Où l'amour d'une mère n'a pas d'âge

2.1K 310 86
                                    

Une fois que j'eus raccroché, je me précipitai dans le local d'Igor Moscovaki. J'avais désespérément besoin d'un mentor, besoin de la sagesse des grands qui avaient marché dans le même chemin que moi.

Mon professeur était assis derrière son bureau et feuilletait des partitions en se frottant la barbe. Il leva légèrement la tête lorsque je fis irruption dans la pièce, puis retourna à ses partitions, pas le moins du monde surpris de me trouver là.

— Nous devons parler, lâcha-t-il d'une voix grave avant même que je n'aie le temps d'ouvrir la bouche.

Mon professeur arborait constamment un air sévère et contrarié, mais aujourd'hui, la gravité de son expression atteignait des sommets.

— Oui, nous devons parler, renchéris-je en me laissant tomber sur la chaise en face de son bureau. Saviez-vous que vos collègues s'amusent à discréditer les étudiants de la faculté?

— Et qu'est-ce qui te fait dire cela?

— Mme Hermann a donné son avis sur ma performance au concours dans le journal de la faculté. Elle a dit que j'avais eu un jeu robotique et qui manquait de profondeur! m'insurgeai-je. Comment peut-on être aussi effronté?

Igor posa les coudes sur son bureau et croisa les mains.

— Peux-tu la contredire? demanda-t-il calmement, ses yeux d'un bleu clair me transperçant.

— Pardon?

— Peux-tu la contredire? répéta-t-il en détachant chaque syllabe. Peux-tu nier avoir eu un jeu robotique et qui manquait de profondeur?

— Mais ma corde s'était brisée! protestai-je. Je jouais sur un instrument que je ne connaissais pas!

Mon professeur leva la main pour me faire taire.

— Tu ne réponds pas à la question, rétorqua-t-il. Tu as des circonstances atténuantes, d'accord, mais objectivement, ça ne change pas ta performance.

Soufflée, je me laissai tomber contre ma chaise. J'avais espéré obtenir des encouragements de sa part, mais c'était tout le contraire que je recevais.

— Combien de fois dois-je te répéter de ne pas laisser tes sentiments se mettre en travers de ton chemin? poursuivit-il, agacé. Et j'ajouterais aussi : de ne pas t'asseoir sur tes lauriers.

J'écarquillai les yeux en entendant ces mots.

M'asseoir sur mes lauriers? Quels lauriers? Je passais la moitié de mon temps à douter de moi et l'autre moitié à essayer que ça ne paraisse pas!

— C'est peut-être ma faute, reprit-il en jetant un coup d'œil par la fenêtre, pensif. Je t'ai trop encensée. Et tu as mis tous tes espoirs sur ton nouveau violon, si bien que tu as perdu ta confiance en toi lorsque tu as brisé ta corde. 

Igor soupira lourdement, comme s'il trouvait cette conversation particulièrement déplaisante.

— Élianna, nous devons discuter de tes notes, ajouta alors mon professeur.

— Mes notes? répétai-je, perdue.

Il ouvrit un tiroir de son bureau et en extirpa une unique feuille qu'il glissa devant moi.

— Voici les résultats de tes examens de fin de session. Comme d'habitude, je n'ai rien à redire sur ta performance pratique, mais tes résultats d'examens théoriques sont, au mieux, médiocres.

Choquée qu'Igor ait cherché à obtenir mes résultats d'examen avant que moi-même je ne les reçoive, je laissai mes yeux se promener sur les chiffres imprimés.

Le violonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant