𝖈𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 𝖉𝖊𝖚𝖝

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La voiture se gare devant le commissariat. Pour une fois, le trajet s'est fait en silence. Yoongi s'est contenté de fixer la vitre, l'air maussade. Il n'a pas eu l'envie, ni la force, de discuter de quoi que ce soit avec son officier favori. 

Le jeune homme est fatigué de cette vie. Il n'a jamais voulu ça. Plusieurs fois, il a tenté de sortir de cette routine, de cette vie pleine de dangers, mais il n'a jamais réussi. Au début, ça a été très dur pour lui de s'habituer à ce quotidien pesant. Désormais, ça lui plaît presque. Son appartement miteux ne lui fait plus rappeler qu'il est désespérément seul. 

Jung sort du véhicule, avant de rejoindre le voleur à grands pas. Le brun n'a pas l'habitude de voir Yoongi dans cet état. Il semble dépassé par les événements, et triste. D'une main ferme, il attrape son épaule avant de le faire sortir de la voiture également. Les deux hommes se dirigent vers le bâtiment en béton, et y entrent lorsque les portes automatiquement s'ouvrent.

Yoongi a la gorge serrée et la boule au ventre. Ses mains ne tremblent pas, il sait parfaitement ce qui va se passer. Une nuit au poste, avant qu'ils ne le libèrent. Et puis ça recommencerait, encore et encore. 

 — Oh, encore toi, Min ? pouffe un des officiers aux cheveux rose pâle.

 — Salut, Kim, répond Yoongi d'une voix neutre.

Kim Namjoon, l'un des beaux gosses du commissariat. Il possède des épaules larges, un torse musclé, et des lèvres aussi pulpeuses que ses fesses. Bref, c'est clairement un Apollon. Ce dernier lui sourit grandement avant d'agiter sa main, et se remet dans ses papiers. Il semble submergé par le travail. 

Le vert laisse l'officier le conduire dans la salle d'interrogatoire. Il la connaît bien à force, puisqu'il y séjourne tous les trois jours maximum. Le brun ouvre la porte avant de le pousser pour qu'il entre. Sans même attendre son autorisation, le voleur s'assoit sur la chaise de l'accusé, écartant naturellement les jambes. Même en position d'infériorité, le jeune homme trouve le moyen d'être provocateur et indomptable.

Yoongi, soupire Jung en s'asseyant sur la deuxième chaise, tu sais que si tu continues comme ça, tu finiras par croupir en taule ?

— Je ferais en sorte que ça n'arrive pas, se moque le coloré avec un sourire en coin.

 Écoute... je veux t'aider, d'accord ? Mais je ne pourrais pas le faire si tu continues de me repousser comme tu le fais.

— Qui vous dit que j'ai besoin d'aide ? rétorque méchamment le détenu. 

 Tes yeux me le disent.

— Conneries.

Le policier passe ses mains sur son visage, visiblement épuisé. Ses yeux sont ternes, et à la lumière artificielle de la pièce, ses cernes sont d'autant plus accentués. Il pousse un long soupir, avant de reprendre, plantant ses yeux dans ceux de son vis-à-vis.

— J'ai connu un type comme toi, au début de ma carrière.

Yoongi roule des yeux, guère intéressé. Quoi, il allait vraiment lui sortir du type au cas similaire au sien, qui était mort ? Bordel, il pensait qu'il aurait plus d'imagination pour se démarquer des autres flics. 

— J'en n'ai rien à foutre, déclare-t-il d'une voix forte. Vous arrivez à le comprendre, ou pas ? Arrêtez d'essayer de m'aider. Vous ne pouvez pas. C'est tout.

— On peut toujours aider quelqu'un qui reconnaît qu'il a besoin d'aide ! s'énerve Jung en plaquant violemment ses mains contre la table. Putain Yoongi, tu n'as donc aucun objectif dans ta vie ?

 J'en aurais si j'avais vu une adolescence normale, crache le vert.

Il veut se mordre la langue d'avoir sorti ça, d'emblée, et il regrette ses paroles lorsqu'il voit l'air du brun. Ce dernier s'est considérablement radouci, et le regarde désormais avec cet air de pitié qu'il déteste tant. 

L'officier ne l'a jamais regardé de cette façon, et ça lui donne envie de vomir. Il n'est plus une petite chose fragile. Il a appris à se défendre, à se battre et à manier les mots comme les couteaux. Et tout ça, il l'a tiré de ses expériences personnelles. 

— Une... une adolescence normale ? répète avec douceur le policier.

— Ne me regardez pas comme ça, gronde le coloré, furieux.

 Comment je te regarde ?

 Comme si j'étais un agneau blessé. Je ne suis pas un agneau. Je suis un tigre.


Namjoon trie les dossiers avec une envie très claire de se suicider. D'habitude, il aime les soirées au poste, où il peut mettre au clair sa situation, mais là, le simple fait d'avoir vu ce gamin se faire arrêter une nouvelle fois lui a serré la gorge. Ce n'est pas la première fois que Yoongi passe la nuit ici, dans l'une des cellules. À force, il se demande presque s'il ne le fait pas exprès pour éviter à devoir passer la nuit dehors.

En parlant de ce dernier, le rose a son dossier sous les yeux. Son casier judiciaire est rempli, beaucoup trop rempli pour un gosse de vingt ans. Vols à main armée, trafics de drogue et d'armes, courses de voiture illégales... Heureusement, personne n'a porté plainte contre lui. Ça l'aurait amené à faire face à un juge, et il aurait sûrement passé la fin de sa vie en prison.

Les deux policiers couvrent délibérément le dossier du jeune homme. La première fois que celui-ci est entré dans le commissariat, le rose a pu constater la tristesse et la colère dans ses prunelles. Et son comportement de prédateur blessé l'a touché. Yoongi est au sol, mais continue à montrer les dents pour se défendre. Il ne baisse pas les bras.

D'un accord commun, Namjoon et Hoseok ont décidé de protéger le vert. Et si le deuxième a la mission d'en savoir plus sur la vie du voleur pour qu'ils puissent l'aider, le premier n'a pas enregistré son dossier dans le registre des arrêtés du commissariat pour lui permettre de refaire sa vie librement. 

Mais le problème était que Yoongi refuse catégoriquement de révéler quoi que ce soit de sa vie. Le seul moment où il s'est livré sur certaines choses aux deux officiers, c'est lorsque Jung l'avait arrêté alors qu'il était ivre sur la voie publique. Complètement torché, le jeune homme avait fondu en larmes et avait longuement pleuré sur sa vie qu'il décrivait pathétique.

Son collègue apparaît dans le couloir, et le rose soupire, fatigué :

 Il est dans sa cellule habituelle ?

— Toujours, dit doucement le brun en se pinçant l'arête de son nez. Joonie, je m'inquiète vraiment pour lui... 

— Je sais, moi aussi. Mais pour l'instant, on ne peut rien faire, à part prier que personne ne porte plainte contre lui, ou qu'il ne se fasse pas arrêter par un autre flic. 

Les anges passent dans le bâtiment, et Hoseok en profite pour s'asseoir derrière son bureau, sur sa chaise à roulettes. Il s'amuse à tourner, aucun sourire n'éclairant son visage, jusqu'à ce qu'il s'arrête, pris de vertiges.

 Je vais rester cette nuit, dit-il en reprenant ses esprits. Tu es crevé, tu n'as qu'à finir plus tôt ce soir.

Impossible, je suis de patrouille, comme Seokjin a pris congé, souffla Namjoon en se levant. D'ailleurs, il est l'heure que je parte. Tu as besoin que je ramène à manger ? À toi ou pour le petit ?

— Pas besoin, j'ai pris deux Tupperware aujourd'hui, répond le brun. Merci.

Namjoon cogne son poing contre celui du deuxième, avant de quitter le commissariat.

shadow like me | sopeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant