Chapitre 2 - Pancakes et réveil douloureux

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Je pensais que j'étais morte.

J'avais senti la vie quitter mon corps et j'aurais juré flotter au-dessus de mon cadavre en tant qu'âme errante. À ma grande surprise, je n'avais pas eu le droit à la rétrospection de la vie que j'avais mené, ni au rappel de mon plus beau souvenir et encore moins à la lumière au bout du tunnel. J'avais dû rater une étape dans le processus. Après tout, je n'avais jamais suivi les règles, je résolvais tout à ma manière.

C'était peut-être une goguenardise que me faisait le Tout-Puissant — ou la divinité quelle qu'elle soit qui paressait dans les nuages. Finalement, j'échouais pour tout, même ma propre mort. Je sentais mon cœur battre dans ma poitrine, d'ailleurs, je n'avais jamais été aussi vivante qu'à l'heure actuelle. À moins de m'être transformée en zombie et de finir cette deuxième vie au bout d'une batte de baseball enveloppée dans du fil barbelé.

L'idée de la réincarnation aurait pu me traverser l'esprit si cette affreuse migraine ne s'amusait pas à faire un projet X dans ma tête. J'avais l'impression qu'un fou se cognait le crâne contre le mien. Mon corps était engourdi, je le sentais à peine. Mais je savais que je n'étais pas paralysée, car j'arrivais à agiter mes doigts de pieds.

Je n'avais pas encore ouvert les yeux. Peut-être par peur de me rendre compte que je me trouvais dans une cave humide, ligotée à une chaise. Après tout, l'odeur de moisissure qui flottait dans l'air s'en rapprochait. Mais je pris mon courage à deux mains pour affronter le jet de lumière aveuglant qui me brûla les yeux.

— Ah, t'es réveillée ! Des pancakes ?

Je tournai ma tête vers cet inconnu qui se permettait des familiarités en me tutoyant. Je n'avais pourtant pas le souvenir de le connaître. Il semblait plus âgé que moi de quelques années, vêtit d'un t-shirt Harley-Davidson blanc maculé d'une tache de ketchup séché. Il portait une casquette de baseball vissée sur la tête, d'où s'échappaient quelques boucles brunes, et ses yeux étaient cachés derrière les verres fumés de ses Ray-Ban. Une barbe, aussi épaisse qu'un balai de jardinage avec des poils qui dépassaient dans toutes les directions, obscurcissait son visage.

Il était assis confortablement dans un fauteuil, les jambes étendues sur une table basse. Quant à moi, j'étais allongée dans ce qui devait être un canapé.

C'est toujours mieux que de se réveiller dans un lit à côté d'un inconnu.

D'une main, il tenait une bière à moitié vide et de l'autre le mets en question qui embaumait d'une odeur sucrée. Sacré mélange ! J'en venais à me demander si la soirée d'hier n'avait pas été un peu trop arrosée et que, hors de contrôle, j'avais fini par coucher avec le premier venu. Je réussis à me redresser et à m'adosser contre un coussin. Perplexe, je lui demandai :

— Pardon, mais, vous êtes qui au juste ?

— Quel malpoli je suis ! Je m'appelle Stanislas, mais tout le monde m'appelle Stan, ravi de faire ta connaissance !

L'homme me tendit sa main dégoulinante de sirop d'érable. Lorsque je posai un regard dégoûté sur les petites gouttes brunes qui longeaient ses doigts, il marmonna des excuses avant de s'essuyer sur son t-shirt. Un geste qui n'arrangeait en rien son hygiène douteuse. Un drogué m'avait peut-être recueilli ?

— Enchanté... Stan.

— J'ai dit que tout le monde m'appelait ainsi, pas que tu pouvais le faire.

J'écarquillai les yeux face à cette cinglante réplique. Devant mon air médusé, l'homme se plia de rire en frappant durement l'accoudoir de son poing, laissant couler le tiers de sa boisson sur le sol.

Le goût d'une morsure : La MarqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant