CHAPITRE 4
J'ignorais combien de temps j'étais restée inconsciente, mais à mon réveil, ma mère était présente. Elle était assise à mes côtés dans un large lit que je n'avais pas vu auparavant. Plusieurs sentiments prenaient place dans mon esprit : la confusion, la joie, la tristesse, la peur, la colère, le regret et la culpabilité. Pourquoi ressentais-je toutes ces émotions en même temps ? Jusqu'à ce moment, j'aurai juré que c'était impossible.
Malgré la sécheresse qui hantait ma gorge, je parvins à articuler un « maman » d'un son guttural, presque inaudible.
- Oui ma chérie, je suis là. Tout va bien, me rassura-t-elle. Comment te sens-tu ?
- Je... euh... bizarre. Mais je vais déjà mieux qu'il y a...
Je fus coupée net dans mon élan : combien de temps avais-je sombré ?
- Huit heures, répondit-elle à ma question muette, d'un ton légèrement anxieux.
- Quoi ?!
Ma voix partit en un atroce couinement alors que j'aurais souhaité qu'elle soit dure pour une fois. De mon côté. Telle ma seule alliée.
- Oui. Ton choc a été rude, d'après eux. Il était prévu que tu t'évanouisses car cela fait partie de la transition. Mais comme tu t'es blessée, il y a eu des complications. Tu t'es brisé le crâne. Tu perdais beaucoup trop de sang et ils ont hésité à te conduire aux urgences.
Je passai la main dans mes cheveux poisseux et collés, qui, en effet étaient imbibés de sang.
- Toi aussi tu les crois..., déclarai-je finalement.
Elle hocha la tête avec un sourire compatissant. Puis la dernière phrase qu'elle avait prononcé me mit la puce à l'oreille.
- Pourquoi « hésité » ?
- Parce qu'un vampire guérit très vite. Pour une blessure telle que la tienne, il lui faut en moyenne moins d'une minute pour redevenir indemne. Mais comme tu n'en es pas un à part entière, ils avaient peur que tu trépasses.
Elle avait toujours détesté utiliser le verbe « mourir » ou toute expansion. Elle détournait à chaque fois le mot par un synonyme ou une expression.
- Pourquoi ne t'es-tu pas encore nourrie ? S'enquit-elle.
Encore cette éternelle question. Il fallait que je m'y fasse.
- C'est... compliqué.
- Qu'y a-t-il de plus compliqué que de te perdre ? insista-t-elle, les larmes aux yeux.
- Je ne veux pas devenir un vampire, OK ? Je ne deviendrai pas un vampire. Combien de personnes vais-je tuer pour survivre ? Combien d'amis vais-je trahir ? Je ne veux devenir ni une meurtrière, ni une manipulatrice.
Chad répondit à sa place :
- Tu ne deviendras pas une meurtrière. Nous t'aiderons à te contrôler. Compte sur moi. Sur nous, rectifia-t-il en voyant le regard noir de mon père.
Ma gorge se noua à l'idée que je venais de me faire. Si je me transformais en vampire, je risquais de faire de nombreuses victimes, et vu mon manque de confiance en moi, c'était indéniable. De plus, il y avait trop de complications que s'ensuivraient, comme refuser toute proposition de sortie au restaurant ou au café de coin, par exemple. Je ne pourrais jamais cacher cela à ma meilleure amie, celle à qui je confiais tout jusqu'aux moindres détails. Mais d'un autre côté, refuser serait montrer aux membres de ma famille que j'étais une lâche, et que je ne valais pas plus qu'une plante verte dans le coin du salon. Ils seraient dévastés de m'avoir perdue, mais ils se sentiraient également coupables de toutes les cachotteries qu'ils m'avaient faites au cours des seize dernières années. Or, j'éprouvais peut-être un sentiment grisant, en faisant ressortir leur culpabilité, mais jamais je n'aurais le courage de les déstabiliser autant. Ils s'en remettront, protesta l'insidieuse voix. Si je me transformais, ce serait admettre que j'étais vaincue, et qu'ils avaient raison. Mais j'avais trop de fierté pour leur faire croire ceci. Mon ego va prendre un sacré coup, alors.
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La nature de Roxane - tome 1 : Maudits
FantastikRoxane Carter fête son seizième anniversaire en compagnie de sa meilleure amie, au cinéma. Elle ignore que ce soir-là sera le dernier jour heureux de sa vie, car celle-ci va basculer à tel point qu'elle ne se reconnaîtra plus. Entraînée dans une mal...