L'Outsider

XXII

Je me suis dirigée vers le canapé sur la pointe des pieds. Je n'avais aucune envie de réveiller quelqu'un. Une fois la cible atteinte, je me suis laissée tombée mollement dessus, j'étais épuisée. Ce n'était pas dans mes habitudes de sortir marcher en pleine nuit. Mon goût pour le mystère et l'adrénaline m'avait tenue en haleine tout au long de cette aventure. Et je ne regrettais absolument pas, loin de là. Mais maintenant, je sentais la fatigue qui se répandait dans tout mon corps.

Notre altercation c'était étrangement bien passée. Je craignais qu'il ne s'éloigne encore plus et s'emporte en me découvrant. Mais il avait était au contraire assez bienveillant, et il ne semblait pas être fâché contre moi. Je repassais en boule le chemin du retour, où nous marchions côte à côte, en silence. De l'extérieur, ça ne paraissait pas extraordinaire, je sais, mais en réalité je m'étais sentie bien tout le long de notre trajet. Je ne me sentais pas de trop et rien ne me pesait. C'était un des moments les plus longs que l'on avait passé ensemble. Il aurait pu être remonté après moi et mon comportement de fouineuse et pourtant il m'avait "raccompagnée"aux dortoirs. Je n'étais pas forcément douée pour le montrer, mais je voulais lui faire comprendre que j'étais de "son côté" et qu'il pouvait me faire confiance, relâcher un peu cette méfiance dont il se revêtait vingt-quatre heures sur vingt-quatre. 

"Je te proposerai bien de prendre le chat avec toi, mais il ne vaut mieux pas que les autres le voient demain matin"

La dernière phrase de l'Outsider résonnait dans ma tête alors que je cherchais pour la énième fois une position confortable sur la canapé.

Et moi alors ? Ils allaient me voir aussi. Je me voyais mal leur expliquer comment j'étais arrivée dans leur dortoir par la fenêtre au beau milieu de la nuit. Je voyais déjà l'air exaspéré de Yan An en imaginant quel stratagème j'aurai pu élaborer, et je n'avais pas envie d'une confrontation supplémentaire avec Dawn.

Même si mon corps n'avait plus aucune force, j'étais bien trop excitée et remplie d'interrogations pour trouver le sommeil.

Je me dirigeais vers le frigo dans le but de me faire un petit casse-croûte, quand j'ai remarqué qu'il y avait encore de la lumière sous la porte d'Hongseok. Je me suis lentement rapprochée, puis j'ai ouvert la porte doucement.

Une petite lampe veilleuse sur le bureau diffusait un minuscule filet de lumière,  donnant à la pièce une ambiance chaleureuse.  Dehors, le  jour se levait déjà un peu. La neige s'amassait devant la vitre et gâchait la vue

Il était devant la fenêtre, regardant le paysage tout blanc et caressant le chat d'une main. A ma vue, la bête s'est précipitée vers moi, sautant sur le lit pas encore défait. 

"Tu ne dors pas ?"  J'ai dit bêtement alors qu'il tournait la tête vers moi.

Il était un peu surpris de me revoir, mais il ne m'a pas chassé. J'ai même cru entrevoir une invitation dans son regard.

"Je reste souvent toute la nuit à l'hôpital. En général, je rentre quand les grilles de la Fox s'ouvrent."

Il avait l'habitude de s'éclipser de la Fox dans la nuit. Si il quittait l'enceinte de l'établissement à chaque fois, il valait mieux attendre effectivement l'ouverture de l'institut. Ca permettait d'éviter cette maudite escalade. Lui qui avait des années de pratique, ça passait comme sur des roulettes, mais pour moi ça avait été catastrophique.

Je me suis assise sur le lit, à côté du chat et j'ai laissé mes jambes pendre dans le vide, près d'Hongseok. J'étais contente qu'il ne se soit pas décalé. Il était toujours tourné vers la fenêtre.

"Tu y va pour ton frère, pas vrai  ?" J'ai osé demandé

Nous n'avions pas vraiment discuté de la raison de cette escapade nocturne, qui était en fait la même à chaque fois. Je l'avais vu rentrer dans l'hôpital et je me suis douté que c'était pour son frère. Je trouvais ça courageux de braver les règles de l'institut, au risque de se faire renvoyer si on le surprenait, pour aller rendre visite à son frère. Nous n'avions que peu de temps libre en journée, et il passait peut-être des examens, rendant alors les visites impossibles. J'étais restée à l'écart mais je m'étais réfugiée dans le hall chauffé de l'établissement. J'avais attendu, un peu effrayée à l'idée de croiser quelqu'un du personnel pour me faire des remontrances. Je trouvais ça étonnant que l'hôpital ne ferme pas la nuit. Est-ce que justement c'était pour permettre ce genre de visites ? Quand il était repassé, j'avais repris ma filature, jusqu'à temps que la chat ne me trahisse.

Hongseok a hoché la tête silencieusement, le regard toujours rivé sur le paysage enneigé. Les premiers rayons du soleil montaient à la surface, déposant des traces rouges dans le ciel sombre.  La luminosité naturelle augmentait, éclairant de plus en plus la pièce. J'ai regardé Hongseok. La lumière se déposait parfaitement sur lui, face à la vitre, et colorait d'un ton chaleureux la peau de ses bras nus repliés devant lui. Son regard, alors rivé droit devant lui, avait l'air un peu triste. Il était certainement entrain de penser à son frère. Derrière quelques mèches de cheveux argentés en bataille, ses yeux marrons brillaient d'un éclat nouveau face à la lumière du soleil naissant.

Je tentais d'imprimer cette image dans mon cerveau. J'aurais voulu que cet instant ne s'arrête jamais. Mais il fallait que je détourne le regard, même si il s'était déjà rendu compte de mon insistance.  J'ai fermé mes yeux un court instant, prenant une grande inspiration.

"Tu sais, je n'ai pas compris l'autre jour, quant tu m'as dit que j'avais choisi mon côté. Je ne me suis pas souvenue d'avoir pris une décision, d'avoir trancher entre deux choses" J'ai fini par dire, et en entendant mes mots, il a replié ses jambes en signe de renfrognement. "Mais je pense que j'ai compris que me voir passer du temps avec Dawn t'a inquiété. Mais il n'en est rien. Si je dois me ranger d'un côté, alors je ne veux pas être du sien. Je ne cautionne pas ce qu'il a fait. Même si vous n'étiez pas d'accord, il n'aurait pas dû retourner toute l'école contre toi et les laisser te faire du mal."

Il avait eu trop de pouvoir entre ses mains, il était grand temps de lui en reprendre.

"Ecoute, s'il ne veut même pas d'un chat dans son quartier, alors là je peux plus rien faire pour lui ! " Je finis sur un ton amusée, espérant ne pas avoir l'air trop grave.

Ses lèvres se tirent en un sourire, et je suis frappée par la beauté de cet instant. La lumière s'accorde tellement bien sur lui, il faudrait prendre une photo. C'est ce que je supplie mon cerveau de faire. Me souvenir de cet instant précis pour toujours. Il tourne alors sa tête vers moi, et je trouve qu'il a l'air soulagé. Je suis encore loin de lui avoir tout dit, mais mon premier pas vers l'honnêteté lui a probablement déjà fait un grand bien. J'ai décelé dans son expression quelque chose de nouveau qui me plaît beaucoup.

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Bonjour cher.e.s ami.e.s, voilà comme annoncé le point de vue de notre petite curieuse préférée. J'ai hâte d'avoir vos retours ! Merci de votre soutien ❤️