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L'avion de Frank atterrit en fin de soirée. A travers le hublot, il vit qu'il pleuvait. En quelques heures, il y avait une différence de vingt degrés. Le choc fut dur. L'aéroport était désert. Les boutiques free-tax étaient déjà fermées. Seule restait une triste cafétéria. Le long, long tapis ne fonctionnait toujours pas. Il se souvenait qu'à l'aller c'était pareil. Le contrôle douanier se passa sans encombre sauf qu'avec la barbe, il ne correspondait plus tellement à la photo. Pour une fois le gendarme se donna la peine de réfléchir, de comparer, de se dire que là-bas il n'aurait pas eu l'occasion de changer sa photo du passeport. Et puis, il était d'ici, non ? Bienvenue chez lui !

Après, il fallait marcher longtemps pour récupérer ses bagages. Muni de son caddy et de sa valise, deux portes automatiques s'ouvrirent vers la sortie. Lui, seul, n'était pas attendu.

A Mégastar, on savait qu'il arrivait. Ils auraient dû envoyer quelqu'un, Jivécé peut-être, s'il tenait tant à ma réapparition comme lui avait asséné Bernard.

"Le retour de l'enfant prodige" avait-il profané. Nous n'allons pas tuer le plus gros bœuf mais nous allons quand même fêter ça non ?

Où étiez-vous, nom de Dieu ?"

Frank se cabrait dans son mutisme. « Avant que tout cela ne soit tiré au clair, j'aimerais vous dire que vous me tirez une épine du pied. Encore une fois merci ! » Les images, les souvenirs se brouillaient. Avait-il vraiment dit ça et avec ce ton si doux ? Ça ne lui ressemblait pas. La dernière, il en était sûr : « Encore une fois merci ! »

Gaëlle n'était pas prévenue. Ni elle ni tous les autres téléspectateurs. La nouvelle avait été gardée secrète. Ce qui expliquait peut-être la discrétion à l'aéroport. L'émission devait se faire mais on ne savait pas encore comment. Il fallait bien expliquer la disparition de Frank à tout le public mais aussi et surtout aux sponsors, soutiens et annonceurs. Et là, Irène, avec tout le mal qu'elle se donnait ne pouvait pas faire grand chose. Frank savait que bientôt les largesses de Mégastar allaient se tarir, alors il économisa. Il ne prit pas de taxi pour rentrer chez lui. Il prit le train de banlieue qui le plongea au centre-ville. La gare pareillement déserte résonnait des talons aiguilles d'une voyageuse. Plus de métro à cette heure-ci. Il calcula, se dit qu'il allait marcher un peu et lorsqu'il fatiguerait, il hélerait un taxi.

Il marcha, s'enfonça dans la nuit, s'éloigna du centre, fatigua mais là, plus de taxi. Il s'arrêta, changea sa valise de main. Même les cafés étaient fermés. Frank avait beaucoup perdu dans le désert, à Mégastar mais la clé de chez lui était restée à l'hôtel. Sophie l'avait gardée ainsi que sa valise. Elle était sûre qu'il allait revenir.





Allô ! Pourrai-je parler à Gaëlle, s'il vous plaît ?

-C'est qu'elle n'habite plus ici.

-Ah ! J'pourrai avoir son numéro ?

-Si je devais le donner à tous ceux qui la demandent ...

Je n'suis pas sa secrétaire, moi

-Je suis un ami de Gaëlle.

-Elle en beaucoup vous savez ...

-Frank. Je m'appelle Frank Kocklicq.
-Ah, ahah, c'est vous bredouilla-t-elle. On vous a retrouvé, vous êtes revenu. Oh ! Monsieur Frank. Vous connaissez ma fille ? Elle vous connaît ? Elle me l'avait jamais dit. On regarde toutes les semaines l'émission.

-J'pourrais avoir son numéro ...

-Oui, oui bien sûr ...

Vous aurez du mal à la joindre. Essayez plutôt le soir mais tard. Elle a plein de choses à faire maintenant. Vous savez, elle va se marier à l'automne.

La tentation du silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant