Flying over America

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- Je n'ai jamais pris l'avion, annonça Connor alors qu'il s'installait sur le siège de l'avion.

- Tu verras, c'est plutôt sympa, une fois là-haut, répondit Hank. Surtout dans ces conditions... ajouta-t-il en regardant les sièges haut-de-gamme.

Il s'assit en poussant un petit soupire d'aise, pas mécontent d'avoir été surclassé. Une hôtesse passa les voir avant le décollage, afin de leur rappeler les consignes de sécurité. Si Connor avait autrefois su garder un visage impassible en toute situation, il semblait aujourd'hui avoir perdu cette faculté et arborait une mine crispée, presque coupable. Heureusement pour lui, l'hôtesse n'en tint pas compte et les laissa tranquilles.

Les minutes précédant le décollage semblèrent s'étirer à l'infini. Même si le plus dur était derrière eux, Connor et Hank ne purent se détendre tout de suite. Tant qu'ils seraient immobilisés au sol, ils ne seraient pas en sécurité. Hank faisait certes confiance à son ami, mais ce dernier ne pourrait pas empêcher un contrôle anti-androïde de dernière minute. La chance sembla néanmoins être de leur côté, car l'avion finit par avancer. Peu à peu, il prit de la vitesse et, bientôt, il fut bien loin de la terre ferme. Hank se cala au fond de son siège tandis que Connor observait le paysage par le hublot. Il avait un air presque enfantin, s'extasiant devant les nuages qu'ils traversaient et le continent américain qui devenait de plus en plus petit à mesure qu'ils prenaient de la hauteur.

Les heures défilèrent doucement. Si Hank avait très rapidement sombré dans un sommeil profond, Connor, qui ne dormait pas, commençait à trouver le temps long. Il jouait avec sa pièce, la faisant rouler entre ses doigts, en regardant distraitement le paysage défiler par le hublot. Il s'ennuyait ferme, et l'avion n'était pas prêt d'atterrir. Il observa l'allée vide qui les séparaient, Hank et lui, de leurs voisins de gauche. Il avait vu de nombreux passagers l'emprunter, généralement pour aller aux toilettes, et se demandait s'il n'allait pas lui aussi se dégourdir un peu les jambes. Il hésita un instant, se demandant s'il n'était pas plus raisonnable de se faire discret jusqu'à la fin du vol. C'était probablement ce que Hank lui aurait suggérer s'il avait été éveillé, mais le fait était qu'il dormait depuis plusieurs heures. Et Connor savait d'expérience que l'ancien lieutenant resterait assoupi encore un moment.

Il décida donc de se lever, passant aussi doucement que possible devant Hank, qui ronflait légèrement. Il resta un instant immobile dans l'allée, ne sachant pas trop quelle direction prendre. Il n'avait pas besoin d'aller aux toilettes, pas plus qu'il n'avait besoin de boire ou de manger. Il décida finalement de marcher jusqu'aux toilettes, quitte à faire demi-tour aussitôt arrivé là-bas.

Alors qu'il marchait, il se rendit compte que c'était la première fois qu'il ressentait de l'ennui. Autrefois, il pouvait rester des heures immobile sans que cela ne lui pose le moindre problème. Cela faisait partie de son programme de robot : aucune émotion ni sentiment humain. Depuis qu'il se défaisait doucement de ses lignes de codes, il expérimentait sans cesse de nouvelles sensations, mais l'ennui ne s'était encore jamais présenté. Il faut dire que lui et Hank avait été plutôt occupé depuis quelques temps, entre les conséquences de la révolte androïde sur la ville de Detroit et les préparatifs du voyage.

Connor savait qu'il aurait pu essayer de tromper son ennui en se perdant dans la multitude de possibilités que lui offrait son cerveau de robot, mais son regard se serait alors éteint et son visage serait resté totalement inanimé, d'une manière inexistante chez les humains. Et il ne pouvait pas se permettre de risque que quiconque remarque qu'il n'était pas des leurs, pas alors qu'il était si près de la liberté.

Il ne mit pas plus de quelques minutes pour trouver les toilettes, et une fois là-bas, il fit aussitôt demi-tour. Il fut bientôt de retour dans l'allée, et retournait à contrecœur à son siège.

En passant près d'un passager, il remarqua que celui-ci regardait un film. Encore une activité proprement humaine qu'il n'avait pas expérimenté. Bien sûr, il avait souvent vu Hank en regarder depuis qu'il passait du temps chez lui, mais il ne s'était jamais intéresser à ce qui s'y passait, préférant s'informer sur les nouvelles mesures prises en charge vis-à-vis des androïdes de Detroit ou caresser Sumo.

Il se réinstalla aussi discrètement que possible sur son siège et observa un instant la tablette en face de lui. Il l'alluma et passa en revue les différents programmes proposés. De nombreux films étaient disponibles, mais aucun ne lui parlait. Il n'avait absolument aucune idée de quoi choisir. Il opta finalement pour un film d'animation mettant en scène des lions datant de plusieurs décennies, curieux de voir comment les cinéastes de l'époque se débrouillaient.

- « Mesdames et messieurs, nous vous informons que l'avion va bientôt atterrir. Veuillez-vous rassoir et attachez vos ceintures de sécurité. Merci d'avoir choisi notre compagnie, nous espérons que vous avez passez un bon vol ! »

Connor n'entendit pas l'annonce, absorbé comme il l'était dans le générique du film qui venait de se terminé. Ce fut Hank qui, à peine réveillé, lui fit signe de rattacher sa ceinture.

- Désolé Lieutenant, je n'avais pas entendu, dit l'androïde en retirant son casque de ses oreilles.

Il avait dans la voix une sorte de tristesse étrange, que Hank ne lui avait encore jamais entendue.

- Tout va bien ? demanda l'ancien flic. Qu'est-ce que tu regardais ?

- Même si Simba réussit à reconquérir son trône et que l'histoire se finit bien, il n'empêche que Mufasa est mort de la pire des manières qui soit, répondit Connor d'un air sombre. Comment des gens ont-ils pu créer une œuvre aussi triste ?

S'il avait pu pleurer, l'androïde aurait eu les yeux brillants de larmes. Ses émotions encore incontrôlées se manifestaient parfois de façon excessive, et Hank ne put retenir un rire.

- Tu aurais dû me dire que tu allais regarder Le Roi Lion, je t'aurais prévenu ! C'est le premier film que tu regardes ?

Connor hocha la tête, encore sous le choc de ce qu'il venait de voir. S'ensuivit une longue conversation sur les différents films que Hank voulait lui montrer, qui les occupa jusqu'à la fin de l'atterrissage. 

The way of libertyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant