A new home

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Une heure plus tard, Hank et Connor attendaient un taxi sur le parking de l'aéroport Charles de Gaule, Sumo à leurs côtés. Un sourire flottait sur les lèvres du lieutenant et l'androïde, lui, se sentait étrangement plus léger. Depuis qu'ils avaient posé le pied sur le sol français, un poids dont il n'avait pas conscience s'était retiré de ses épaules. Il commençait tout juste à réaliser ce qu'être ici, en Europe, en France, signifiait. Il était libre désormais. Plus libre qu'il ne l'avait jamais été. Sa présence ne représentait plus aux yeux des autorités une menace, et il ne risquait plus d'être arrêté et désactivé à tout instant. Petit à petit, il s'autorisait à songer à sa vie future. Jusqu'alors, elle avait l'apparence d'un songe, d'un rêve lointain, inaccessible. Aujourd'hui, cette nouvelle vie semblait de plus en plus proche, à portée de main. Il semblait à Connor qu'il lui suffisait de tendre le bras pour l'effleurer, la toucher, la saisir. Et il en était de même pour Hank.

Le taxi arriva finalement, et ils grimpèrent dedans rapidement. Hank indiqua une adresse au chauffeur que Connor ne connaissait pas. Il fit une rapide recherche dans sa base de données et découvrit qu'il s'agissait d'une petite maison de campagne, située à une heure environ de la capitale française. Curieux, il demanda :

- A qui appartient cette maison ?

Hank émit un petit grognement lorsqu'il comprit ce que Connor venait de faire.

- Cette instantanéité a le don de m'énerver, dit-il d'une voix bourrue avant de continuer. C'est la maison d'une vielle tante, chez qui je suis allé une fois, avec Cole. Il n'était pas bien grand à l'époque, quatre ou cinq ans, mais je ne l'avais jamais vu plus heureux que là-bas. Il était tombé sous le charme de la maison, et surtout du jardin, où il passait des heures à jouer. Quand on est rentré à Detroit, il m'a longtemps parlé de ce voyage, et m'a fait promettre d'y retourner un jour...

Il marqua une pause. L'ancien lieutenant essayait de le cacher, mais l'androïde voyait bien qu'il était ému.

- Vous revenez maintenant, c'est tout ce qui compte, dit-il doucement. Vous tenez votre promesse. Je suis sûr que Cole serait heureux de voir que tu reviens ici.

Connor se figea soudain, et Hank tourna vivement la tête vers lui. C'était la première fois que l'androïde le tutoyait.

- Je...

- Il était temps ! s'exclama l'ancien Lieutenant. Je me demandais combien de temps tu allais encore me vouvoyer !

- Je ne savais pas si vous... si tu voulais que je le fasse. Je n'ai jamais tutoyé un humain. Je n'y étais pas autorisé.

L'esquisse d'un sourire passa sur les lèvres de Connor. Si lui-même ne s'en rendit pas compte, Hank le remarqua, et ne put s'empêcher de sourire de plus belle. Cela faisait à peine quelques heures qu'ils étaient sur le sol européen et l'androïde était en progrès constant. Depuis qu'il s'était libéré de l'emprise de Cyberlife, force était de constaté qu'il avait évolué. Sa simple déclaration à Hank, la veille de leur départ, reflétait une personnalité propre. S'il n'était pas fait de chair et de sang, la conscience de Connor devenait peu à peu celle d'un homme. Il adoptait des réflexes humains sans même s'en rendre compte. Bien sûr, il lui faudrait encore du temps pour se reconstruire et découvrir qui il était, loin de son rôle d'agent spécial, mais toutes ces petites choses rendaient Hank plus que confiant sur sa capacité à réussir.

Le trajet en taxi passa rapidement. Connor et Hank discutèrent tout du long, l'androïde en profitant pour se familiariser avec l'usage du « tu ». Lorsqu'ils arrivèrent finalement devant la maison, ils saluèrent brièvement le chauffeur et sortirent leurs maigres bagages du coffre. Sumo qui, à peine sortit de la soute réservée aux animaux, s'était retrouvé recroquevillé sur le siège arrière du taxi, entre Hank et la portière, poussa un petit jappement joyeux lorsqu'il put enfin se dégourdir un peu les pattes.

- Et voilà, dit Hank en regardant la maison. On y est.

Connor se contenta de hocher la tête. Il observait la maison, curieux. Les murs étaient recouverts de lierre et la peinture des volets était depuis longtemps écaillée. Les marches du perron étaient abîmées, et Connor analysa plusieurs dizaines de façon pour un humain de s'y briser le cou. Ce fut Sumo qui interrompit ses réflexions, le bousculant pour courir à la suite de Hank qui venait d'entrer dans la maison.

L'androïde s'avança doucement, presque timidement. Il gravit les marches du perron d'un pas mal assuré et s'arrêta sur le seuil. La porte d'entrée donnait directement sur un petit salon, rempli de meubles poussiéreux datant d'une autre époque. Sumo s'était déjà approprié le fauteuil et bailla longuement alors qu'il s'y installait confortablement.

En voyant cette scène, Connor réalisa brutalement que, pour la première fois de sa vie, il allait avoir un chez lui. Bien sûr, Hank l'avait toujours accueilli à bras ouvert dans sa petite maison de Detroit, mais le RK-900 ne s'y était jamais sentit tout à fait à l'aise. Le fantôme du passé du lieutenant hantait les lieux, et l'androïde avait souvent eu l'impression d'être de trop.

Il fit un pas en avant, faisant grincer le vieux parquet en bois. Quelque part dans la maison, il entendit Hank éternuer, puis lâcher un juron. Une brève analyse de l'air lui permis de voir que le taux de poussière était exceptionnellement élevé, et qu'il faudrait probablement plusieurs heures de ménages pour en venir à bout.

Il se mit donc au travail. Posant le sac qu'il tenait dans l'entrée, il téléchargea quelques vidéos de ménage et, ayant trouvé un balai et un plumeau dans le placard de la cuisine, commença à nettoyer.

Quand Hank revint finalement dans la pièce, après avoir passé une quinzaine de minute à se battre avec les volets des chambres du haut, il fut tellement surpris qu'il resta un instant incapable de tout mouvement. Le salon était méconnaissable. Là où quelques minutes plus tôt s'entassait poussières et insectes à l'agonie se trouvait un parquet impeccable, sur lequel il aurait suffit de passer un peu d'eau pour qu'il brille de mille feux. Mais le plus surprenant était sans aucun doute Connor qui, n'ayant pas remarqué Hank malgré son ouïe surdéveloppée, chantonnait en époussetant les meubles avec son plumeau. La vision était si déconcertante que l'ancien lieutenant ne put retenir un rire, et Connor sursauta avec une telle violence que Hank ne pu contrôler son fou rire. 

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