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Lorsque je m'apprêtai à appuyer à nouveau sur la gâchette, on frappa à la porte. Peut-être cela avait-il déjà commencé depuis un petit temps car les coups étaient violents et on criait mon nom. Je n'avais rien entendu. Je me ressaisis.

-Un instant ! Je cachai l'arme sous l'oreiller. J'allumai la lumière, ouvris la fenêtre pour aérer.

-J'arrive. A ce moment-là, j'entendis quelques rires, quelques voix. De la musique aussi. Et un «silence » qui se voulait sourd.

Les spots, les flashs, les micros m'éclaboussèrent. Les voix m'assaillirent, les regards ricanèrent. Une blague, c'est sûr ! Je refermai la porte. On cria à nouveau mon nom.

« Vous venez de gagner le concours : Un voyage pour deux personnes à El-Aioun pour deux semaines. Voudriez-vous nous ouvrir la porte, s'il vous plaît ? »

J'étais peu habitué à tant de sollicitudes. J'ouvris docile. Les lumières agressives s'étaient calmées. Juste le spot d'une caméra éclairait le hall.

« Monsieur, excusez notre intrusion dans votre vie mais n'est-ce pas formidable de commencer la journée avec cette bonne nouvelle? Vous dormiez peut-être... Laissez-moi vous expliquer. Laissez-nous entrer. » Comme je ne répondais à aucune de leurs demandes, ils entrèrent, s'installèrent sur les quelques chaises, le divan troué recouvert d'un drap sale, sur le lit défait. Je poussai l'arme bien en dessous de l'oreiller.

« Souvenez-vous, vous avez été sélectionné pour participer à notre grand concours et Bienheureux homme, vous l'avez fait. Maintenant, vous avez été choisi parmi les gagnants ex-æquo et vous partirez deux semaines à ... en pension complète, excursions, piscine, buffet libre, sports et bal. »

Je suivais des yeux les photographes et la caméraman. « Oui, c'est pour immortaliser l'instant... » En suivant mon regard et faisant ainsi le tour de la pièce, le présentateur s'arrêta.

« On n'pourra jamais passer ça et en plus ça sent le brûlé, vous ne trouvez pas ? » leur dit-il en laissant tomber son sourire. Il revint vers moi en le recomposant mais le cœur n'y était plus.

« Et pour fêter cet évènement, Mégastar vous invite à dîner. Nous discuterons à notre aise de certaines modalités et de quelques arrangements. »

Dans le petit snack, il fut dit que Frank avait effectivement gagné ce voyage mais qu'il y avait encore une condition : il devait se plier à la présence d'un caméraman qui le filmerait pendant son voyage, son séjour à l'hôtel, ses excursions, ... De plus, il devrait porter quelques vêtements de la marque et à certaines heures, il devrait être disponible car il y aurait une retransmission en direct pour garantir la véracité du concours.

Frank n'y voyait pas d'inconvénients. Pour une fois, quelqu'un s'occupait de lui. Tout était réglé à l'avance pour ces deux semaines-là. C'était déjà çà ! Et puis son projet actuel, il pourrait le mettre à exécution un peu plus tard. Là-bas, peut-être ! Il avait encore une question qu'il n'osa pas poser. Le présentateur le sauva.

« Bien sûr, vous venez avec qui vous voulez. Enfin –le dévisageant- avec qui vous pouvez... »

Frank ne releva pas.

Le repas se poursuivit en silence. L'animateur se leva plusieurs fois pour téléphoner sur son portable. Il parlait bas en regardant Frank, levait les yeux, acquiesçait de la tête, tirait les lèvres vers l'arrière.

« Non... Dépêchez-vous ! ... Faites au mieux ! »

« Alors, maintenant Frank –je peux vous appeler Frank- nous allons retourner chez vous. Il faudra me faire la même chose que ce matin : on frappe à la porte, vous ne répondez pas méfiant, on frappe à nouveau, vous ouvrez. Ebloui par les flashs vous refermez. Très drôle ça ! Je crie votre nom, votre victoire, ... »

La tentation du silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant