𝖈𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 𝖙𝖗𝖔𝖎𝖘

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— Officieeeer ?

Le brun soupire et laisse son front cogner contre son bureau. Il est épuisé par l'attitude enfantine de Yoongi. Celui-ci ne cesse de l'appeler, derrière les barreaux. Il s'ennuie clairement, alors pourquoi ne pas en faire pâtir son officier préféré ?

— Tu n'en n'as pas marre ? souffle Jung en se levant de sa chaise.

Il se plante devant l'une des cellules, le regard noir. Le coloré se mord la lèvre, tout sourire, avant de se lever du lit, posé nonchalamment dans la cage et de se dandiner vers le plus âgé, d'humeur taquine. 

 Je ne connais toujours pas votre prénom...

— Et alors ?

 J'aimerais le connaître.

Le jeune homme plaque son visage contre les barreaux, ne laissant dépasser que le bout de son nez. On commence à voir la repousse de ses racines, mais étonnamment, sur Yoongi, ce n'est pas moche. Cela semble si... normal. 

Joli, même.

Devant la moue boudeuse du voleur, Jung lâche un soupir à fendre l'âme avant de reprendre d'une voix lasse :

— Je te dis mon prénom si tu me dis quelque chose sur toi.

— Intéressant... fait mine de réfléchir le voleur. J'accepte. Vous d'abord.

— Qui me dit que tu respecteras notre accord ? ricane Yoongi. Non, toi d'abord.

Mécontent, le détenu le foudroie du regard avant d'aller s'asseoir sur le matelas. Il étend ses jambes dans un léger gémissement de douleur, et tourne ses pupilles noires vers le policier :

— Je suis célibataire.

— Yoongi... grogne le plus vieux en serrant les dents. Ce n'est pas ce que je veux savoir, et tu le sais.

— Oh ? Vous n'êtes pas intéressé par le fait que... je suis libre comme l'air ? Mince, moi qui croyais que je vous plaisais un peu, ironise l'autre.

— Je le savais déjà, ça, rétorque-t-il en fronçant les sourcils. Dis-moi quelque chose de sérieux.

Yoongi se craque les phalanges, le regard perdu vers la fenêtre barrée par des morceaux de fer. Cela fait quelques heures désormais qu'il est enfermé dans le bâtiment et pourtant, la sensation du vent sur son visage lui manque déjà. Le jeune homme est l'un de ceux qui aiment être à l'extérieur. Il passe des heures et des heures sur le toit de son immeuble, les jambes dans le vide et une bouteille à la main. 

Lors de ces moments, il réfléchit à tout et à rien. Le plus souvent, il finit par éclater en sanglots mais, comme il n'y a personne, il a pas honte de montrer ses faiblesses. Dans le quartier où il habite, dévoiler ses sentiments n'est pas une bonne chose. Cela peut servir de moyen de pression, de menace, d'une excuse pour le tabasser... Bref, c'est trop dangereux.

Alors lorsqu'il sort de sa bulle de confort, de son appartement ridiculement petit et miteux, il affiche sur ses traits un masque fait de glace. Les gamins du quartier le craignent, ils le regardent avec une peur terrible dans les yeux et changent de trottoir lorsqu'ils le croisent. Tout le monde sait qu'il fait régulièrement des descentes au commissariat, et à chaque fois qu'il réapparaît, tout le monde se demande pourquoi il n'est pas envoyé en taule.

Parce qu'il possède deux anges gardiens.

Ses seules fréquentations sont les dealeurs du coin, son fournisseur, et les mecs avec qui il fait vrombir le moteur de voitures de course. Et également la petite grand-mère au-dessus de son appartement, trop vieille pour faire quoi que ce soit, et trop pauvre pour aller en maison de retraite. Il lui fait le ménage, les repas, les courses... Il essaie de racheter ses peines en aidant son prochain.

— J'habite dans un quartier malfamé et je survis comme je peux, commence lentement le vert en baissant la tête.

Avant toute chose, il a peur que Jung le juge. Qu'il le regarde autrement. Avec dégoût. Avec dédain. Il ne veut pas décevoir quelqu'un de plus. Yoongi ne sait pas vraiment pourquoi il se confie, sans doute en a-t-il besoin, au fond de lui.

— J'ai pas eu une enfance facile. En fait, je crois que je n'ai pas eu d'enfance du tout. Mes parents étaient de véritables enfoirés, et dès que j'ai pu, je me suis barré de la maison. Je ne sais pas ce qu'ils sont devenus, s'ils sont morts et enterrés et, pour être honnête, j'en n'ai rien à foutre. 

Sa voix se casse sur certains mots, et il sent une boule se former dans sa gorge alors qu'il se livre. Cette fois-ci, il n'est pas ivre. Juste désespéré. Et cela fait le même effet à son organisme, sans le bonheur d'avoir son subconscient mort pendant quelques temps.

Il entend un léger clic provenant de la porte en fer, et celle-ci s'ouvre dans un petit grincement. La silhouette du brun se dirige vers lui à pas lent, jusqu'à ce qu'elle soit à sa hauteur. À sa surprise, Jung s'accroupit entre jambes et pose ses mains chaudes sur ses cuisses, pour se stabiliser un peu. Avec deux de ses doigts, il remonte le menton de Yoongi et plante ses yeux dans les siens.

— Je veux t'aider, Yoongi, murmure-t-il d'une fois faible mais douloureusement tendre. Crois-moi, je veux vraiment t'aider.

Les yeux larmoyants, le voleur inspire un grand coup pour reprendre contenance. Bon sang, pourquoi a-t-il succombé à la tentation de se livrer ? Il n'a pas besoin d'aide.

 C'est à votre tour maintenant, dit-il en ignorant les supplications du plus vieux. Dîtes-moi comment vous vous appelez.

— Je m'appelle Hoseok.

— Un joli nom pour une jolie personne, murmure Yoongi.

Les joues du brun prennent une jolie teinte rose, et se rendant compte de sa position plus qu'explicite, il se lève avant de s'asseoir aux côtés du voleur. Ce dernier ricane en voyant la gêne apparente du policier et décide de le taquiner :

— Être entre mes cuisses vous gêne, désormais ?

— Ferme-là, siffle malgré lui l'autre en se mordant la lèvre.

Le jeune homme éclate de rire et balance sa tête en arrière. Son crâne cogne contre le mur mais il s'en fiche sur le moment ; cet officier l'amuse beaucoup trop. Combien de temps cela fait-il qu'il n'a pas autant ri ? A-t-il déjà ri avec autant de sincérité, autant de spontanéité, dans sa misérable vie ?

Le coloré n'en n'était pas vraiment sûr. 

Un sourire en coin, Jung envoie son coude dans les côtes du plus jeune. Cela fait du bien de rire comme ça. Cela détend un peu l'atmosphère, après les révélations étonnantes du détenu. 

Hoseok a été franchement surpris de voir Yoongi se libérer de cette façon. Il n'a jamais vu autant de douleur, autant de tristesse, dans les iris de quelqu'un. Cela lui fait drôle, de voir tant de sentiments dans le regard du deuxième. D'ordinaire, il fait toujours attention de ne rien montrer de ses sentiments. 

Et là... c'est différent. Leur relation a dépassé la barrière policier-détenu. 

— Tu as faim, Yoongi ? demande le bouclé en voyant que ce dernier a arrêté de rigoler avec insouciance.

— Un peu, oui, avoue-t-il en triturant ses doigts.

— Arrête d'être gêné, tu sais que je te donne toujours à manger que tu finis ici. Viens avec moi dans la salle de repos, on y sera plus à l'aise pour manger.

C'est la première fois qu'il invite Yoongi à venir manger avec lui. Normalement, Seokjin est là alors ils mangent ensemble, si ce n'est pas avec Namjoon. Là, il est seul. Et puis, Yoongi lui fait un peu de peine, à manger tout seul dans son coin.

Il voit ses yeux s'illuminer, et ils quittent tous les deux la cage pour se diriger vers la salle de repos.

shadow like me | sopeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant