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L'ultime émission de Mégastar devait racheter le mépris dans lequel la production avait traité le public. Celui-ci s'était inquiété de la disparition de Frank mais personne ne lui avait répondu. Maintenant, qu'on l'avait retrouvé, il se fallait de construire un scénario plausible pour justifier ses six mois de silence, ces six mois d'absence.

La thèse du rapt avait été retenue. On disait que Frank n'avait plus retrouvé le chemin de son hôtel lorsque le 4x4 s'était ensablé au sortir du village. Des ombres furtives le suivirent et un léger coup sur la nuque le fit s'affaisser. On le hissa sur un dromadaire et puis ce fut la fuite au désert.

Applaudissements !

Le mot "reconstitution" était apparu au début des images et avait disparu après quelques secondes. L'illusion fonctionna à merveille.

-Et puis, Frank, que s'est-il passé ?

-Je me suis réveillé le lendemain ébloui, abruti, hébété. Je ne savais pas où j'étais.

-Mais vous étiez dans le désert, Frank. Ha, ha, ha!

Rires. Rires. Les cartons avisaient le public de ce qu'il fallait faire.

-Un peu comme ici aujourd'hui. Bernard se retourna vers le décor qui venait de s'illuminer derrière eux ; ciel bleu, soleil, sable, un dromadaire, un vrai, tenu par un touareg, un faux.

-Votre décor a été celui-là pendant tout ce temps.

-Oui, en effet, au début c'est difficile, la chaleur, la route. Après on s'habitue et puis ce peuple inoubliable, on apprend chaque jour à les connaître un peu plus. Frank avait bien appris sa leçon même le ton était juste.

-Malgré tout, le soir venu, il y avait certaines compensations. Vous m'avez raconté que les femmes là-bas... et que vous-même à ce que l'on m'a dit ...

-Il ne faut rien exagérer mais ils ont un sens de la fête que nous n'avons plus ici ...

-Vous voulez parler de ça :

Là apparurent une dizaine de filles voilées ; découvrant leur ventre, se déhanchant, sur une musique pseudo-oriento-musulmane toute droit sortie d'une bonne boîte à rythmes.

Applaudissements.

Merci, Merci ! Elles sont charmantes, n'est-ce pas ?

-Il ne faut pas oublier, Mesdames et Messieurs que Frank était en captivité et nous lui manquions et qu'il pensait tous les soirs à la manière de s'évader.

-Oui, effectivement. Le projet de repartir à pied était trop fou. Par où partir sans vivres, sans eau ? Je n'ai jamais eu le sens de l'orientation. Je n'étais pas mal traité, non. Bien qu'au début, j'eus quand même droit à la bastonnade traditionnelle dans le dos, tous les soirs. Après ils ont compris qu'ils auraient pu tirer une rançon et les coups ont cessé ...

-Oui, nous en reparlerons tout à l'heure. Dites-nous plutôt pourquoi vous vouliez partir.

-Oui, je pensais à ceux que j'aimais, à mes amis, à Ga ...

-A qui Frank ? Dites-le-nous !

Frank se reprit. Je pensais à vous à Mégastar, au public, aux téléspectateurs.

Applaudissements.

-Je devais revenir pour vous dit-il en regardant fixement la caméra.

-Et encore une fois sans Mégastar vous n'étiez rien !

-Oui, je le confesse !

-Et qui encore une fois est revenu pour vous sauver ?

-C'est vous, c'est Mégastar !

La tentation du silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant