On the road

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- Ah, Connor, te voilà enfin !

Les paroles de Hank furent noyées sous l'aboiement joyeux de Sumo, apparemment  ravi de voir l'androïde. Arrivé à leur hauteur, Connor se baissa et caressa affectueusement la tête du chien.

- J'espère que je ne vous ai pas trop fait attendre.

- T'inquiètes pas, tu es à l'heure! C'est juste qu'il fait un froid de canard aujourd'hui.

- Vous n'avez pas de valises ?

Connor ne remarquait qu'à présent qu'il n'y avait aucun bagage aux pieds de Hank. Il ne put s'empêcher de se demander si c'était mauvais signe, et s'il devait s'en inquiéter. Remarquant son désarroi, le vieux policier pointa du doigt sa voiture de service, garée au coin de la rue.

- Tout est dedans. Ce n'est pas comme si j'avais grand-chose à emporter, de toute façon. Toi non plus d'ailleurs.

Connor hocha la tête, rassuré. Il suivit Hank jusqu'au véhicule, et s'installa sur le siège passager. Tandis que la voiture se mettait en marche, il sortit distraitement une pièce de sa poche et commença à la faire voltiger entre ses doigts. Il ne remarqua pas le regard quelque peu agacé de Hank, qui n'avait jamais vraiment apprécié le petit numéro d'agilité de Connor. Pourtant, ce dernier ne dit rien, conscient que l'androïde avait besoin de cette distraction pour ne pas se laisser envahir par le stress. C'était lui qui avait le plus à perdre. Lui qui, s'ils se faisaient prendre, aurait les plus gros ennuis. Hank savait que lui-même s'en tirerait assez facilement, mais il n'osait imaginer ce que Connor subirait. L'idée qu'il se fasse reformater, ou même désactiver, était insupportable pour le lieutenant.
La nuit était totalement tombée lorsque la voiture arriva près de la frontière de la ville. Un véhicule de police était garé derrière une rangée de barrières, et deux hommes en uniforme en sortirent à la vue des phares de Hank. Ce dernier s'arrêta et ouvrit sa fenêtre.

- Papiers du véhicule, s'il vous plait. Et votre pièce d'identité.

Sans un mot, le lieutenant sortit ce qu'on lui demandait. Le policier les examina longuement avant de les lui rendre. Il jeta ensuite un regard vers Connor, et lui adressa un petit signe de tête.

- La vôtre aussi.

L'androïde tendit les faux papiers que Hank lui avait fait faire, et attendit nerveusement que l'homme finisse de les observer. Après une longue minute de silence, ce dernier les lui redonna.

- Merci, tout est en ordre. Désolé pour e désagrément, mais on est jamais trop prudent, surtout en ce moment.

- Beaucoup d'androïdes ont tenté de sortir de la ville ? demanda Hank.

- On en voit tous les jours. Mais on n'en laisse passer aucun. Il vaut mieux contenir les déviants dans un seul et même endroit, tant que nous ne savons pas exactement qu'elles sont leurs intentions.

- Evidemment. Et qu'en est-il du reste du pays ?

- Aucun androïde ne rentre ni ne sort.

Le lieutenant hocha la tête, assimilant l'information.

- Très bien. Mon fils et moi quittons la ville pour nous diriger vers l'Europe. Croyez-vous que nous aurons des difficultés à prendre un avion ?

- Les contrôles sont renforcés, mais si vous n'êtes pas un tas de ferraille, vous n'avez aucun souci à vous faire ! Bon voyages, messieurs.

L'homme accompagna ses paroles d'un rire franc. Hank lui adressa un sourire crispé et le salua d'un geste de la main.

- Merci. Au revoir.

La voiture redémarra et la véhicule de police ne fut bientôt plus qu'un lointain point dans la nuit.

Les heures suivantes se déroulèrent dans le silence. Connor n'avait pas ouvert la bouche depuis qu'ils avaient quittés Detroit, malgré les tentatives de Hank pour le faire sortir de son mutisme. Seuls les halètements de Sumo troublaient maintenant le calme. Dehors, le paysage défilait, sombre comme les pensées du déviant. Ce dernier ne cessait de ressasser les paroles que le policier avait prononcées un peu plus tôt. « Tas de ferraille ». Les humains le verraient-ils toujours ainsi ? Comme un vulgaire morceau de plastique ? Certes, il existait des gens comme Hank, mais combien étaient-ils comparés à ceux qui haïssaient les machines ?

- Hank... Comment les gens considèrent les androïdes, là où nous nous rendons ? demanda-t-il soudain, brisant le silence.

Le lieutenant laissa s'écouler quelques secondes. Les yeux rivés sur la route, il répondit finalement :

- Je ne sais pas, Connor... Certaines personnes n'acceptent jamais le changement. Légalement, tu seras libre. Pour ce qui est du reste... nous verrons bien.

Le silence se fit de nouveau. L'androïde retourna à ses pensées et Hank ne chercha pas à l'en empêcher. Ce dernier se contentait de conduire, réduisant au fur et à mesure qu'ils s'éloignaient de Detroit la distance qui les séparait de leur nouvelle vie. Il ne restait plus que cinq heures de route avant d'atteindre l'aéroport international de Minneapolis-Saint-Paul, où ils devraient prendre un avion qui les emmènerait directement en France. Un vieil ami de Hank les attendait là-bas, prêt à leur faire passer les contrôles. Leur vol était assez tard dans l'après-midi, mais vu la situation actuelle des choses, le lieutenant préférait être prévoyant et arriver plus tôt. Il continua donc de rouler, laissant Connor à ses pensées.

The way of libertyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant