13 : Purge.

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« Qui es-tu en réalité ? Tu n'as jamais été cette femme, pas vrai ? Tu m'as fais croire pendant tout ce temps que tu étais cette femme honorable et philanthrope mais il n'en est rien. Tu mens. Constamment. Tu ne mens pas pour le bien des autres, seulement pour ton propre bien. J'ai commis des actes que je regrette amèrement, je suis devenu Satan parce que j'étais trop égoïste et orgueilleux pour pouvoir comprendre mais toi. Tu n'as jamais été vraie. Chacune de tes paroles, chacun de tes gestes étaient parfaitement calculés. Tu vis dans le mensonge, l'hypocrisie. As-tu seulement déjà éprouvé de l'amour à mon égard ? » page 185

– « Oh, vous êtes tous là ? » sourit fièrement l'homme tant attendu. Ils se sont immédiatement inclinés, sauf le maître qui comme on pouvait s'y attendre, n'a même pas daigné retirer les mains de ses poches. L'homme est accompagné d'un autre homme, qui lui s'abaisse respectueusement traduisant concrètement cette différence de statut entre les deux.

– « Tu es en retard, Mingyu. » marmonne le maître pour faire part de son mécontentement.

– « Oui, Eunwoo a remarqué qu'on était suivi depuis l'aéroport, on a dû les semer en faisant des allers-retours. Crois-moi, je ne suis pas plus enchanté qu'toi... » raconte-t-il en retirant sa veste en jean. Mingyu est bien plus grand que le maître, d'au moins dix centimètres. Il a un air sympathique et sociable, une allure sportive, svelte, très majestueuse. Son visage est fin et marqué, ses yeux bridés, son nez busqué et sa bouche pincée. En réalité, je ne peux m'empêcher de le trouver très séduisant. Eunwoo lui, présente une toute autre prestance, il est bien évidement très attrayant, presque aussi haut que Mingyu et les yeux plus arrondis mais son allure est plus adorable et affectueuse. Est-ce que tous les amis du maître sont aussi attrayant ? « En tous cas, vous n'avez pas du tout changé depuis l'temps... Quoique, Bora semble plus furieuse que la dernière fois et...putain, Jaehwan t'a vraiment une mine de merde... » se moque-t-il, très amusé par l'expression de blasé qu'arbore le blond. Le pauvre... Yoongi se contente de soupirer, visiblement ennuyé par son nouvel invité. « Bon, restez pas planté là, aidez Eunwoo à décharger les deux autres valises dans la voiture... Profitez-en pour y jeter un œil, j'viens de l'acheter... » se vante-t-il bien que personne ne semble réellement intéressé par ses dires.

– « Bonhwa et Jinyoung, allez aider Eunwoo... Tu comptes rester longtemps ? » l'interroge le maître, désormais les bras croisés. Les deux autres s'activent jusqu'à l'extérieur alors que Eunwoo lui, semblait vouloir s'en charger seul.

– « J'suis pas venu de Russie pour passer la nuit et repartir demain. J'vais rester quelques jours...tu m'avais manqué... » avance-t-il bien qu'il ne semble pas vraiment sincèrement. En réalité, Mingyu semble plutôt du genre à taquiner le maître, comme s'il s'amusait à l'énerver. « Au fait, il est où Dong Kuanti ? Il est déjà couché, ce feignant ? » demande-t-il subitement. Je me redresse légèrement pour mieux entendre. Je ne m'attendais pas à ce qu'ils parlent de mon grand-père. Bora et Jaehwan ont immédiatement détourné le regard sur le maître pour détailler son expression.

– « Il est décédé. Il y a un an. » prononce distinctement Yoongi, toujours de sa voix sèche et monotone. Mingyu fait disparaître son sourire moqueur immédiatement, totalement surpris.

– « Tu t'fous d'moi ? T'es... Bordel, tu m'as même pas prévenu... T'aurai quand même pu m'envoyer une lettre, j'aurai apprécié pouvoir assister à son enterrement... » se plaint-il.

– « Il était trop risqué que nous y soyons tous les deux... » répond-il, pas le moins du monde gêné d'avoir caché une telle information à son ami. Alors...le maître était présent à l'enterrement de mon grand-père ? Je me retrouve soudainement déçu de ne pas l'avoir aperçu ce jour-là. Même si je ne sais pas vraiment ce que cela aurait bien pu changer à vrai dire...

– « Ouah, tu changeras vraiment jamais... J'y crois pas... Alors je suppose que c'est elle qui le remplace, c'est pour elle que j'suis là, pas vrai ? » Pour elle ? De qui est-ce qu'il parle ? Et puis pourquoi le maître a-t-il fait venir Mingyu, pourquoi est-ce que c'est lui dont il a besoin ? Qui est-il ?

– « Nous en parlerons plus tard. » ronchonne-t-il apparemment de mauvaise humeur.

– « Pourquoi tu la caches ? T'as peur que j'te la vole ? » raille Mingyu, tout en prenant appui sur l'épaule du maître. Je ne peux m'empêcher d'éprouver un certain sentiment de jalousie envers lui. Ils paraissent plutôt proches...

– « T'es déjà en train de me taper sur les nerfs... Montez leurs valises jusqu'à leurs chambres. » Le maître repousse violemment Mingyu avant d'inviter Bonhwa et Jinyoung à passer les premiers. Paniqué qu'ils ne me surprennent dans cette position, je me relève rapidement avant de courir jusqu'à ma chambre. Et bien évidement, malchanceux que je suis, mon pied s'emmêle de je ne sais quelle façon, me faisant trébucher contre le sol dans un bruit aigu parfaitement audible. Et merde... Honteux, j'hésite même quelques secondes avant de me relever. Le maître va me tuer...

– « Hum...je voulais juste...aller me cherche un verre d'eau... » mentis-je pour expliquer ma présence. Ils ont tous les yeux rivés sur moi, déconcerté de me voir là. Oui...j'imagine qu'ils ont tous bien compris que j'étais là depuis le début, à espionner derrière les rambardes des escaliers comme un imbécile.

– « C'est lui qui remplace Kuanti ? Intéressant... » s'exclame Mingyu, un large sourire sur les lèvres. Le brun monte les marches, très heureux de me voir.

– « Bora, peux-tu apporter un verre d'eau à Sicheng... » soupire le maître Min. Merde...notre relation était déjà assez tendue comme ça pour que je l'incite à m'en vouloir davantage...

– « Bordel... » bougonne Bora, assez fort pour que je puisse l'entendre avant de traîner des pieds jusqu'à la cuisine. Je suis sûr qu'elle me le fera regretter...

– « Salut, moi c'est Kim Mingyu, un vielle ami de Yoongi. » se présente-t-il, la main tendue. Je la saisie, extrêmement gêné de le rencontrer dans un tel état. C'est vraiment humiliant...

– « Dong Sicheng, enchanté... » répondis-je de manière presque inaudible.

– « Dong ? Ouah, alors c'est lui ? Bordel, j'regrette vraiment pas d'être venu... Tu m'as caché tellement de chose, enfoiré... J'espère qu'on aura l'occasion de discuter tous les deux, ton grand-père était également un grand ami. » hurle-t-il, me faisant presque sursauter. Il...il a déjà entendu parler de moi ? Pourquoi...semble-t-il s'extasier de me voir là ? Qu'est-ce que tout ça signifie ? J'acquiesce sans vraiment savoir à quoi m'attendre...

– « Je pense...qu'il serait préférable d'aller nous coucher. Je suis vraiment très épuisé. » ronchonne le maître pour nous interrompre.

– « On obéit, maître ! » s'amuse Mingyu, suivant Eunwoo et les deux autres jusqu'à leur chambre respective. Bora me tend mon verre d'eau sans grande motivation avant d'aider Jaehwan, qui semble sur le point de s'endormir d'une minute à l'autre.

– « Retourne dans ta chambre. Je viendrai plus tard. » me susurre discrètement le maître, m'offrant un long frisson dans le dos. Pourquoi suis-je partagé entre l'envie et la peur de me faire sermonner par le maître ? Je me laisse tomber sur mon lit, totalement épuisé.

– « Maître...je...je m'étais assoupi... » lui expliquais-je lorsque sa main me réveille. Bordel, j'étais tellement fatigué que je n'ai même pas pu résister à l'envie de dormir. Le maître est habillé de son pyjama, le regard noir. Je me redresse promptement pour m'asseoir plus convenablement face à lui. Il ne semble vraiment pas d'humeur à discuter...

– « Je vais faire bref... Il va très certainement rester là quelques jours, alors j'apprécierai que tu restes enfermé dans cette chambre le temps de son séjour. Ne reste jamais seul avec lui, évite au maximum ses questions, il ne fera que t'importuner d'imbécilités alors...ignore-le. Je sais que tu te poses des questions mais chaque réponse trouvera sa place le moment venu. Alors juste, pour une fois, fais ce que je te dis. J'ai été clair ? » s'assure-t-il. Bien que mon esprit soit un peu confus, je tente d'assimiler ses dires avec précision. Pourquoi le maître semble-t-il paniquer à l'idée que je me retrouve seul à seul avec Mingyu ? Sait-il tout ce que je veux indéniablement découvrir ?

– « Oui, je...crois... » marmonnais-je, toujours aussi lentement. Yoongi se contente d'hocher la tête, apparemment satisfait par ma réponse. C'est presque affolé que je me lève du lit pour retenir le maître, une fois dos à moi. « Maître... » soufflais-je simplement. Je n'ai pas envie de le voir partir...du moins, pas tout de suite. Cela fait presque trois semaines que nous nous évitons tous les deux. Mis à part deux, trois mots ici-là, cela faisait trois semaines que je n'avais pas eu le droit à une conversation avec lui. Et j'avoue...que cela commençait à me manquer. Surtout...sa présence. « Vous... Vous n'êtes pas humain, n'est-ce pas ? Enfin...si vous l'êtes mais...il y a quelque chose de différent chez vous, j'arrive à le sentir. Je ne sais pas pourquoi mais je le sais. Depuis que je suis arrivé ici, vous hantez mes pensées. Je ne comprends pas pourquoi je suis lié à vous, pourquoi se sont vos souvenirs que je rêve, pourquoi j'ai constamment besoin de vous sentir contre moi. Pourquoi...pourquoi suis-je obsédé par vous, pourquoi est-ce que j'éprouve autant de désir à votre égard... Je crois que je suis en train de devenir fou. Vous êtes en train de me rendre fou... » chouinais-je. J'aimerai me faire croire que c'est surtout à cause du taux d'alcool que j'ai dans le sang que j'agis aussi stupidement mais en réalité, j'ai parfaitement conscience que c'est mon instinct qui a pris le dessus. Je suis réellement en train de perdre la tête depuis que toutes ces choses absurdes m'arrivent. J'ai besoin de réponse. Parce que je ne suis pas sûr de pouvoir feindre la peur qui naît en moi de jour en jour plus longtemps. Le maître ne répond rien. Il reste là, face à la porte, dos à moi alors que mes mains sont agrippées à sa chemise et que mon front s'éternise contre sa nuque. Pitié...ne fuyez pas. Pas aujourd'hui... Yoongi se retourne finalement, m'obligeant à lâcher prise. Je pleurs en silence mais ma souffrance est immense. L'ignorance m'afflige un tel supplice que je ne pouvais la nier plus longtemps. Les iris du maître se transforment à nouveau. D'un marron électrique, il me dévisage muettement. Je devrais me sentir vulnérable d'étaler mes sentiments aussi librement alors que lui est toujours si confiant et impassible mais non. Pour dire vrai, je me sens soulagé d'avoir évacué mes ressentis et mes pensées. Peu importe à quoi tout cela me mènera... Toujours stoïque, le maître s'approche finalement. Sa main s'empare de ma nuque, me conduisant sans un mot à reculer jusqu'à mon lit. L'influence intérieure que je ressens est telle une caresse. Le maître me désir, je le sais. Cette pression s'étend en moi, atteignant mon bas-ventre d'une rapidité considérable. Je suis de nouveau hypnotisé par son regard. Magnétisé par son aura sexuelle, je m'allonge sur le matelas comme si j'avais parfaitement deviné ses intentions. Silencieusement, le maître vient retirer mes vêtements, me laissant entièrement nu à sa vue. Yoongi vient délicatement prendre place au-dessus de mon corps. La chaleur monte déjà d'un cran alors qu'il ne m'a pas encore touché. Ses frôlements sont envoûtants, m'ensorcelant complètement d'un sentiment que je n'avais encore jamais réussi à déchiffrer en moi avant...l'amour. « Embrassez-moi. » le suppliais-je alors que son visage n'est qu'à quelques centimètres à peine du mien. Ses yeux sont toujours colorés d'un marron impétueux et éblouissant. Son visage est figé mais je devine malgré tout son affliction. Il se bat contre lui-même en ce moment, je le sais, je le ressens, je le vis moi aussi.

– « Je ne peux pas. La sensation en serait tellement étrange que je ne pourrai alors aller plus loin. » explique-t-il à voix basse. Le timbre de sa voix a résonné jusqu'à l'intérieur de moi. J'éprouve l'envie de le questionner, d'en savoir plus à propos de cette soit-disant sensation étrange mais je ne veux pas gâcher le moment. Je veux juste...profiter de lui.

– « Alors ne le faites pas. Vous ne pouvez pas vous arrêter maintenant. » commandais-je, tout en caressant ses lèvres du bout des doigts. Elles m'appellent. C'est un vrai déchirement de ne pouvoir les embrasser sur le champ mais j'ose espérer que cela finira tout de même par arriver un jour. En attendant, seule ma soif de lui me contrôle et me conduit à prendre le dessus. Je fais basculer mon supérieur sur le côté, échangeant nos précédentes places. Sans perdre une minute de plus, mes mains le déshabillent de son bas de pyjama et de son sous-vêtement. Ce n'est que lorsque je m'attaque au premier bouton de sa chemise que le maître m'en empêche.

– « Ne perds pas de temps avec ça... » proteste-t-il, faisant allusion à nos deux sexes découverts. Un large sourire sur les lèvres, j'exécute ses envies et m'empare brutalement de nos deux membres pour les stimuler rapidement. C'est de nouveau cette étrange impression que je discerne. C'est presque comme si les deux pénis que je détenaient fermement entre mes doigts m'appartenaient tous les deux. Les yeux fermés, je n'arrive même plus à discerner lequel appartient au maître. Mon supérieur s'assoit, sa main glissant jusque dans mes cheveux pour venir les serrer. Je l'analyse avec envie. Son expression n'est toujours pas transformée comme si me regarder le masturber ne lui faisait absolument rien pourtant j'ai la certitude qu'il est tout aussi émoustillé que moi. Ses iris m'illuminent magiquement, me contrôlant féeriquement. Mes mouvements ne m'appartiennent plus, je ne maîtrise plus rien. Ma bouche s'aventure jusqu'à son cou pour venir le lécher de tout son long. J'aspire sa peau, douce, blanche mais toujours aussi froide. Le maître ne transpire même pas, c'est comme si son corps ne réagissait en rien à ses émotions. Impatient, je mène son sexe endurci jusque dans mon antre sans le lâcher du regard. Alors que je l'enfonce au plus profond et que ma plénitude se fait ressentir, Yoongi lui ne bronche pas. Gémissant sans grande discrétion, sa paume vient promptement m'empêcher d'hurler ma complaisance. Je l'admire, ondulant mon bassin contre lui. Mon front contre le sien, je danse sur sa queue bien qu'à chaque fois que je cligne des yeux, ma conscience se perd entre la réalité et l'illusion. Est-ce moi qui suis au-dessus ou est-ce l'inverse ? Le plaisir s'intensifie au fil des secondes me faisant découvrir ce monde de luxure et de désir à nouveau. Le maître décuple ma jouissance par mille à chaque fois qu'il me rencontre. C'est comme s'il était le fruit de mon désir le plus fou, il n'y a que lui pour m'offrir autant de satisfaction. Alors que je nous sens approcher du moment tant attendu, je remarque que les iris du maître se métamorphosent de plus belle. Du marron survolté et fascinant, ses yeux virent au vert. Un vert vif, ardent, presque aveuglant. Abasourdi par ce qui est en train de se produire, mes mouvements se figent instantanément. Suis-je en train d'halluciner ? Est-ce l'alcool ? Le marron me semblait irréel mais possiblement explicable tandis que ce vert, cette couleur perçante...ça ne peut pas être réel, ça ne peut pas être humainement possible... Immobilisé, je ne trouve plus la force de réagir. Ce que le maître semble rapidement comprendre puisqu'il soulève son bassin pour m'obliger à ressentir de nouveau le délice de son sexe. Accroché à lui, je le laisse diriger nos ébats, toujours captivé par la couleur de ses yeux. Je vois alors son visage se transformer pour la première fois. De son éternelle expression insensible et dure, le maître laisse une émotion transparaître. La tête en arrière, toujours à remuer son corps pour se faire du bien, le maître entrouvre la bouche, gémissant silencieusement son plaisir. Il vient d'atteindre ma prostate et visiblement, il semble ressentir mon soulagement puisque ses muscles s'activent de plus en plus vite à taper juste.

– « Ah, maître ! » m'écriais-je, totalement chamboulé par ce qu'il m'offre. Je me calque avec précision sur ses mouvements, frôlant l'orgasme à chaque coup de rein qu'il me soumet. Nous y sommes presque... La traduction de son plaisir intérieur est une réelle gratification. Je l'aime...je l'aime éperdument. Je ne sais pas comment tout ça est possible mais j'en suis sûr, mon cœur me le fait comprendre. Au moment même où je comprends mes sentiments à son égard, alors qu'il pousse toujours violemment en moi, le maître révèle un regard confus. Il a compris. Je le sais. Le maître ressent ce que je ressens alors il sait désormais. Il sait que je suis amoureux, il vient de le découvrir...en même temps que moi... Effrayé à l'idée qu'il décide de tout arrêter, j'enroule mes bras autour de son cou, obligeant nos deux visages à s'étreindre. Et c'est à l'instant même que nous éjaculons tous les deux, repu et satisfait. Je me sens presque honteux d'avoir malgré moi dévoilé mes sentiments alors que je viens à peine d'en prendre conscience alors les yeux fermés je retire son sexe de mes fesses, sans pour autant me détacher de lui. C'est dans un silence habité par nos deux respirations accélérées que je réfléchis à la meilleure façon de me comporter face à lui. Min Yoongi n'oppose aucune résistance, reposant son front contre le mien comme si tout ça était naturel pour nous. Après avoir calmé mon cœur et lorsque la fatigue refait son apparition, je décide finalement de m'éloigner de lui. Tout en cherchant à éviter son regard, j'enfile mon boxer alors que lui aussi se rhabille entièrement. « Restez. » quémandais-je pitoyablement alors qu'il était sur le point de partir sans rien dire. Le maître Min hésite quelque seconde avant de faire le tour du lit pour venir s'y placer du côté de la fenêtre. La couleur de ses iris a retrouvé son noir et son expression est de nouveau tout aussi imperturbable et sévère que d'habitude. Et comme je pouvais m'y attendre, le maître ne dit rien. « Maître...puis-je vous poser une question ? » tentais-je finalement.

– « C'est ce que tu viens d'faire. » bougonne-t-il sèchement. Plutôt énervé par son comportement, je m'allonge plus aisément, dos à lui. « Pose-la. » ajoute-t-il, sûrement titillé par la curiosité. Je me tâte quelques secondes à lui poser directement la question. Je viens à peine de me rapprocher de lui, je ne voudrais pas qu'il m'ordonne une nouvelle fois de l'ignorer.

– « Est-ce qu'un jour vous aurez assez confiance en moi pour m'avouer ce que vous vous donnez tellement de mal à me cachez ? » le questionnais-je. J'attends, la respiration coupée. Comment va-t-il réagir ? Vais-je enfin pouvoir comprendre pourquoi je suis le seul à devoir rester dans l'ignorance ?

– « J'avais dans l'espoir que jamais tu n'aurais à me poser cette question mais je crois qu'inconsciemment j'espère pouvoir enfin avoir la possibilité de te conter les moindres détails de mon histoire. Mais le moment n'est pas venu...peut-être même qu'il ne viendra jamais... Tu n'es pas venu ici pour ça, Sicheng. Ce n'est pas ton rôle d'agir de la sorte avec moi... » m'explique-t-il calmement. Ce n'est pas mon rôle ? Pourquoi ? Il me dit de trouver réponse par moi-même et là, il sous-entend que je ne suis pas ici pour en apprendre davantage de lui alors à quoi est-ce que je sers ? Pourquoi c'est de moi dont il a tant besoin alors que je ne suis même pas autorisé à le questionner sur sa vie, sur ses secrets ? Ne suis-je qu'un objet pour satisfaire ses envies ?

– « Pourquoi suis-je ici alors ? » osais-je demander. Qu'est-ce qu'il attend de moi ? Qu'est-ce qu'il cherche ? Il m'attire vers lui et me repousse la minute d'après...comment suis-je censé me comporter alors ? Que suis-je censé faire ?

– « Pour t'occuper de moi. Rien de plus. » Sa réponse est loin de me plaire. Rien de plus ? Il se fout de moi ? Je me sens extrêmement blessé, presque humilié. Il vient de me faire plaisir, il sait ce que je ressens à son égard désormais et lui, il me demande de faire taire tout ça ? Pourquoi ?

– « Et...est-ce que...c'que nous faisons est... »

– « Tu ferais mieux de dormir. » me coupe-t-il froidement. Je le devine désormais dos à moi, signe que même si je tentais de nouveau avoir une quelconque réponse de sa part, il ne me répondrai pas. Yoongi est un putain d'égoïste. Ce que nous partageons n'a aucune valeur à ses yeux. Il ne me verra jamais autrement que comme l'imbécile qui réussi malgré lui à lui faire oublier quelques secondes ce qu'est sa vie malheureuse. J'abandonne et referme les yeux, je veux cesser d'y penser, cesser de le laisser me blesser si facilement...

– « Jisoo...par pitié, ne m'abandonnez pas. Je ne pourrai vivre sans vous... » pleurais-je alors que je tente de m'emparer de sa main. Jisoo me repousse instinctivement, visiblement apeurée par mon contact. Elle continue de reculer, pleurant à grosses larmes alors que j'essaie de créer un lien avec elle. La peur s'empare de moi. Je panique totalement. Les regrets sont en train de me rendre fou mais rien n'est pire que je la voir aussi blessée par ma faute.

– « Ne m'approche pas. Comment...comment as-tu pu me cacher une telle chose ? » hurle-t-elle, partagée par la peur et la colère. Je ne sais quoi répondre, je suis désemparé. Je sais que je suis sur le point de perdre la seule personne à qui je n'ai jamais tenu depuis la mort de ma mère. « Tu es un monstre... » souffle-t-elle lourdement. Son regard est violent et froid. Le dégoût prend place sur son visage. J'ai cette douloureuse impression d'avoir à faire à une parfaite inconnue. Jamais je n'aurais pu croire un seul instant que sa réaction serait aussi cruelle. Ses mots viennent de me briser et je regrette. Je regrette de lui avoir tout avoué, de ne pouvoir revenir en arrière pour pouvoir continuer à mentir afin de préserver notre amour, la seule chose à laquelle je tiens éperdument.

– « Jisoo. Écoutez-moi, je vous aime, cela ne change... » Je suis stoppé par la longue lame d'un couteau de cuisine. Aveuglé par mes larmes, je ne l'avais même pas vu s'en saisir. Je m''effondre sur le sol, la douleur se propageant difficilement. Jisoo a relâché le couteau mais alors que j'espère apercevoir une once de regret dans son regard, l'amour de ma vie fuit lâchement. Ne se retournant sous aucun prétexte, même malgré mes supplications...

– « Jisoo ! » appelais-je alors que mes yeux s'ouvrent. Je l'ai vu. La femme du maître, celle dont il a autrefois était amoureux, je l'ai vu. J'ai vu son visage. Je l'ai vu avec une telle précision qu'il serait impossible pour moi de l'oublier désormais... Je me sens affreusement attristé, à tel point que des larmes ont coulés sur mes joues. Je me sens comme abandonné et pitoyablement affligé. Lorsque je comprends que ce rêve était très certainement l'un des nombreux souvenirs du maître qu'il m'arrive de rêver, je détourne le regard sur lui. Min Yoongi est assis, les yeux dans le vide, gémissant silencieusement, la main appuyée là où le couteau l'avait précédemment transpercé dans mon rêve. « Maître... » Il l'a rêvé...en même temps que moi...j'en suis certain. Je m'approche rapidement et viens effacer ses larmes avant de le serrer de toutes mes forces. Je comprends alors pourquoi Jaehwan ne voulait pas que j'évoque Jisoo face au maître. Elle l'a trahi, elle l'a délaissé et ce jour-là, lui a tout perdu. Je l'ai ressenti dans mon rêve, j'ai ressenti l'amour immense qu'il possédait pour elle... Je ressens soudainement une haine incompréhensible s'emparer de moi, effaçant le tristesse que me consumait malgré moi. Je me surprends à vouloir frapper, étrangler, broyer, meurtrir mais pourquoi ? Pourquoi cette haine me rend-t-elle fou aussi subitement ? Pour quelle raison, de quel droit ? Est-ce...de la jalousie ? Suis-je...jaloux de cette fille ? Le maître apaise magiquement mes émotions en entourant ma taille des ses bras, sans même en prendre conscience. Alors qu'il continue de pleurer muettement, je l'incite à s'allonger contre moi. Cette peine a perduré plus d'une vingtaine de minutes avant qu'il ne trouve plus la force en lui pour s'apitoyer après elle. Ce n'est que lorsque j'ai ressenti une certaine légèreté en moi, lorsque ni la haine, ni le chagrin ne me dictait plus mes pensées que j'ai fini par comprendre qu'il s'était endormi et que désormais plus rien ne pouvait l'atteindre. Mais moi, contrairement à lui, je n'ai pu trouver le sommeil, bien trop préoccupé par les images que je venais de voir en rêve...

Beside me |sugawinwin|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant