Chapitre 5

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Je me dirigeai droit sur le blessé qui agonisait et plantai mes crocs aiguisés à l’endroit de son alléchante blessure. Je ne pris pas le temps de réfléchir à mon acte que le délicieux goût du sang velouté envahit ma bouche jusqu’ici assoiffée. J’avalai une première gorgée. Je voulus me contraindre d’arrêter là, en vain. J’avalai alors une seconde gorgée. Puis une troisième. Une quatrième.

Cette force que je puisais de ma victime assouvissait mes soifs et ma colère, et seule l'envie de continuer habitait mes pensées.

J’avais bu une grande quantité de sang déjà, et je remarquai que le blessé perdait peu à peu ses couleurs, malgré son teint mat. Ses yeux me fixaient sans me voir vraiment.

Deux personnes approchaient, le pas incertain. Je n'eus pas besoin de me retourner pour deviner que mon père et Chad étaient à mes trousses. Ils en ont mis du temps pour arriver.

- Arrête Roxy, tu vas le tuer, m'avertit mon père.

Pour toute réponse, un grognement surgit du fond de ma gorge. Je regardai mon géniteur rudement, montrai les crocs, et poussai un râle sourd. J’enfouis une nouvelle fois mes crocs acérés dans le cou de ma proie et bus goulûment.

- Roxane, dit-il calmement, ce n’est pas toi qui ne voulais pas devenir un vampire de peur de devenir une tueuse ? Regarde ce pauvre homme, il est sur le point de mourir.

Les paroles de mon père m’interpellèrent.

Je lâchai soudain mon repas, prise dans les filets de la panique. J’avais presque tué un homme ! Ces faibles battements cardiaques espacés m’indiquaient qu’il était mourant. Je tremblais. J’étais dégoûtée. Qui étais-je pour me comporter ainsi ? Les larmes me montèrent aux yeux.

Chad, encore sous le choc de mon changement d’avis si soudain balbutia, comme s’il était désolé.

- Roxane, je comprends ta déception, ton découragement. Je sais que tu n’as pas voulu lui faire de mal, et si tu ne veux pas qu'il meure, tu peux faire quelque chose.

- Quoi donc ? demandai-je tremblante.

À part me laisser brûler sous les rayons du soleil, je ne vois pas d'autre solution pour mettre fin à ce désastre.

- Si tu lui donnes un peu de ton sang, il guérira. C’est un des avantages d’être un vampire. Tu n’as qu’à mordre dans dans ton poignet pour que le sang prenne surface, puis colle-le sur sa bouche pour qu’il s’abreuve.

Je les regardai, tous les deux, tour à tour. J’étais plus qu’intriguée, mais un semblant d'espoir perça les nuages sombre de mon désarroi. Je pouvais rendre la vie à cet homme qui ne semblait pas avoir plus d’une vingtaine d’année. Je mordis fort dans mon poignet, plus qu'assez pour faire apparaître du sang. Puis, sur une once d’hésitation, je le plaçai sur la bouche béante du blessé. Premièrement, il n'avala pas l'hémoglobine, et le liquide coula par les commissures de ses lèvres. Je déglutis difficilement. Il ne peut pas être trop tard, son cœur bat encore. Il n'est pas mort, il n'est pas mort, répétai-je infiniment, comme une litanie. Finalement, je sentis ses battements reprendre de la vitesse, et son visage très pâle malgré son teint bronzé reprit des couleurs. Il ouvrit subitement les yeux, me fixant de ses iris noisette effrayés. Il était sur le point de crier, mais je compris qu’il n’y parvint pas. Il tremblait comme une feuille.

- Excellent, me félicita mon père comme un professeur. Maintenant qu’il est en vie, efface-lui la mémoire pour qu’il ne se souvienne de rien.

- Comment ?

- Fixe-le dans les yeux et ordonne-lui de partir et de tout oublier de la soirée. Il faut que tu te raccroches à tes paroles, que tu y croies.

Je trouvais cela de plus en plus étrange. Déjà, j'avais l'opportunité de me nourrir de sang humain sans causer de dommages à ma victime, mais en plus de cela, je pouvais effacer les preuves. Pratique comme système, me surpris-je à penser avec effroi. Il ne fallait pas que je songe à cet aspect du vampirisme.

La nature de Roxane - tome 1 : MauditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant