conte oriental 1.

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Iwasaki Ryûko. Iwasaki Ryûko. Iwasaki Ryûko. Elle s'appelait Iwasaki Ryûko, et elle allait mourir.

Elle se tenait debout dans l'embrasure de la porte qui donnait sur le jardin, dans l'espoir que contempler la nature la calmerait. La nuit tombait, enveloppait la terre, langoureuse, de ses caresses, tandis qu'il semblait à Ryûko que l'obscurité resserrait l'étau de ses doigts apathiques autour de sa gorge délicate. Dans la clarté de la lune, spectre plein et blafard, se découpait le cerisier en fleurs, trônant sur le jardin de pierres supposé symboliser l'harmonie - il évoquait plutôt un cimetièrre lugubre, hanté par des revenants perdus, se noyant dans leurs propres cauchemars aveugles.

Il serait là d'un moment à l'autre. L'homme qui ferait d'elle une geisha. L'homme qu'elle aimait et qui, pour avoir le droit de ne serait-ce que poser ses doigts sur sa peau, avait acheté sa virginité à prix d'or. 1 million de yens.

Il rentrerait dans la pièce, fermerait doucement la porte derrière lui, sans un bruit. Elle s'approcherait, le regarderait de ses yeux de jais, puis murmurerait qu'elle l'aime tout contre ses lèvres. Il ne répondrait rien, comme à son habitude, se contentant de l'embrasser. Elle se laisserait aller dans ses bras, tout en pensant avec angoisse au moment où il lui ôterait son kimono. Il promènerait ses mains sur sa nuque, ses épaules rondes, puis descendrait le long de son dos, pour agripper ses fesses douces et pleines. Ils feraient l'amour, mais tôt où tard, il le remarquerait. Horrifié, il s'écarterait d'elle comme d'une lépreuse. Puis, une fois l'effarement passé, son visage deviendrait froid et distant. Le mépris luirait au fond de son regard et la transpercerait d'un seul coup, rapide et douloureux. Elle se cacherait le visage d'une main, sa poitrine de l'autre, pendant qu'il sortirait de la chambre à grands pas, scandalisé. Ensuite, elle se mettrait en boule dans le lit, ses larmes perlant en silence sur les draps de soie, femme éplorée dans tout ce luxe désormais insignifiant. Puis, une fois ses pleurs épuisés, elle respirerait l'air du dehors une dernière fois, jetterait un regard à la lune, comme pour la prendre à témoin, puis, d'un geste sec, s'ouvrirait le ventre d'une dague. S'effondrant dans son propre sang, les mains écarlates, elle penserait à l'amant qui l'avait abandonnée, avec une mélancolie tendre, avant de rendre le dernier soupir. 

EffaçableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant