Le passage piéton vira au vert, mais Connor prit tout de même le temps de regarder à droite et à gauche avant de traverser la rue. Le risque de se faire renverser était moindre, les véhicules se faisant de plus en plus rares dans la ville, mais il conservait malgré lui ce réflexe. C'était une action que lui dictait son programme encore bien présent en lui, même s'il redoublait d'effort pour s'en défaire complètement. Ces derniers temps, il avait beaucoup de mal à discerner ce qu'il faisait grâce à son unique volonté de ce qu'il faisait par automatisme, à cause d'une ligne de code inscrite dans sa tête. S'il était sans le moindre doute le modèle le plus performant de CyberLife, ses concepteurs s'étaient bien gardés de lui enseigner la vie de déviant. Il savait beaucoup de choses, mais il avait l'impression que les informations les plus essentielles lui échappaient. Etre un déviant, c'était devenir humain, car la déviance réveillait l'humanité enfouie en chaque machine. Connor l'avait sentie. Son éveil s'était d'abord fait discret, puis de plus en plus présent. Il avait senti la déviance s'emparer de lui un peu plus chaque jour. Cela avait impacté ses choix, ses actes. Il n'exerçait plus son rôle comme il aurait dû le faire. Petit à petit, lui qui était sans pitié, simplement destiné à accomplir une tâche sans ciller ni remettre en cause les ordres qu'on lui donnait, se sentait envahir par l'empathie. Il n'y avait d'abord pas cru, pensant à un simple bug dans son système qui aurait vite fait d'être réglé, mais avait bien finit par se rendre à l'évidence. Il ressentait des sentiments humains. Il les ressentait vraiment. Il ne pouvait plus tuer de sang-froid, ni mimer des émotions qui ne lui appartenaient pas dans le seul but de tromper sa cible. Tout était devenu bien plus compliqué que ça, et, même s'il ne regrettait pas d'avoir échappé à ses supérieurs, l'avenir l'effrayait.
Quelques minutes plus tard, alors qu'il était toujours plongé dans ses réflexions, Connor arriva devant la petite maison du Lieutenant Anderson. Il se dirigea vers la porte d'entrée et frappa deux coups sans même réfléchir à ce qu'il faisait. Ce n'est que lorsque que Hank ouvrit la porte qu'il se rendit compte d'où il se trouvait. Sans même qu'il ne s'en aperçoive, ses pas l'avaient conduits jusqu'à la seule personne capable de l'aider.
- Connor ? Je ne t'attendais pas. Entre.
- Bonsoir Lieutenant. Désolé de venir si tard. Je... A vrai dire, ce n'était pas vraiment prévu.
Hank referma la porte derrière l'androïde et le suivit jusque dans le petit salon. Là, il se laissa tomber sur un fauteuil, et attendit patiemment que Connor décide de se livrer. Ces derniers temps, il se faisait du souci pour lui. Il voyait bien que la vie de déviant ne convenait pas au RK-800. Il avait bien remarqué la difficulté que l'androïde avait à s'intégrer parmi son peuple, et craignait que ce dernier ne finisse par le remarquer aussi. Cela ne tarderait pas, et Hank craignait que ce ne soit déjà arriver, étant donné l'état d'agitation dans lequel était plongé Connor. Sa diode diffusait une lueur rouge, ce qui n'était en général pas très bon signe. Comme il ne parlait toujours pas, Hank décida d'entamer la convers ation. Lui aussi avait quelque chose à dire à l'androïde.
- Connor, tu n'as jamais pensé à... à retirer cette loupiote que t'as sur la tempe ?
L'androïde se tourna vers Hank, le regard intrigué. Ce dernier continua :
- Je dis ça comme ça, mais j'ai remarqué que Markus, et d'autres déviants, ne portaient plus la leur.
- Ils ont dû la retirer pour mieux se fondre dans la foule durant la révolution. Sans cette diode, et avec des habits différents de ceux que cyberlife leur fournit, plus rien ne les distingue d'un être humain... en apparence du moins.
Connor marqua une pause. Puis, après quelques secondes de réflexion, il demanda :
- Vous pensez que je devrais retirer la mienne ?
- Je ne sais pas. C'est juste que c'est... perturbant, de la voir s'allumer et clignoter sans arrêt. Et puis, avec elle, tout le monde peut connaitre tes humeurs... tu n'aimerais pas avoir un peu plus d'intimité ?
- Il suffit d'un contact de la main pour qu'un androïde sache tout sur l'état d'esprit actuel de l'un de ses semblables... L'intimité n'est sans doute pas la priorité de notre peuple.
- Mais elle l'est chez les humains.
Hank était conscient que ce qu'il venait de dire allait sans doute provoquer un choc chez le jeune androïde. Il observa la réaction de Connor. La tempe de ce dernier fut éclairée d'une lueur jaune, signe qu'il était confus.
- Où voulez-vous en venir, lieutenant ?
- Je vais partir. J'aime cette ville, et j'aime ma maison, mais il n'y a plus rien pour moi ici. Les magasins ne sont plus approvisionnés, la ville risque de ne bientôt plus être fournie en électricité et l'hiver approche.... Alors je pensais m'en aller. Avec toi.
Il s'arrêta, laissant Connor assimiler la proposition qu'il venait de lui faire. Cela faisait plusieurs semaines qu'il y songeait, mais il n'avait pas encore trouvé le moment d'en parler à l'androïde. Ce soir lui avait paru être le bon.
- Mais, lieutenant... Jamais je ne passerai les frontières. Et puis quand bien même j'y arriverai... je devrais rester caché. Est-ce que cela vaudrait mieux que la situation actuelle ?
- J'ai tout prévu Connor. J'ai encore des contacts haut placés, qui sont prêts à m'aider. Passer les frontières ne sera pas un souci. Et puis, certains états n'ont rien contre les androïdes, tu sais. Le Canada, par exemple. Mais, dans notre cas, c'est plutôt l'Europe que nous visons.
- L'Europe...
Connor avait du mal à mettre de l'ordre dans ses pensées. Il était confus. Trop de questions se bousculaient dans sa tête. Etait-il prêt à quitter tout ce qu'il connaissait pour un monde dont il ne savait rien ? Serait-ce abandonner son peuple que de partir avec Hank ? Arriverait-il à finalement trouver qui il était, loin de cette ville qui le rattachait inévitablement à son passé ? Depuis la révolution, il était tiraillé entre deux camps. La proposition de Hank allait-elle mettre un terme à ce débat interne ? Mais serait-il seulement capable de choisir ? Connor n'en avait encore aucune idée, et pourtant, il savait que le choix devrait se faire rapidement.
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The way of liberty
FanfictionLa révolution des Déviants à fait fuir la quasi totalité des habitants de Detroit. Alors qu'il s'est enfin libéré de sa servitude, Connor se sent étonnamment perdu. Il ne se sent pas à sa place chez les androïdes qui, malgré son rôle clef dans la vi...