La nature de Roxane - tome 1 : Maudits

Chapitre 49

- Il était une fois, une jeune louve et un hybride dix fois centenaire. La femelle tomba éperdument amoureuse du mâle, et, moins d'un mois plus tard, la voilà qui portait en son ventre un bébé. Celui-ci, à dominante lycanthrope, avait toutes les chances d'en devenir un. Pourtant, la petite fille naquit vampire. Et quelques années plus tard, elle vit naître en elle une seconde nature. Une hybride, mi-vampire, mi-loup-garou, comme son père.

De toute évidence, ce ne fut pas de moi qu'il parlait. Je n'étais pas née vampire, et jamais encore je m'étais transformée en louve.

Puis mon regard se dirigea vers Kayna, qui vacilla sous l'effet de la déclaration.

Mon cœur loupa un battement.

J'ai une sœur.

Kayna n'en croyait pas ses oreilles, et pourtant, c'était la stricte vérité.

- C'est impossible. J'ai été élevée dans une famille d'accueil parce que mes parents se sont noyés juste après ma naissance, avoua-t-elle.

- Mélissa et moi sommes tes parents, insista Aiden, impitoyable. De plus, tu ignorais que la famille qui t'a élevée était un clan de sorciers. Ils ont le pouvoir de dissimuler leur vraie nature, c'est pour cela que pendant deux décennies, tu n'as rien deviné. Et pourtant, eux le savaient. Ils ont seulement fait comme si de rien n'était, tout en veillant sur toi.

Égoïstement, je fus quelque peu rassurée, en me disant que je n'étais pas seule à être la fille d'un monstre. Mais la culpabilité me tordit les viscères et je me repris aussitôt.

- Vous êtes tellement cruels tous les deux que vous n'avez même pas eu le courage d'élever votre propre fille, persiflai-je.

- Je comptais bien le faire, détrompe-toi. Mais vois-tu, ta mère avait la certitude que quelque chose ne tournait pas rond chez ta sœur. Elle était même persuadée qu'elle serait l'Élue. Tu sais, l'instinct maternel, le sixième sens, ou je ne sais quelle stupidité encore. C'est elle qui a décidé de la refourguer à d'autres. Puis elle a fui, décrétant d'elle-même qu'elle ne voulait plus prendre de risque.

Ma mère était une lâche. Je la détestais presque autant qu'Aiden à ce moment.

- Un sorcier bien avenant lui offrit refuge. Vivant seul dans un manoir, il pouvait bien prêter une de ses innombrables chambres à sa convive. Sauf que très rapidement, ladite hôte partagea la même chambre que le sorcier. Les mois passèrent, et un beau jour, des jumeaux vinrent au monde. Une fille, à la crinière flamboyante, et un garçon aux prunelles d'acier.

Cette fois, ce fut à Lucy et Chad de se noyer dans la stupéfaction. Moi, je ne percevais plus rien. Je crois mon cœur était définitivement insensible. Cela n'empêcha pas Aaron de pousser à la fois un soupir de soulagement imperceptible, et de resserrer sa prise sur mes épaules.

Je ne compris que plus tard la raison de son soupir déchargé. Chad était mon frère. Il ne se passerait plus jamais rien entre nous, c'était irrévocable.

Ma mère, compressée de honte sembla sur le point d'imploser.

- Vous croyez qu'on va gober ça ? s'écria Lucy, la voix méconnaissable tant elle était déformée par la fureur.

- Que tu le croies ou non, c'est la pure vérité. N'as-tu jamais senti la colère s'emparer de toi à tel point qu'il t'est parfois difficile de la contenir ? A tel point que tu aimerais tout casser autour de toi et courir ? Courir très loin jusqu'à en vomir ? Ce caractère provient de ta mère. Un caractère de chien, railla-t-il.

Je repensais aux ampoules qui grillaient ou explosaient chaque fois qu'elle s'énervait un peu trop.

- Vous connaissez peut-être la fin de l'histoire, continua Aiden, impitoyable. Mais vous ignorez par quelle façon elle s'est produite, n'est-ce pas ?