Chapitre 5 : L'inconvénient d'avoir des amis de longue date

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Les ténèbres sont descendues plus denses à présent, la dernière nuance orange a délaissé le ciel

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Les ténèbres sont descendues plus denses à présent, la dernière nuance orange a délaissé le ciel. Debora époussette la robe noire à bretelles qu'elle a mis pour l'occasion.
Ruth dit au revoir à Ben.

Debora se regarde dans le rétroviseur pour arranger le mascara que Ruth a bien voulu lui prêter à la dernière minute. N'ayant jamais le souci de se maquiller en d'autres occasions que celle-ci, Debora a rapidement posé la couche de pigments noirs. Le tube, au packaging doré et très clinquant, sagement posé sur sa robe, Debora essuie son doigt, désormais noir, avec un mouchoir trouvé dans la boite à gants. La porte de la maison de Ruth finit par se refermer. Debora suit des yeux son amie faire le tour de sa voiture avec sa robe verte et ouvrir la portière.

« Je n'aurais jamais dû mettre ses putains de talons, l'accueille Debora en se plaignant. Je vais me péter une cheville.
- Ne commence pas, la prévient Ruth, en s'installant sur le siège conducteur.
- Je devrais aller chercher mes Converses, décide Debora à la dernière minute. J'en ai pour...
- Non. »

Ruth actionne la fermeture centralisée des portes de son break avant que Debora n'ouvre sa portière.

« On est enfin dans cette foutue voiture après tous tes foutus essayages, fait remarquer Ruth, les sourcils froncés. On n'en sort que pour aller à ma fête d'anniversaire maintenant. »

Le visage de Ruth s'éclaire d'un sourire flamboyant. Debora roule des yeux et lui tend le masacara.

« Tu es beaucoup trop heureuse, c'est dégueulasse.
- Ta gueule. »

Debora ricane et pose son coude sur le bord de la fenêtre. Le moteur de la Mercedes grogne dès que Ruth démarre sa voiture, après avoir mis le mascara dans son petit sac à main. Ruth laisse chauffer le moteur et, pendant ce temps, checke son téléphone. L'air de rien, Debora remarque qu'elle a reçu plusieurs messages.

« Ils sont tous déjà là-bas ? demande-t-elle, étonnée.
- J'imagine. Pamela et Marshall y sont en tout cas et...
- Logique, c'est leur restau » souffle Debora, en la coupant.

Ruth lui lance un regard agacé.

« Tommy et Tasha y sont aussi, poursuit-elle.
- Et Gina ? demande Debora, sans la regarder.
- En retard.
- Pour changer.
- Elle est mère, répond Ruth, comme si la réponse était évidente.
- Et alors ?
- Tu ne peux pas comprendre. »

Debora se tait, blessée malgré elle. L'émotion, vive comme une plaie qui suinte, du désir de grossesse la submerge une nouvelle fois comme une vague aux dents tranchantes.
C'est fou que l'appel soit encore si puissant, indéfinissable, évident.
Debora ressent avec une douleur aigüe cette réclamation, cette supplication, qui s'exerce sur son corps. Elle baisse les yeux sur son ventre vide et voit le tissu de sa robe qui miroite sous les lampadaires des villes successives. Debora ne se rend pas compte du silence qui pèse sur Ruth alors que, plusieurs fois, elle essaie de récupérer son amie pour retrouver son habituelle joie de vivre, son optimisme. Seulement Debora répond par monosyllabes depuis le sujet de Lisa et elle semble être tombée trop profondément en elle-même, mais en réalité, là-bas, Debora pense à sa vie et comment est-ce qu'elle la mène, dans sa solitude, au creux de l'Utah.

Se débarrasser des vivants, Tome 1 : Poétique d'une civilisation effondréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant