffle se coupe, ses mains attrapent sa baguette et un sourire étire le coin de sa lèvre alors qu'il suit des yeux la silhouette qui vient de quitter le repère magique et qu'il a tout de suite reconnue.

Il ne se souvient plus de son nom, mais elle travaille au Ministère, alors elle fera l'affaire.

Growing EvilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant