Chapitre XXIV ♦️

201 23 18
                                    

Monte Béoul était une ville où la chaleur faisait sa loi. Il ne neigeait jamais pas plus que la température ne descendait en dessous de zéro. Les célébrités venaient ici pour bronzer et éviter le passage aux UV grâce au soleil quasiment aussi assassin que la plupart des habitants des quartiers miséreux de la ville. Personne ne sortait après midi au risque d'y perdre sa peau qui fondrait comme du beurre sous les rayons brûlants, ce qui transformait Monte Béoul en un vrai petit monde nocturne où toutes les choses interessantes et croustillantes se déroulaient lorsque la lune avait remplacé son confrère dans le ciel qui subissait le vil comportement de l'astre or pendant douze heures d'affilée. Lorsque la nuit tombait, c'était tout autant un soulagement pour la terre que pour les êtres humains qui la foulaient.

Pour Blood qui avait une étrange façon de concevoir le monde, ce temps exécrable résultait d'un vrai problème intestinal du prétendu Dieu qui se trouvait au dessus d'eux. Tony, avec son habituel flegme, lui avait tant répété étant petite que lorsqu'il pleuvait, c'était que le « Monsieur Là-Haut » pissait sur leur tête parce que ça le faisait marrer qu'elle avait fini par l'intégrer comme une vraie connaissance jusqu'à ce qu'elle se rende compte que c'était des conneries. En revanche, elle aimait toujours se dire que même Dieu pouvait avoir des difficultés à pisser ou chier.

Sauf aujourd'hui, visiblement.

Assise derrière le volant d'une voiture volée, elle essayait d'observer Matteo Hutchinson derrière la pisse incolore que Dieu avait enfin voulu relâché sur son pauvre monde asséché. Blood réalisa alors qu'elle détestait la pluie.

— C'est tout noir ou tout blanc, ici, grommela-t-elle.

Soit il faisait très chaud et on avait l'impression de se faire buter par le soleil, soit il y avait un tel déluge qu'il allait bientôt falloir réveiller Noé pour sauver une deuxième fois tous les cons de ce continent. Agacée, elle finit par enclencher les essuies-glaces pour éviter que sa vue soit troublée par l'eau qui s'écoulait sur son pare-brise.

Ça faisait quelques minutes à peine que Blood s'était garée en face du café dans lequel s'était réfugié Matteo, vêtu comme une star qui voudrait échapper aux paparazzis. Blind était à ses côtés et attendait patiemment, plus ou moins, qu'elle se décide à affronter la pluie tandis que Pierrot se trouvait dans une autre bagnole, de l'autre côté du bâtiment en cas de fuite de Matteo. Blood devait rentrer dans le café et menacer discrètement Matteo pour qu'il l'emmène voir Lola mais elle était certaine qu'il ne jouerait pas les bons petits chiens obéissants. Julia était donc postée à l'extérieur devant la sortie principale, sous l'avancement d'un toit au cas où le jeune homme trouverait intelligent de s'échapper.

— Quand tu veux, Blood.

— C'est pas toi qui vas prendre une douche gratis, marmonna-t-elle.

— Quoi ? Tu hésites à cause de la pluie ?

— Tu n'as jamais vu mes cheveux quand il y a autant d'humidité.

Agacé, Blind grogna et posa le crâne de sa canne sur la tempe de Blood pour la pousser contre la portière. Comprenant qu'elle devait vraiment agir si elle ne voulait pas que l'Aveugle perfore sa tête, elle ouvrit la portière et affronta la pluie. Elle referma vite la porte et courut jusque sur le perron du café avant de pousser le battant. La chaleur du lieu l'enveloppa mais ce ne fut pas suffisant pour lui redonner un air présentable. En une seconde, le temps avait réussi à rendre ses cheveux aussi fous qu'elle malgré les tresses que Julia lui avait faites pour changer un peu son apparence.

Pour ne pas attirer les regards, Blood avait troqué son habituel accoutrement extravagant de Bad Girl en puissance pour un look un peu plus sophistiqué et simple emprunté à sa jumelle.

Crystal BloodOù les histoires vivent. Découvrez maintenant