Quatre

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Bonne lecture !

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Assise sur le sol de son studio, à moins d'un mètre de sa TV qui tournait sans son, Mika refaisait son vernis à ongle en écoutant vaguement sa mère qui parlait au téléphone. Son casque sur les oreilles, les fenêtres ouvertes et laissant entrer le vent calme de la soirée, et regardait en même temps l'émission sur les animaux de compagnie qui passait tous les jeudis.

– Mais enfin, dit sa mère dans le combiné, tu sais comment est ton père : il leur a mis un mot dans la boite aux lettres le lendemain. Franchement, c'est n'importe quoi, notre quartier a des règles très strictes par rapport au bruit et la tondeuse le dimanche c'est parfaitement interdit ! Il a eu de la chance qu'on appelle pas les flics.

Mika leva les yeux au ciel, toujours penchée sur ses doigts. Ses ongles avaient la taille parfaite, et elle sourit en appliquant la première couche sur son index.

– T'en penses quoi ?

– Tu veux dire que je suis censée avoir un avis sur la voisine et son mari qui tonde leur jardin le dimanche ? Je n'habite là que deux mois par an, alors tu sais quoi ? Je vais leur laisser le bénéfice du doute. Peut-être qu'ils avaient oublié.

Sa mère renifla de l'autre côté et Mika sut que sa réponse ne lui convenait pas. Tant pis, pensa-t-elle. J'ai passé l'âge de tout dire pour son approbation.

– Bon, sinon tout va bien pour toi, ma chérie ? Les cours ?

– Ouais, ça va. J'ai eu mon semestre avec un peu d'avance, alors....

En vérité, elle l'avait eu avec 11, 2, ce qui n'était pas vraiment une « bonne avance » mais dire ça à sa mère était inutile. Dans son oreille, elle l'entendit parler avec son père. Curieuse, Mika monta légèrement le son de son casque cela ne fut pas concluant, elle n'entendit rien. Quand sa mère reprit la parole, elle grimaça franchement et baissa rapidement le son.

– Ton père te dit « bon boulot ».

Son père aurait pu lui dire ça lui même, pour le peu de fois qu'elle appelait chez elle. Elle soupira.

– Dis-lui merci.

Elle attendit quelques secondes, et termina la première couche. Se relâchant pour appuyer son dos contre le bord du lit, Mika recommença à regarder vaguement la TV.

– Et sinon, tu n'as rien d'autre à me dire ? demanda sa mère. Il faudrait que tu rentres un week-end, pour qu'on puisse –

– Je pourrais pas rentrer avant les vacances, maman. Tu sais bien.

Sa mère soupira avec déception.

– Oui, je sais. Dommage. Et sinon, toujours pas de copain ?

Mika gémit de dépit et laissa sa tête partir en arrière pour regarder le plafond. Toujours les mêmes questions, c'était épuisant.

– J'ai rompu avec le dernier y'a à peine trois mois.

– Et alors ? Tu es jeune ! Tu peux rapidement te remettre en selle.

Cette fois, Mika se contenta de souffler un peu fort. Ce qu'elle disait était ridicule : Mika avait 21 ans, pourtant sa mère lui parlait de se « trouver quelqu'un » comme si la soixantaine la guettait. Elle avait toujours eu une idée bien spéciale de la famille et des choses qui étaient importantes, et ceux qui faisaient passer le travail ou l'ambition avant une petite vie bien rangée avant 25 ans étaient des idiots.

Mika était une idiote, et elle s'en fichait pas mal.

– Nan, toujours personne. Ça me va bien comme ça. Tibérius aussi est bien content de m'avoir pour lui tout seul.

Sa mère lâcha un cri dans le combiné, et Mika se retint de rire : son chat sans poil, Tibérius, était l'ennemi juré de sa mère. Elle le trouvait moche comme un rat, et lui prenait un malin plaisir à faire ses besoins sur son côté du lit.

– Ne me parle pas de cette chose.

« Cette chose » était actuellement en train de s'amuser avec une peluche en forme de poussin, à quelques mètres de là. Mika l'observa, et il releva la tête, comme conscient qu'on parlait de lui. T'es le plus beau à mes yeux, articula-t-elle en silence pour le rassurer.

Il retourna à son jeu, satisfait.

– Tu finiras vieille fille, vu tout le temps que tu passes avec ton maudit chat.

– Ça me va. Au moins je pourrais dormir en travers dans le lit.

Sa mère grogna.

– Oh, tu m'énerves.

– Moi aussi je t'aime, maman. Je vais te laisser.

Elles s'échangèrent quelques politesses avant de raccrocher. Quand Mika put enfin enlever son casque et remettre le son de la TV, elle se demanda vaguement comment ses parents prendraient le fait qu'elle s'intéresse à une fille.

Finalement, elle haussa les épaules.

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Des bisous !

Un nuage de crèmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant