Chapitre 30 - Vampire d'un soir, cœur à prendre

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Je restais durant de longues secondes silencieuse, le temps que mon cerveau assimile cette information. La voix de la femme me ramena à la réalité :

— Vous êtes toujours là ?

— Oui, excusez-moi... j'ai dû me tromper de numéro.

— Peut-être que vous souhaitiez parler à mon mari ? Il est absent pour le moment, mais vous pouvez le rappeler ce soir.

Mari ?

Mon coeur rata un battement. Peut-être avais-je mal entendu ?

— Vous êtes la femme de Ronan Fraser ? demandai-je d'une voix étranglée.

— Oui, depuis quelques semaines, répondit-elle sur un ton enjoué. Vous êtes peut-être la présidente du comité du festival de Toronto ? J'étais persuadée que Ronan avait enregistré votre numéro, quelle tête en l'air ! Je dois toujours m'occuper de tout.

— Non, dites-lui que sa fille lui passe le bonjour, conclu-je avant de raccrocher.

Je me laissai tomber en arrière, digérant mal l'information. Je fixai les moulures du plafond, mais ces dernières devint petit à petit floues. Les larmes débordaient de mes yeux sans que je puisse les arrêter. Mon père s'était marié. Il ne m'avait même pas invité, pire encore, j'ignorais complètement qu'il avait trouvé une copine ! Sans oublier le fait qu'il ait effacé mon numéro. M'avait-il complètement oublié ? Depuis la mort de maman, il était vrai que nous nous étions un peu éloignés, mais au point qu'il renie sa propre fille ? Je n'imaginais pas la situation aussi grave. J'étais dévastée, incapable de me demander pourquoi il agissait de cette façon. La tristesse fit place à la colère et j'attrapai l'oreiller de Holly pour hurler à l'intérieur.

***

    Holly avait mis le paquet cette année sur la décoration de Halloween, je savais qu'il s'agissait de sa fête favorite, mais je n'imaginais pas à ce point. Je ne reconnaissais même plus sa maison. Des toiles d'araignées épaisses recouvraient les branches des arbres nus du jardin. Quant à l'allée qui menait jusqu'à la porte, les enfants l'empruntaient depuis le début d'après-midi, bravant leur peur face à ce couloir sombre éclairé uniquement par les jack-o-lanternes qui envoyaient un scintillement orange par la bouche et les yeux. Dans l'herbe hirsute, quelques heures avant qu'elle ne soit jonché par des gobelets en plastique, se trouvait des pierres tombales et des parties de corps coupées, une main et un pied. De la porte, une sorcière hurlait et lançait des sorts alors qu'elle agitait sa baguette de haut en bas. Depuis l'extérieur, on pouvait entendre la sinistre musique de film d'horreur qui sortait des enceintes et nous plongeait directement dans l'ambiance. Ce que je trouvais le plus réussi était la faucheuse qui se trouvait en bas du perron, le visage plongé dans l'obscurité de sa capuche, une faux posée sur la table et ses longs doigts squelettiques qui tapotaient avec rythme un sceau en forme de citrouille remplis de bonbons. Bientôt remplacé par du punch, m'avait assuré Holly.

— Tu t'es surpassée ! affirmai-je, impressionnée par la décoration.

— Je suis plutôt fière de moi, avoua-t-elle, avec un sourire triomphant.

— Nous devrions aller nous changer, les premiers invités ne vont pas tarder.

Elle hocha la tête et tourna les talons pour rentrer dans la maison. J'ai choisi de ne rien lui dire concernant la conversation téléphonique que j'avais eu hier midi, c'était trop personnelle et je voulais m'en charger moi-même sans l'inquiéter. Avec la récente affaire sur les sorcières, elle était déjà suffisamment stressée. Je n'avais eu le droit qu'à quelques informations supplémentaires, mais il semblerait que les clans wiccans se rejoignaient à Londres pour un grand avènement. La cerise sur le gâteau étant que cela concernait aussi Valentino. Il serait à l'origine de cette agitation, mais ils ignoraient encore quel rôle jouait-il dans tout ça. Honnêtement, je m'en fichais pas mal. Je ne voulais rien avoir à faire avec le monde surnaturel, cela me concernait plus et j'avais d'autres préoccupations à m'occuper — bien que je fêterais Halloween avec tout un clan d'opinicus. Depuis un moment, ma décision était prise : je baissais les bras sur le problème que posait ma marque. J'espérais que Stanislas attrape Valentino et le contraint de me retirer cette marque, même s'il devait le faire sans moi. Dans le cas où il échouerait, je prétexterai qu'il s'agit d'un tatouage fait lorsque j'étais trop saoule pour être lucide. Toutefois, je priais ce maudit diurne de libérer Octavian de son bocal de verre, car l'énergie drainée m'épuisait trop. À ce rythme, je ne tiendrais jamais.

Le goût d'une morsure : La MarqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant