Une

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Bonne lecture !

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– Tu déconnes ?

Mika releva les yeux, abandonnant son grand gobelet en carton rempli de café au lait. Elle cessa de le tourner entre ses doigts et se redressa un peu. Sa chaise couina timidement.

– Non. Je suis parfaitement sérieuse. Je pensais qu'il valait mieux te le dire en face.

Face à elle, Théo la regardait avec des yeux ronds. Ses joues prirent une honteuse couleur rouge, et il se tendit en serrant la mâchoire.

– Tu pensais qu'il valait mieux me le dire en face ? Tu rigoles ?

Elle secoua la tête, faisant tomber deux mèches rouges devant ses yeux. D'un geste rapide, elle les coinça derrière son oreille. Un soupir s'échappa de ses lèvres.

– Écoute, Théo. Je pensais vraiment pas que tu le prendrais comme ça. Je vais pas te servir le discours du « c'est pas toi c'est moi ». En vérité, c'est ni toi ni moi : ça allait arriver un jour de toute façon.

– Sérieux ? Tu le voyais comme ça ? « Ça devait arriver un jour » ?

Il repoussa son café noir d'un air dégoûté. Mika avait au départ apprécié ses cheveux bouclés, son caractère enthousiaste, les piercings de ses oreilles et la douceur de sa peau. À présent, tout cela ne lui faisait plus aucun effet. Elle se demanda vaguement si ces impressions n'avaient pas été aussi légères qu'éphémères : pas de sentiments là-dedans, aucun doute.

Elle s'était peut-être emballée en acceptant de sortir avec lui, mais le mal était fait. Trois mois, ce n'était quand même pas assez pour une rupture dans les larmes, si ?

– Je suis désolée, dit-elle. J'aurais vraiment aimé qu'on se quitte en bons termes, tu étais –

Les traits de Théo, toujours doux et souriant quand il la regardait, se froissèrent d'un coup et une colère remplaça ce qui restait de peine.

– Te fous pas de moi ! s'exclama-t-il alors que son poing retombait sur la table.

Mika ferma les yeux et eut un mouvement de recul : la table trembla, et son gobelet rempli de café encore fumant se renversa. Le liquide se répandit partout, et glissa jusqu'à ses genoux uniquement protégés par une paire de collants noirs pas très épais.

Elle se mordit la lèvre en sentant des larmes lui monter aux yeux.

– Merde, je suis –

– Monsieur !

Le silence s'était fait dans le café : plusieurs tables se retournèrent vers eux, et Théo rougit de honte. Des chuchotements commencèrent à emplir la salle alors que Mika fixait ses cuisses rougies par la brûlure. Elle posa lentement ses mains aux ongles vernis de rouge dessus, pas vraiment sûre de ce qu'elle devait faire. N'osant pas se lever, Mika resta immobile.

La serveuse derrière le comptoir, celle qui avait crié, se précipita presque vers eux, les sourcils froncés. Mika entendit ses pas rapides et entre aperçut ses petits mocassins en cuir noir alors qu'elle s'arrêtait à leur hauteur.

– Je peux savoir ce qui se passe ? demanda-t-elle d'un ton dur.

Mika releva lentement la tête en se mordant les lèvres, et la regarda. C'était celle qui lui servait toujours le même café, avec un nuage de crème. Celle qui lui souriait à chaque fois qu'elle venait, et qui lui souhaitait une bonne journée.

– Monsieur, continua-t-elle alors que Théo était à présent blanc comme un linge. Je suis désolée, mais vous troublez la tranquillité des autres clients.

Ses yeux se trouvèrent vers Mika qui avait toujours les larmes aux yeux, et son visage se durcit de colère.

– Je vais vous demander de partir, s'il vous plaît.

– Je – je suis désolé, vraiment. Je pensais pas que...

– Monsieur, insista la serveuse.

Théo se retourna une dernière fois vers Mika avec un air sincèrement désolé, mais elle sentait encore la peau de ses cuisses lui picoter sous ses doigts. Elle ne dit rien.

Il s'en alla finalement, et quitta le café après avoir réuni ses affaires. Un soupir passa les lèvres de la serveuse, et le bruit sembla revenir peu à peu dans la pièce. Les regards se détournèrent, un petit brouhaha s'installa à nouveau, et Mika observa la fille s'approcher d'elle.

Elle s'accroupit à sa hauteur, posant un genou à terre. Sur la petite plaque accrochée à sa poitrine, il était inscrit « Iris S. ».

– Vous allez bien ? Vous pouvez vous lever ? Est-ce que je dois appeler les pompiers ou quelque chose comme ça ?

Mika secoua vivement la tête et les deux mèches retombèrent devant ses yeux. Elle arrêta de se mordre les lèvres.

– Non, dit-elle en regardant la fille. Ça va. Je... je crois que je me suis juste un peu brûlée, c'est tout.

Iris observa ses cuisses et sa paire de collants humides. Elle se leva, se retourna vers le comptoir où le deuxième serveur les observait. Il leva un pouce en l'air et hocha la tête.

– Bon, nous avons un kit de premiers soins dans la salle de repos. Il faut mettre de l'eau froide, et de la crème pour les brûlures. Vous êtes sûre que je n'ai pas besoin de vous conduire à l'hôpital ?

Mika hocha la tête. Ça faisait mal, certes, mais elle avait déjà été brûlée plus sévèrement que ça, elle savait ce que ça faisait.

Iris sourit et lui tendit une main. Elle avait attaché ses cheveux en deux petites nattes blondes, et Mika se fit la réflexion que cela lui allait bien. Cette fille, avec ses grands yeux noisette et son maquillage coloré, était comme un petit soleil.

– Venez, continua-t-elle tandis que Mika acceptait la main tendue.

Elle la suivit docilement jusqu'à la salle derrière le comptoir, la main moite et les joues rouges.

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Des bisous !

Un nuage de crèmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant