conte oriental 3.

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« Tu ne dis rien ? Demanda-t-elle.

-C'est magnifique » souffla-t-il, reprenant ses esprits.

Dans son regard étincelaient l'admiration et la tendresse. Tout n'était qu'amour. Alors elle se pencha vers lui et tendit ses lèvres quand, soudain, il soupira :

« Moi aussi, j'ai quelque chose à te dire.

-Quoi donc, mon aimé ? »

Puis qu'il l'acceptait telle qu'elle était, geisha, meurtrière, et yakuza, elle était persuadée que rien de ce qu'il lui annoncerait ne pourrait les séparer.

« J'ai beaucoup réfléchi ces derniers temps... »

Hâte-toi, pensa-t-elle. Hâte-toi, que nous puissions nous aimer enfin complètement, et qu'on s'étende, âme imbriquée dans l'âme, chair imbriquée dans la chair, scellés par les chaînes fragiles de l'amour.

« J'aime les hommes. »

Un vent glacial s'engouffra dans la pièce, et un pétale de cerisier vint se coincer dans ses cheveux de jais. Le froid griffa sa peau, se fraya un chemin en lui dévorant les chairs, jusqu'à lui brûler le coeur. Comme une marée haute, la nausée menaçait de tout emporter sous les vagues de larmes houleuses dont l'arrivée s'annonçait imminente. Le bonheur indescriptible qu'elle avait ressenti, l'amour merveilleux et rassurant qui l'enveloppait chaudement un instant auparavant, tout prit soudainement un goût de cendres, fleur à peine éclose et pourtant déjà maudite, fanée. Elle ne pouvait plus respirer.

« Et moi ? Tu ne m'aimes pas? parvint-elle à articuler dans son asphyxie.

- Je t'aime comme une sœur, Ryûko. »

La réponse sonna comme un blasphème, le coup de grâce à son âme agonisante. Elle suffoquait, se débattant, en pleurs, tentant de retenir son humanité qui s'échappait, ruisselante, par tous les pores de sa peau parcourue de frissons. Mais impossible de retenir le bon en elle, car un morbide besoin de vengeance remplaçait tout le vide béant dans sa poitrine. Vengeance pour la vierge lâchement trahie, poignardée en plein coeur dans le dos, son assassin l'enlaçant avec un sourire. Ce fut la femme en elle qui s'éveilla à cet instant. Une femme née des cendres de l'innocence que cet homme écrasait, pulvérisait sans aucun remords. Une femme qui demandait justice. 

EffaçableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant