Épilogue - L'amour est enfant de bohème

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J'avais attendu plus d'un an pour vivre ce moment.

C'était étourdissant de penser que des centaines d'heures de préparation étaient réduites à une performance d'une trentaine de minutes. En un claquement de doigt, tout était terminé.

Je reçus les applaudissements de l'auditoire avec un cœur empli de gratitude. Éblouie par les lumières de la salle, je tâchai de repérer un visage connu parmi les gens réunis, mais je ne distinguais que des silhouettes plongées dans la pénombre.

Lorsque je sortis de scène, je m'empressai de ranger le Vuillaume dans son étui et de quitter la loge. Dans le hall, je cherchai de nouveau un visage familier parmi la masse fourmillante de spectateurs qui rentraient chez eux.

Soudain, il était là.

Immobile au milieu du couloir alors que tout le monde le contournait, Loïc m'attendait. Pour l'occasion, il avait enfilé une chemise blanche, qui rehaussait son teint plus halé que d'ordinaire, et un nœud papillon.

Je ne l'avais pas vu depuis huit semaines, sinon par Skype alors qu'il m'entretenait avec passion des fouilles qu'il effectuait en Argentine. Il s'était arrangé pour que la fin de son stage coïncide avec ma prestation au Carnegie Hall, et avait fait des pieds et des mains pour trouver un vol qui arrive à New York à temps pour mon concert. Ce stage était la dernière étape à franchir avant qu'il ne reçoive son diplôme et le titre d'archéologue. Cependant, Loïc aimait tellement étudier que je me doutais qu'il ne sortirait pas des bancs d'école de sitôt.

Je distribuai quelques sourires et remerciements aux spectateurs occasionnels qui me félicitaient, puis je croisai finalement son regard. Ses yeux marrons aux éclats ocre. Ses yeux emplis d'affection et de promesses. Je me remémorai les doutes que j'avais eus sur la carrière d'un musicien à l'international. Je me rappelai avoir questionné le fait de n'être jamais à la maison.

À cet instant, en regardant dans ces yeux-là, j'aurais pu être à l'autre bout du monde que je me serais tout de même sentie chez moi.

Un grand sourire illumina mes traits et je franchis les quelques mètres qui nous séparaient avant de me précipiter dans ses bras. Loïc m'attrapa et me souleva de terre. Les yeux fermés, j'enfouis le visage dans le creux de son cou et le serrai contre moi de toutes mes forces.

— Sacrebleu, tu m'as manqué, souffla-t-il en me rendant mon étreinte.

Nous restâmes ainsi de longues secondes sans parler, coupés du reste du monde. Certaines retrouvailles se passaient de mots. C'était seulement lui et moi. Entre ses bras, je me sentais à la maison.

Loïc me posa finalement sur mes pieds, mais garda ses bras autour de moi.

— Je suis certain que tous ceux qui me regardent en ce moment crèvent de jalousie, me confia-t-il du bout des lèvres.

— Ah bon? Pourquoi?

— Parce que j'ai la chance de tenir contre mon coeur la plus talentueuse et la plus charmante des violonistes.

Loïc cueillit mon rire d'un baiser furtif.

— Frimeur, le rabrouai-je en me détachant de lui, le coeur battant rapidement malgré la fugacité de notre étreinte.

— Et si on sortait d'ici? proposa-t-il en appuyant son front contre le mien.

— Volontiers, soufflai-je.

J'attrapai sa main et l'entraînai à l'extérieur du Carnegie Hall en slalomant entre les gens.

Dehors, le ciel nocturne était lourd de nuages. L'air était humide et sentait la pluie.

— Rentrons à l'hôtel avant qu'il ne se mette à pleuvoir, pressai-je Loïc en l'entraînant à ma suite.

Comme si le ciel avait entendu mes paroles, une pluie tiède se mit à tomber sur nos têtes.

— Il faut protéger le violon! m'écriai-je alors que l'eau ruisselait déjà sur mon visage et dans mes cheveux.

Avec mes escarpins, je ne pouvais pas courir très vite vers un abri.

— On n'en est pas à notre coup d'essai, Élia, me rassura Loïc en se plaçant derrière moi pour retirer la petite veste qui me couvraient les épaules.

Il la posa sur l'étui pour protéger l'instrument que je serrais contre moi, puis il leva les yeux pour me regarder.

Je savais que je payais piètre mine, que mon maquillage avait coulé, que mes cheveux dégouttaient sur mes épaules, mais Loïc me regardait comme s'il n'avait jamais rien vu d'aussi beau.

— Accroche-toi, chaton, lança-t-il alors en m'attrapant sous les genoux pour me soulever de terre.

Je poussai un petit cri et m'accrochai à son cou d'un bras tandis que de l'autre, je tenais fermement le violon contre moi. Contre le corps chaud de Loïc, vêtue de ma robe ruisselante de pluie, je me sentais comme une demoiselle en détresse à qui il portait secours.

— Faut-il vraiment que tu sois chevaleresque en toutes circonstances? demandai-je en faisant mine de paraître ennuyée.

— Évidemment.

Heureusement, l'hôtel que nous avions réservé pour la nuit était tout proche. Nous allions prendre l'avion le lendemain matin pour rentrer à la maison.

Même si notre marche sous la pluie fut brève, le temps que nous arrivions à l'hôtel, la chemise blanche de Loïc était trempée, ses cheveux lui tombaient sur le front et des gouttes d'eau parsemaient les verres de ses lunettes.

C'était moi qui n'avais jamais rien vu d'aussi beau.

Et force m'était d'admettre qu'après un peu plus d'un an à partager la vie de Loïc, le fenouil était devenu mon légume préféré.

Fin

***

Je deviens toujours émotive quand je termine une histoire. x) Merci d'avoir si bien reçu celle-ci. Je l'ai écrite avec mon coeur, et vos commentaires et vos votes m'ont été d'une grande motivation. Merci également à ceux qui ont pris le temps de m'écrire sur mon mur ou en privé, ça me touche beaucoup plus que je ne peux l'exprimer avec des mots (bah voilà, je vous avais dis que j'allais devenir émotive!).

Sinon, j'ai plein d'autres histoires qui se bousculent dans ma tête, mais pour l'instant, je n'en ai aucune qui soit très avancée. Je vais y travailler!

D'ici là, prenez soin de votre femme et de vos enfants 8) Et comme on dit au Québec : « à la revoyure » ! <3 

Le violonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant