Build With Two... Make It Three!

3.

 Après cette altercation, Aiden était resté un long moment, le regard figé, complètement perdu dans le vide. LA supérette déserte, pas un son ne lui venait, et pourtant son environnement lui paraissait assourdissant. Son cœur battait toujours la chamade et un poids avait pris place sur sa poitrine, comme si même respirer lui demandait un effort insurmontable. Il se sentait complètement ridicule, de réagir aussi violemment pour quelque chose qui pouvait pourtant paraître banal. Une erreur, ça arrivait à tout le monde, et son ancienne camarade avait été extrêmement respectueuse, simplement curieuse. Alors Aiden ne parvenait pas à comprendre pourquoi son malaise était si important. La voix de cette fille, prononçant ces deux syllabes fatidiques résonnaient dans ses oreilles malgré le silence de son lieu de travail. Des flashs de tout ce qu'il avait pû traverser pour que ce nom ne soit plus jamais associé à sa personne lui venait à l'esprit et malgré ses tentatives il ne pouvait ignorer le nœud qui s'était formé dans sa gorge.

Vers vingt-deux heures cinquante, l'étudiant retira finalement son tablier vert, un soupir las s'échappant de ses lèvres qu'il n'avait cessé de maltraiter depuis le début de la soirée. Attendant sagement l'arrivée de son collègue pour pouvoir manger et rentrer chez lui, Aiden jetait de frénétiques coups d'œil dans la rue vide qui faisait la bordure du magasin, espérant voir la silhouette de quelqu'un s'y dessiner, un bruit de pas perturber le calme du quartier à une telle heure.

Finalement, la relève comme il pouvait la surnommer arriva et avec un doux sourire, il salua ce fameux collègue, se rendant aux vestiaires pour récupérer ses affaires. Il enfila sa veste en jean, le bruit de tissu froissé résonnant presque tant la nuit avait fait tomber son voile de sérénité sur l'endroit.

Une fois changé, il s'installa avec un contenant en plastique de ramens, dont la date de péremption était dépassée du jour, qu'il venait de réchauffer au micro-ondes de la supérette, sur les tables en métal à l'extérieur de cette dernière. La chaise en plastique racla sur le sol en béton de la rue et le grisé se maudit presque pour ce manque évident de discrétion. L'une de ses missions lorsqu'il travaillait aussi tard, était notamment de retirer des rayons les invendus dont la date limite approchait trop pour être vendu. Il en profitait souvent pour en faire son dîner, et il y était bien sûr autorisé.

Avalant la première bouchée de pâtes un sentiment de chaleur envahit le corps du jeune homme, lui offrant presque une sensation agréable de réconfort dont il avait bien besoin. La rencontre avec cette ancienne camarade avait vraiment plombé sa soirée et il se sentait encore mal à l'aise.

Sortant son portable dans un pur but de trouver un peu de divertissement, il déverrouilla l'appareil malgré ses doigts fins un peu tremblants du froid qui s'était installé avec la nuit. Décidant d'aller sur les réseaux sociaux pour trouver son fameux ami du lycée inscrit dans la même université, il pianota tout en dégustant son repas, son regard presque inanimé parcourant les pages et les comptes. Tâche plutôt facile puisqu'il lui avait envoyé un message deux jours auparavant.

Cliquant sur son profil il remarqua que ce dernier était en ligne, ce détail animant une légère lueur dans son regard. Il hésita quelques instants avant de cliquer sur la conversation, fronçant les sourcils pour trouver les bons mots. Il n'était pas vraiment du genre à commencer les conversations et se trouvait toujours terriblement maladroit lorsqu'il s'agissait de discuter avec d'autres personnes, aussi bien en personne que virtuellement de toute manière. D'autant plus que la solitude de son repas lui plaisait plutôt bien.

Il craqua finalement et commença à taper maladroitement un message qui lui sembla correct quelques secondes, avant qu'il ne le trouve bien trop gênant l'effaçant complètement pour le réecrire. Une fois à peu près satisfait il cliqua sur le fatidique bouton envoyer et mit immédiatement son téléphone en veille, pour prendre une nouvelle bouchée de pâtes, embarrassé. Il jeta un rapide coup d'œil à gauche et à droite, espérant que personne n'ai remarqué cette semi crise existentielle. De toute manière il n'attendait pas vraiment de réponse.