Léxandre Moreno - Tome 3 Emprise

Chapitre 17 - Léxandre

Décembre.

Je fais le mort.

Janvier.

Je fais encore le mort.

Février.

Je fais toujours le mort. Et c'est douloureux.

Mes bras sont chargés. Mon visage est fouetté par le vent frais. Devant moi, Louis, Dimitri et Michael chargent la voiture. Les lampadaires de la rue nous éclairent, mais nous ne faisons peu de bruit. Aucun voisin n'est sorti ou n'a alerté la police. Nous allons et venons donc en toute liberté.

Ce cambriolage s'est bien passé. Le propriétaire est absent. Comme celui d'Émilien Weits commis au début décembre. Je pense toujours que voler son fric était con. Ce type a les moyens de nous traîner en justice. Il sait que nous avons fait le coup. Mais pourquoi n'a-t-il pas encore porté plainte ? Les semaines sont passées et il nous a comme oubliés. À croire que son argent n'est pas important.

D'ailleurs je ne comprends toujours pas le but de lui piquer. Louis a-t-il un plan ? Attirer Émilien avec son propre fric ? Le forcer à virer Jules ?

Le pire dans tout ça est que Louis garde l'argent. Pour la première fois, nous ne touchons rien sur un cambriolage. Et je me suis tu. J'ai déjà merdé avec Rachel. Louis m'a bien fait comprendre de me tenir à carreau.

Ce qui est déchirant.

Jules doit me détester. Si ce n'est pas le cas, je le fais pour elle. Trois mois que je fais le mort. Trois mois que j'ai repris un semblant de vie sans elle. Je reconnais que c'est un pur merdier.

À chaque message, appel, mon cœur se serre. La dernière fois, elle m'a appelé alors que j'étais chez Louis. Encore heureux que j'aie menti et utilisé le nom de ma mère. Si ce dernier avait vu le surnom Trésor, je serais à l'heure actuelle dans un cercueil. Ça ne fait pas de doute que mon mensonge n'aurait pas pris. Il aurait à coup sûr pris mon téléphone pour lire la conversation.

Je dépose à l'arrière du camion les deux tableaux d'art. Louis les vendra pour en tirer un pactole qui partagera avec nous.

Nous avons terminé. Plus qu'à mettre tout ça chez Louis et rentrer chez moi. Sur le trajet, je garde la tête basse. Ces semaines sans échanges avec Jules minent mon moral. Même si Jules me rend heureux en m'envoyant de temps à autre des messages, ça ne remplace pas une conversation.

Nous arrivons chez Louis et déchargeons sans attendre. L'heure passe. Les aller-retours sont rapides et sans bruits.

— Vous restez ? Graziella va arriver.

Dimitri refuse. Louis n'insiste pas. Il sait qu'il n'arrivera pas à le convaincre.

— Ouais, moi aussi je dois y aller, annonce Michael. Je suis trop crevé pour baiser, là.

Louis dépose ses iris bleus sur moi. Les muscles de sa mâchoire se serrent. Il attend ma réponse.

— Toi, tu restes, ordonne-t-il en tournant les talons.

Il se dirige dans sa cuisine. Selon lui, je serais la raison du silence radio de Rachel. Si cette dernière ne lui répond plus, c'est parce que je lui ai monté la tête. Or, c'est faux. Enfin, pas totalement vrai. Rachel a décidé par elle-même de fuir ce fou.

Quand j'ai ramené l'argent de la vente, le soir même, le psychopathe est sorti. Cette facette de Louis ne me plaît guère. Je suis le premier à l'aider, le suivre et il m'accuse à la première occasion.

Alors c'est terminé. Je récupère le fric dont j'ai besoin pour ma mère et me barre à mon tour. Il peut se débrouiller sans moi. Il est grand. Ainsi, je vivrais enfin libre de dire et faire ce que je veux. Comme sortir avec Jules.