Alors les voix étaient revenues. Et depuis trois jours, elles ne le quittaient plus. Parfois elles semblaient en sommeil, attendant qu'il baisse sa garde pour lui sauter à la gorge, serpents vicieux de la folie lui empoisonnant l'esprit. Et alors c'étaient les pires instants de sa vie. Déchaînées, hilares, elles lui ôtaient toute envie de vivre et avaient le pouvoir de transformer la moindre goutte de son sang en terreur pure, infusée d'un zeste de honte démesurée. Il n'osait plus sortir. Il ne répondait plus aux appels, ni aux messages, ni aux cailloux jetés contre le carreau de sa fenêtre.
A vrai dire, il ne se sentait plus capable de croiser qui que ce soit. La simple pensée qu'un autre être humain puisse le voir le submergeait de dégoût et de honte. Non, il ne le supporterait sûrement pas. Depuis qu'il avait découvert son reflet dans la vitre du buffet, il était rentré dans sa chambre et n'en était jamais ressorti, sauf pour boire, furtivement, quand il était sûr de ne pas croiser sa mère. Les moqueries des voix lui suffisaient.
Mais jeûner n'aidait en rien à améliorer son état déplorable. Puis il devenait fou, à tourner en rond dans son placard comme un poisson rouge dans un aquarium. Il fallait qu'il sorte, coûte que coûte.
Inspirer. Expirer. Calmer le coeur qui menaçait de lui faire sauter la poitrine à tout instant. Inspirer. Expirer. Se forcer à actionner la poignée. Fermer les yeux. Sentir le monde l'écraser de tout son poids, de toute sa haine, jusqu'à n'être plus rien qu'un minuscule insecte, un être insignifiant qui malgré son inexistence parvenait tout de même à provoquer l'hilarité de ces voix qui l'épiaient. Titubant dans l'obscurité du couloir, se mouvant avec la même aisance qu'une hirondelle aurait à voler dans un ciel de plomb, il se figea soudain, remarquant la bande jaune en dessous de la porte de la cuisine. Sa mère était là.
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Effaçable
Randomidées et bribes d'histoires en bordel, sur un lit de mélancolie et assaisonnés d'un peu de poésie ratée