14 : Contrepoison.

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« Mon âme s'est vendue aux ténèbres en échange d'un engagement, d'une guérison soudaine, d'une volonté puissante. Ils ont cru pouvoir vivre librement sans ne jamais rien redevoir au Mal mais ils avaient tord. Le Diable m'a fait face en personne. J'ai tenté de me repentir auprès de Dieu, de racheter mes fautes, mes crimes, l'impureté de ma foi mais le démon ne m'en a pas laissé le temps. Mon châtiment a été monstrueux, à la hauteur de mes péchés. Je me dois encore aujourd'hui de le subir douloureusement. Mon âme a été déchiquetée, longuement martyrisée. Ma soumission a Dieu s'en est vu renforcée mais je sais qu'à jamais je me devrais de supporter les conséquences de mon infidélité vis-à-vis du Seigneur et de ses principes. Je continue de mourir chaque jour que Dieu fait. Les autres ne peuvent le voir mais moi je le ressens, continuellement. » Page 308

Je comprends que le maître se lève lorsque la froideur de sa peau ne fait plus contradiction avec la mienne. Trop épuisé, j'entrouvre à peine les yeux bien qu'un certain mécontentement ne m'apparaisse face au vide qu'il laisse entre mes bras. Sans faire de bruit, le maître Min vient délicatement refermer les volets de ma fenêtre pour empêcher les rayons matinales du soleil de prendre place dans la chambre. Apaisé de me retrouver dans un noir presque complet, je m'étire de tout mon long alors que mon supérieur remonte affectueusement la couverture jusqu'à mon cou. Bien que j'aurai été très certainement plus que surpris de constater qu'il peut être doux et attentionné quand il le veut, je ne fais aucune remarque sur son geste, me laissant tout simplement porté par le confort qu'il me donne... Après quelques heures de sommeil en plus, je finis par rouvrir les yeux. Trop bien installé pour bouger, je me contente d'admirer les quelques jets de lumières qui ont finalement réussi à se faufiler entre le bois jusqu'à l'intérieur de la pièce. Mon portable affiche quatorze heure passé alors immédiatement je panique. Je m'imagine déjà en train de me faire sermonner comme un enfant par le maître lorsque je sortirai de ma chambre avant que notre conversation d'hier ne me revienne à l'esprit. J'avais presque oublié...je suis consigné dans ma chambre...comme un parasite dont on aurait trop honte. Puis je me ressasse notre échange de cette nuit et évidement, je ne peux m'empêcher de rougir d'embarras. J'ai avoué mes sentiments sans même prononcer un mot...quelle injustice... Pourquoi se doit-il de lire en moi ? Je me souviens avec détail de son froncement de sourcil, de cet air perdu qu'il arborait lorsque mes sentiments lui ont fait face... La honte... Il ne s'y attendait sûrement pas.

– « Winwin ! » m'interrompt la voix de Jaehwan de l'autre côté de la porte. Comme pris en flagrant délit, je déglutis nerveusement avant de l'inviter à entrer. « T'es réveillé ? Pourquoi t'es pas descendu ? » me questionne-t-il lorsqu'il entre, un plateau de nourriture en main. Je m'assois plus confortablement, appelé par ce petit-déjeuner plus qu'appétissant.

– « J'ai un peu mal à la tête... » mentis-je pour ne pas avoir à expliquer pourquoi est-ce que je me dois de rester enfermé dans ma chambre. Jaehwan dépose le plateau sur mon lit avant de venir poser la paume de sa main contre mon front.

– « C'est vraiment inquiétant que tu te mettes à ressentir la douleur depuis que tu es arrivés ici... » pense-t-il, apparemment curieux de mon état. Je me contente de lui offrir un léger sourire avant de m'attaquer aux toasts grillés desquels émane une fumée de chaleur. Avec tout l'alcool ingurgité hier, j'ai l'impression de littéralement mourir de faim... « Jinyoung vient de les préparer alors vas-y doucement. » se moque-t-il lorsqu'il remarque que je me brûle la langue. « Il voulait te préparer un repas bien gras et bien calorique pour te remettre de ta cuite mais je lui ai dis qu'il pouvait attendre ce soir pour ça, qu'il valait mieux attendre que tu te reposes un peu. » m'explique-t-il adorablement.

– « Et toi ? Comment tu t'sens ? » lui demandais-je bien que j'ai parfaitement idée de ce qu'il va me répondre. Jaehwan est toujours aussi lumineux que d'habitude mais de larges cernes ont pris place sous ses yeux minuscules...

– « M'en parle pas... Ça f'sait vraiment super longtemps que je m'étais pas bourré la gueule de cette façon. » rit-il en se frottant le visage, comme pour exprimer le regret de s'être trop lâché. « J'me suis fais sermonner durement par le maître quand il a constaté que j'avais réussi à vomir sur la banquette arrière de sa voiture sur le chemin du retour. J'sais même pas comment j'ai fais pour oublier ça... » Je ne peux m'empêcher d'éclater de rire. C'est vraiment un cas quand il boit, celui-là. Il faut dire qu'il avalait ses alcools comme s'il buvait de l'eau... « Il m'a obligé à la nettoyer entièrement à huit heure du matin avec une brosse à dent alors que j'avais la tête dans l'cul... » continue-t-il, intensifiant mon fou-rire. Je crois que j'aurai vraiment tout donné pour le voir se faire gronder par le maître de si bonne heure.

– « Mais t'as réussi à t'lever à huit heure du matin ? » Je suis impressionné, je ne sais pas du tout comment il a fait...surtout qu'il était dans un état bien pire que le mien... Jaehwan acquiesce un sourire sur les lèvres mais j'imagine que c'est plus pour se moquer de lui-même que par fierté.

– « J'imagine que c'est par habitude. Mais crois-moi, j'avais vraiment pas assez dormi... Bora s'est assise devant pour boire son café et me regarder faire avant d'aller travailler et quand Jinyoung a proposé son aide, le maître lui a jeté un de ses regards bien flippant lui faisant tout de suite regretté d'avoir demandé. Heureusement, Eunwoo a finit par m'aider une fois le dos du maître tourné... » me raconte-t-il, désespéré par le commencement de sa journée. Je continue de manger luttant intérieurement contre mon envie de le questionner sur ce Eunwoo mais surtout la relation qu'entretienne le maître Min et ce fameux Mingyu. « Au fait, j'étais bien bourré et j'ai oublié pas mal de chose mais...ton apparition théâtrale d'hier m'a époustouflé ! » ricane-t-il tout en venant me frapper l'épaule gentiment. Merde, je l'avais oublié, ça aussi... « J'te jure, quand je t'ai vu te relever comme si de rien n'était, j'ai analysé le regard du maître et j'crois que si j'avais eu la force de rire, je l'aurai fais. C'était excellent... M'enfin, tu peux être sûr qu'on sortira pas de cette maison avant un bon moment...du moins, pas avec la carte du maître. » J'imagine qu'il a raison. Le maître avait l'air tellement furieux quand il nous a vu rentrer dans cet état. Je crois que j'avais tellement peur qu'il me foute à la porte si j'ouvrais la bouche que je me suis simplement contenté de me pincer les lèvres et de cesser de bouger. Il m'a détaillé avec une telle froideur que j'en ai eu le souffle coupé. « Bon, j'te laisse manger tranquillement, moi je vais aller faire une sieste, sinon j'vais pas tenir jusqu'à ce soir... » annonce-t-il en se relevant.

– « Jaehwan... Est-ce que tu pourrais dire au maître que j'aimerai lui parler ? » Le blond m'interroge du regard, confus. « J'aimerai lui présenter mes excuses...je...j'ai vraiment mal agis hier... » inventais-je promptement. En réalité, j'aimerai bien discuter de ce fameux rêve avec lui. Mais comme il m'a explicitement fais comprendre que je ne devais pas sortir de cette chambre et le désobéir, il serait plus facile pour moi de le faire venir jusqu'ici.

– « Il est enfermé au sous-sol avec Mingyu et Eunwoo mais...j'vais demander à Jinyoung de le prévenir quand il sortira. » répond-il simplement. Enfermé dans le sous-sol ? Qu'est-ce que ce Mingyu peut-il fabriquer avec le maître ? Chaque jour de nouvelles questions me préoccupent l'esprit, quand est-ce que je trouverai réponse à au moins l'une d'elles ?

– « Merci... Au fait...est-ce que tu aurais trouvé des papiers dans la voiture ? J'avais glissé mes recherches dans la portière côté passager, il me semble... » J'essaie tant bien que mal de garder mon calme mais en réalité, j'angoisse à l'idée que Jaehwan ai pu lire les articles trouvés. Même si ce n'est sûrement que ma folle envie de tout comprendre qui me pousse à croire en tout ce qui me tombe sous la main, je ne veux pas qu'il se mêle à tout ça pour me compliquer la tâche davantage...

– « Non, j'ai rien trouvé. Pourtant, j'te l'ai dis, j'ai nettoyé la voiture comme si elle sortait tout droit de l'usine... T'as fouillé dans ton jean ? Peut-être que tu les avais finalement mis dans ta poche ? » Je sais que Jaehwan les as trouvé. En réalité, je crois que j'arrive à le lire dans son regard. Est-ce qu'il...va en parler au maître ? S'il les a gardé, j'imagine que...mes doutes étaient peut-être plus réels que je ne le pensais, non ?

– « Mouais...j'vais regarder. Merci. » terminais-je. Jaehwan quitte finalement ma chambre me laissant savourer mon petit-déjeuner silencieusement. Bordel, est-ce que mes recherches m'apportaient réellement réponses ? Alors...ça voudrait dire que cet homme sur cette photo de mai 1980 était bien le maître ? Et celui de 1975, Jaehwan ? Impossible... Peut-être que Jaehwan ne les a vraiment pas trouvé...ou bien, peut-être les a-t-il jeté pour ne pas me laisser perdre mon temps sur ce genre d'idiotie ? Ils me rendent fou... Le ventre plein, je décide d'aérer la pièce et de passer sous la douche. Je me vide complètement la tête, tentant par tous les moyens de laisser ces questions se tasser dans un coin, du moins pour l'instant. Habillé d'un survêtement et toujours entre ces quatre murs, je cherche de quoi m'occuper. Qui sait dans combien de temps le maître va sortir de ce fameux sous-sol pour venir me trouver. Je ne supporterai pas d'attendre sans rien faire... Je fais du rangement, du ménage, récurant la salle de bain dans les moindres détails même si il n'y a pas vraiment grand-chose à nettoyer. L'ennui me tourmente. Et plus j'ai de temps pour penser, plus j'ai l'impression de perdre la tête...

Assis sur le sol de ma chambre, ma dahlia verte entre les mains, je me surprends à penser à mes parents. Ils me manquent atrocement. Depuis que je suis ici, j'éprouve moins le besoin de les avoir au téléphone. C'est étrange... Même avec Renjun, je ne parle plus autant qu'avant. Pourtant, Dieu sait que je ne peux vivre sans lui d'ordinaire... C'est presque comme si je les oubliais parfois... Cette maison me coupe d'absolument tout... Je ressens subitement une pression à l'intérieur de moi. D'où exactement, je ne saurai vraiment le décrire, comme d'habitude. C'est toujours aussi hypnotisant mais irrévocablement déconcertant. Qu'est-ce que ça signifie réellement ? Suis-je malade, est-ce mon corps qui indirectement veut me faire comprendre que quelque chose cloche en moi ?

– « Tu voulais me voir ? » me surprend soudainement la voix du maître. Gêné qu'il me trouve en une telle position, je me redresse rapidement.

– « Vous êtes là... » bougonnais-je sans trop savoir quoi dire. Le maître est habillé d'un jean slim noir assorti d'une chemise oversize qui lui donne l'apparence d'un mannequin malgré son visage pâle. C'est sûrement l'un des achats de Jaehwan puisque c'est la première fois que je le vois la porter. Il semble si frileux, si fragile en-dessous. Les mains éternellement fourrées dans les poches de son pantalon, le maître me dévisage stoïquement. Il semble plus énervé que d'habitude, ce qui me rend immédiatement plus nerveux. « Je...je voulais...m'excuser pour mon comportement d'hier... J'ai dépassé les bornes, j'avais beaucoup bu, je... »

– « Satisfait de voir que tu en as conscience... » m'interrompt-il sèchement. Bordel, pourquoi est-ce que je me mets à paniquer dès qu'il choisi de jouer les hautains indifférents ? C'est vrai, ce n'est pas comme si c'était la première fois qu'il cherchait à m'intimider...

– « Je voulais aussi...m'excuser pour avoir volontairement désobéi et pour avoir espionné en haut des escaliers. J'aurai dû rester dans ma chambre et... »

– « Quand as-tu déjà obéi à l'un de mes ordres ? Peu importe. C'est oublié. Donc si tu n'as rien d'autre à ajouter... » marmonne-t-il avant de se diriger vers la sortie. Je ne voulais pas vraiment le voir pour m'excuser à propos d'hier. En réalité, je voulais savoir comment il allait. Comment se sentait-il en se levant ce matin après avoir ressassé le rejet de cette fameuse Jisoo dans son sommeil...

– « Je...Jamais je ne vous traiterai de cette façon. » déclarais-je promptement. Le maître se fige, dos à moi et se retourne lentement, venant plonger son regard noir et profond dans le mien. Je n'aurai peut-être pas dû commencer par ça mais je ne savais vraiment comment exprimer mon inquiétude face à lui. « Jamais je ne vous traiterai comme elle l'a fais. » expliquais-je plus clairement.

– « Quoi ? » s'interroge mon supérieur. Son visage alors lisse et impassible se transforme. Des plis prennent place entre ses sourcils. Affolé, je me perds dans ce que je veux dire. Ne l'énerve pas plus qu'il ne l'est, Sicheng. Ne viens pas tout gâcher alors que nous partageons de nouveau quelque chose après des jours et des jours d'ignorance. Je ne supporterai pas qu'il me repousse après que j'ai involontairement dévoilé ce que je ressentais. Malgré tout, malgré cette fichue raison qui me pousse à me taire, je continue. Parce que j'ai l'irrévocable envie qu'il sache. Qu'il sache que je serai à ses côtés, qui qu'il soit, quoi qu'il me cache. Je ne sais pas vraiment pourquoi je peux l'assurer. C'est juste...évident à mes yeux. Alors je ne me pose pas de question...

– « Vous savez ce que je ressens pour vous. Vous l'avez ressenti, je l'sais. Alors je voulais...que vous sachiez que jamais je ne pourrai agir de la sorte envers vous... Vous pouvez me faire confiance, je ne vous jugerai pas... J'ai ressenti votre douleur dans ce rêve. Jisoo vous a... »

– « Ferme-la. » commande-t-il autoritairement. Mes joues se pourprent de rouge, la chaleur m'envahissant complètement. Embarrassé par sa réaction, je tente de calmer les choses. Je n'aurai sûrement pas dû prononcer ce prénom. Bordel de merde...pourquoi suis-je tout à coup aussi furieux ? Il n'a encore rien dit alors pourquoi ai-je le sentiment de m'emporter ? Cette émotion est de plus en plus puissante au fil des secondes. J'ai un mauvais pressentiment. Le pressentiment que cette rage incompréhensible, totalement injustifiée va me faire dire, me faire faire des choses que je n'aurai jamais rendu possible si je pouvais encore penser par moi-même. Qu'est-ce qui m'arrive, putain ? Les poings serrés, inspirant et expirant profondément, je tente de récupérer le contrôle de moi-même pour ne pas tout foutre en l'air. Calme-toi, Sicheng. Sois patient envers lui, réfléchis avant de dire quelque chose que tu pourrais regretter...

– « Je veux juste... »

– « Ferme-la, Sicheng. Tais-toi. Je croyais avoir été clair avec toi cette nuit...tu n'es là que pour t'occuper de moi. Ce n'est pas parce que je prends plaisir avec toi que tu as un quelconque droit de parole sur ce que tu penses savoir de moi. Je n'ai aimé qu'une seule personne en ce monde et ce n'est pas prêt de changer alors cesse de faire l'enfant et de t'imaginer une quelconque relation... Apprend à rester à ta place. » me lance-t-il froidement. Les battements de mon cœur s'emballent. Il vient de rejeter mes sentiments, sans même se soucier de la manière dont il vient de s'y prendre. Il est si méchant, si distant que je crois un instant m'être adressé à la mauvaise personne. Ce n'est certainement pas l'homme que je serrais contre moi cette nuit... J'explose alors. Je laisse cette folie frénétique s'évacuer. Cette fièvre délirante jaillie malgré mon insuffisante envie de tout garder pour moi. Je vais me ridiculiser, je vais perdre face à lui alors pourquoi suis-je sur le point de me jeter corps et âme dans cette interaction destructive ?

– « Quelle place ? Quelle est ma place ici ? Je me dois de m'occuper de vous sans rien dire, je me dois de vous laisser vous servir de moi pour satisfaire vos envies, sans rien attendre, ne serait-ce qu'une foutue réponse à mes questions ? » Mes yeux se révulsent mais la colère prend le dessus. Je ne veux pas paraître plus faible que je ne le suis déjà. Je suis affreusement blessé par son comportement. Je ne m'attendais pas à une telle cruauté après ce que nous avons tous les deux partagés... Alors oui, j'imagine que là, maintenant, cette colère qui avait émergé de je ne sais où au départ est plus que justifiée.

– « Oui. C'est pour ça que tu es là. Mais ne feins pas que tu t'attendais à autre chose. Je ne te force à rien, tu te sers tout aussi bien de moi... Et si tu fantasmes sur un homme qui est loin d'être ce que tu attends désespérément, ce n'est en rien mon problème. Tu es libre de partir. Je ne te retiendrai pas... » continue-t-il implacablement. Le timbre de sa voix est monotone bien que plus élevé qu'habituellement. Les émotions ne le gagnent pas, contrairement à moi qui suis incapable de cacher mon humiliation sous cette fureur évidente. Le maître a vraiment ce don particulier. Je crois que jamais je n'aurai la chance de le voir ne serait-ce qu'un minimum vulnérable ou blessé mentalement parlant. Il est si fier, si égocentrique que ces émotions ne peuvent être connues des autres. Il se croit tellement important que personne n'est assez bien pour partager ses émotions, bonnes ou mauvaises. Bien...si je dois allez creuser pour savoir ne serait-ce qu'un minimum de ce qui se passe dans votre stupide petite tête, qu'il en soit ainsi... Il me suffit de fermer les yeux pour m'aventurer dans vos souvenirs, alors j'imagine que si je désirs réellement tout savoir de vous, il me suffit de creuser dans mes rêves.

– « Vous vous êtes joué de moi, pas vrai ? » Le maître Min qui avait très certainement pris la décision que la discussion s'arrêtait là, se stoppe une nouvelle fois devant la porte de ma chambre lorsque j'ouvre la bouche. Malgré son comportement courant d'homme apathique, je crois l'entendre soupirer, comme blasé par mes dires. L'enfoiré... Parce que je lui fais perdre son temps, peut-être ? « Tout ce temps à me faire croire, à me faire espérer qu'un jour il n'y aurait plus de secret...c'était simplement pour continuer de vous servir de moi, n'est-ce pas ? C'est presque inhumain d'avoir aussi peu de considération pour ceux qui s'inquiètent pour vous, pour ceux qui ont de l'intérêt à votre égard. Vous êtes un putain de bel enfoiré, Min Yoongi. » affirmais-je, sûr de moi. Le maître perd visiblement patience. Toujours de cet air inébranlable et froid, mon supérieur s'approche au plus près de moi, faisant disparaître ce mur de distance que je croyais presque infranchissable depuis son entrée dans la pièce. Ses yeux graves, sévères mais irrésistiblement envoûtant pénètrent en moi, s'accrochant aux sentiments passionnés qui lui sont destinés, me rendant subitement bien nerveux. Si vous vous apprêtez à m'achevez, maître. Par pitié, abstenez-vous.

– « J'en suis peut-être un, je te l'accorde. Mais n'oublie pas que je n'ai jamais prétendu le contraire... Et "ceux" ? Tu es le seul pour qui je n'ai aucune considération ici. Alors ne me regarde pas avec cet air mécontent et outré... J'ai été honnête depuis le début. C'était à toi de prendre les bonnes décisions le moment venu. Et être immature ne justifie en rien tes jérémiades incessantes... Prends tes responsabilités et assume tes choix. » C'est sur ces belles paroles, à la fois insolantes et désobligeantes que le maître met fin à cet échange plus que désagréable. Tellement humilié et froissé, je n'ai même pas eu la force de répondre, je l'ai juste suivi du regard jusqu'à ce que la porte en bois ne vienne claquer derrière lui. Il vient d'étouffer mes ressentis, les étranglant avec violence pour les piétiner librement et les réduire à l'état de rien. Quel...enfoiré. C'est la première fois que je pleurs pour quelque chose du genre. Je ne suis pas vivement émotif. Il m'arrive de craquer pour des choses graves, quand la situation est tellement insupportable que je ne peux qu'évacuer pour me sentir plus léger. La mort de mon grand-père en est l'exemple parfait... Mais jamais avant je n'avais versé de larme par déception amoureuse. Je crois qu'en fait...c'est la première fois de ma vie qu'on me diminue aussi cruellement. Et c'est...dur à accepter. Ma fierté en prend un tel coup que je doute la retrouver un jour... La vision brouillée, je commence à frapper contre l'entourage de mon lit, expulsant tout ce qui se bouscule dans ma tête. Comment ai-je pu être aussi stupide, aussi aveugle ? Mais quel idiot, putain ! Furieux, je viens malencontreusement shooter contre le vase de ma dahlia.

– « Merde ! » Désemparé, je me jette à genoux pour analyser l'état de ma fleur. Putain mais quel con ! Comme si j'avais besoin de ça maintenant... Paniqué à l'idée qu'elle ne meurt, j'enfile la première veste qui me passe sous la main et m'empare de la dahlia avant de courir hors de ma chambre. Les joues encore humides, le souffle suffocant presque, je descends les escaliers le plus vite possible et accours à travers le grand salon pour rejoindre le jardin. Heureusement pour moi, personne ne se trouve dans les parages, me laissant librement m'avancer jusqu'aux agusts pour y venir planter la fleur que je détiens maladroitement dans mes mains. Les doigts nus, je creuse dans la terre pour lui faire une place. Je l'enterre rapidement, finalement soulagé de savoir que je ne la perdrais pas. Malgré tout, mes larmes se remettent à couler. Accroupis sur moi-même, les yeux fermés, les mains cachant mon visage, je recommence à pleurer silencieusement. J'essaie de me calmer mais les paroles de mon supérieur ne cesse de se répéter inlassablement dans ma tête.

– « Sicheng ? » me surprend la voix de Bonhwa. Gêné, je me redresse sur mes jambes, effaçant ma souffrance comme si de rien n'était.

– « Je... J'ai cassé le vase de ma dahlia, alors je me suis dis que je pourrais l'enterrer ici. Si ça dérange, je peux aller l'enterrer ailleurs, je comprendrai que... »

– « Non. Ne vous inquiétez pas. Elle est très bien ici. Je suis sûr que les agusts auront bonne influence sur elle... » m'arrête-t-il délicatement. Je me contente d'hocher la tête, sans trop savoir quoi dire. Je fais vraiment pitié, putain... « Est-ce que tout va bien ? » demande-t-il finalement. Il était évident, que prévenant comme il est, Bonhwa n'allait pas pouvoir s'empêcher de poser la question. Après tout, c'est de ma faute. C'est moi qui était là à pleurer à la vue de tous sans aucune intimité.

– « Oh, euh... Oui. C'est juste un coup de blues. C'est la fatigue et...mes parents me manquent beaucoup, alors... » marmonnais-je, sans être vraiment satisfait par mon mensonge.

– « Vous devriez peut-être les contacter. Cela vous ferait sans aucun doute le plus grand bien... » me conseille-t-il adorablement de son léger sourire. J'acquiesce une nouvelle fois, lui rendant son sourire tant bien que mal. « Avez-vous besoin de quelque chose ? » s'inquiète-t-il.

– « Non, merci. Je vais...rester prendre l'air. » assurais-je. Bonhwa m'offre un énième sourire chaleureux avant de retourner à l'intérieur de la maison, refermant la porte de la baie vitrée, sûrement pour m'obtenir un peu plus d'intimité. Je m'éloigne sur le côté de la maison et attrape mon téléphone pour appeler Ren. J'espère qu'il me répondra...

– « Salut, p'tit morveux... Comment tu vas ? » commence mon meilleur ami. Immédiatement, à l'entente de sa voix, une boule s'est créée au fond de ma gorge. Mon envie de pleurer refait surface mais je tente malgré tout de ne rien laisser paraître.

– « Tu bosses pas ? » l'interrogeais-je rapidement, sans prendre la peine de répondre à sa question. Je ne sais pas si je serai réellement capable de lui mentir...

– « Non, j'suis chez ma mère. J'ai chopé une intoxication alimentaire alors, j'agonise dans mon ancienne chambre. Et toi ? Tu fous quoi ? » enchaîne-t-il. J'inspire et expire calmement pour ne pas trahir mon état.

– « J'ai rien à faire. Le maître a de la visite alors j'ai champ libre. » expliquais-je, un sourire forcé sur les lèvres. Renjun laisse bien dix secondes de silence s'installer avant de reprendre d'une voix posée.

– « Qu'est-ce qui s'passe, Sicheng ? Et me raconte pas d'mensonge, j'aime pas quand tu m'mens. » affirme-t-il autoritairement. Je savais que je ne tiendrai pas le coup s'il insistait. Et j'avais raison. J'explose en larme, gémissant stupidement contre mon téléphone portable comme le plus grand des bébés. « Sicheng... » m'appelle-t-il pour capter mon attention, sûrement désemparé par la tournure des choses. J'essaie de m'arrêter mais pour dire vrai, je suis tellement déçu, tellement blessé que je ne peux m'en empêcher. J'ai mal, terriblement mal.

– « J'veux rentrer. » soufflais-je, la poitrine douloureuse. Ce dont j'ai le plus besoin, là, tout de suite, c'est de le serrer dans mes bras. Mais il n'est pas là. Personne n'est là, d'ailleurs. Je suis entouré de gens pourtant je continue de me sentir affreusement seul. Je n'ai plus la force d'endurer et d'encaisser. Toutes ces interrogations me prennent déjà trop la tête, elle me rendent fou alors avec la conversation que je viens d'avoir avec le maître, j'ai l'impression d'étouffer, de ne plus pouvoir respirer correctement. « Je crois que je vais rentrer. » chouinais-je une nouvelle fois.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 28, 2020 ⏰

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Beside me |sugawinwin|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant