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Il était tellement tard, bien plus tard qu'en temps normal pour Luz et Samson qui avaient pris l'habitude de se quitter juste après le coucher de soleil, leurs iris imprégnés de la beauté dorée qu'offrait chaque soir la ville.

La jeune femme, comme toujours, venait voir peindre celui qu'elle aimait, l'aidant quelquefois à la tâche, sans trop vouloir le déconcentrer dans son art ; elle savait qu'elle aurait moins l'occasion de l'observer si elle peignait, trop concentrée à ne pas tout gâcher.

À eux-deux, ils avaient terminé tout le coin de la rue, jusqu'à ce qu'il ne reste plus un seul mur blanc, plus la moindre faille qui n'avait pas encore été sublimé. Heureusement, il leur restait encore beaucoup d'endroits à peindre, à éclabousser de leur bonheur coloré.

Luz espérait que le talent du jeune homme soit reconnu à sa juste valeur, lui qui rêvait d'œuvrer dans les plus belles villes du monde, sous les yeux attentifs des artistes qu'il admirait, ou juste d'offrir un peu plus de vie aux personnes qui en avaient besoin.

Ce soir-là, ils s'installèrent tous les deux sur un toit de leur ville, sous les étoiles si nombreuses qu'elles se mélangeaient à leurs jumelles dessinées par Samson et éclairaient d'une lueur irréelle toutes les œuvres de tous les murs où il était passé.

Luz portait sa robe de soie, celle qui lui allait si bien aux yeux du jeune homme. Hésitante, elle posa sa tête sur son épaule dans un silence rassurant, rythmé par le souffle de la nuit et leurs pensées ingénues.

Samson, pas pour autant agacé, fit un mouvement de bras, forçant la brune à se redresser pour lever les yeux vers lui.

— Dis-moi... commença-t-il, un sourire plein de malice collé à son visage. Tu as toujours le portrait de la femme ?

Luz lui fit une moue interrogative, elle avait toujours eu du mal à comprendre les sous-entendus. Bien-sûr qu'elle avait toujours le portrait qu'il avait laissé par terre un soir, mais il l'avait abandonné sans faire exprès, non ?

— Je l'ai laissé au sol pour que tu le voies, s'expliqua-t-il, devinant les questions qui taraudaient l'esprit de la jeune femme.

Il marqua une pause, pendant que les commissures de ses lèvres se redressaient un peu plus à chaque seconde.

— C'était la première fois que je dessinais Vénus aussi bien, il fallait bien que tu vois ça !

Sous ces mots, il s'allongea entre les tuiles orangées, l'air si apaisé que la brune n'osa pas l'assaillir de plus d'interrogations, souhaitant profiter du calme que leur offrait la fin du mois de juillet.

— Je me disais bien, aussi, que cette femme était trop parfaite pour être réelle, murmura-t-elle tout de même, se rendant à l'évidence.

Samson se rassit à côté d'elle, son bras gauche encerclant la taille de la jeune femme. Une étincelle espiègle brillait dans le fond des ses pupilles, provoquée par quelque chose que lui seul semblait comprendre.

— Crois ce que tu veux, réelle ou pas réelle, moi je sais très bien qui cette femme représentait.

Il l'observa de ses yeux profonds, l'attira vers lui doucement, permettant à Luz de s'approcher davantage de son parfum, son parfum si attirant qu'il n'avait absolument rien à envier à celui de la fumée rose, vestige de doutes à oublier. Elle y repensait encore, et, malgré le désir pour le garçon de plus en plus intense, la distance entre eux-deux était encore trop grande, assez grande pour y laisser entrer les inquiétudes de la jeune femme.

— J'ai peur d'avoir à nouveau envie de fumer, avoua-t-elle, craintive, en repensant à cette drogue, monstre invisible qui tenterait peut-être de l'attraper à nouveau entre ses griffes.

Le jeune homme se tourna vers elle, frôlant du bout des doigts sa joue où se creusait une fossette, dans un nouveau sourire sincère, mais rempli d'incertitude.

— Luz, respire... Si tu reprends ton souffle pour sentir autre chose que cette fumée, tu verras qu'il y a de plus belles choses à vivre, à attraper dans l'air, des moments que tu n'arriveras jamais à imaginer dans tes rêves. Il faut juste y penser fort et ouvrir grand les yeux.

Comme pour justifier ses paroles, Samson lui offrit tout ce dont la jeune femme rêvait ; ses yeux sombres, ses cheveux ébène et puis surtout ses lèvres. Il l'embrassa alors, les effleurant légèrement pour ensuite mieux les savourer et permettre à leurs langues de se rejoindre enfin dans la plus belle des danses. Sous leur baiser rempli de délicatesse, bien que les sentiments qu'ils ressentaient l'un pour l'autre étaient des plus puissants, les étoiles et la Lune se cachaient les yeux, assistant à une scène qui n'appartenait qu'aux deux amoureux.

— Tu embrasses mieux que Vénus, murmura Samson qui avait mis fin au baiser juste pour sortir ces quelques mots.

Luz rit légèrement, en glissant ses doigts couverts de peinture entre ceux du jeune homme. Celui-ci avait réussi à enterrer tous les esprits qui la hantaient, en quelques fractions de secondes.

Ensemble, ils étaient comme deux lumières brillant dans le noir, deux étoiles alignées dans le ciel, deux cœurs qui s'unissent et qui s'éclairent l'un et l'autre.

Et, dans les bras de celui qu'elle aimait, c'était peut-être ça, finalement ;

la vie en rose.

la vie en rose

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FIN

Si tu reprends ton souffleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant