8 : Médicament.

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« J'étais révoltée, totalement déçue. En souhaitant vouloir devenir l'égal des autres, il s'était perversifié à tel point qu'il ne savait plus lui même s'il avait déjà été bon par le passé. Comment pourrais-je continuer de vivre à ses côtés ? Le silence de l'ignorance ne réussirait pas à me faire fermer les yeux sur tout ce que je venais d'apprendre. La seule chose que je souhaitais plus que tout c'était fuir loin de lui, fuir loin de son machiavélisme, loin de son charme irréprochable. Mais alors pourquoi étais-je toujours allongée là, à ses côtés, à le serrer dans mes bras ? Pourquoi je continuais d'espérer qu'il finirait par changer ? » page 115


J'ouvre les yeux et tente de comprendre ce que je fais là, allongé au beau milieu du lit du maître. Je ne sais pas quelle heure il est, ni même depuis combien de temps le maître est déjà debout mais j'imagine qu'il me sermonnera méchamment lorsque je le croiserai. Si je me souviens bien, le premier jour après l'infiltration, le maître Min se sent affaibli et est presque beaucoup plus froid que les autres jours. Je me redresse et analyse rapidement la pièce. J'ai encore merdé hier... Bordel mais qu'est-ce qui me prend à lui sauter dessus comme ça ?

– « Tu es réveillé ? » La voix grave du maître me sort de mes pensées. Il est là, éternellement habillé de noir, les cheveux encore humides. Et à ma plus grande surprise, il semble être en très bonne santé.

– « Vous...vous vous êtes douché...seul ? » m'étonnais-je. Quand je repense à ce qui s'est passé il y a de cela deux semaines, quand je repense au fait qu'il était presque en train de perdre connaissance à cause de l'infiltration, je ne peux qu'être sidéré de le voir ainsi aujourd'hui.

– « Quoi ? Tu aurais voulu participer ? » me demande-t-il de son plus grand sérieux. Sans aucun contrôle, je sens mes joues rougir de chaleur tandis que mon bas-ventre fait immédiatement pression sur ma libido. Sicheng, espèce de gros pervers...tu dois vraiment être en putain de manque pour constamment vouloir de lui. « Cours enfiler quelque chose. Jinyoung nous a préparé le petit-déjeuner à l'extérieur. Il fait froid alors couvre-toi. » me commande-t-il avant de sortir de sa chambre comme si rien ne s'était passé entre nous cette nuit. J'obéis à toute vitesse, enfilant un pull et ma doudoune blanche avant de courir jusqu'au grand salon.

– « Salut, Win ! Bien dormi ? » m'interroge Jinyoung, deux assiettes de viennoiserie dans les mains. Je me contente d'hocher la tête par peur de n'être démasqué si j'ose répondre. Si le maître n'a encore rien dit aux autres, c'est sûrement parce qu'il souhaite garder cela secret. Et heureusement pour moi d'ailleurs, je n'aurai pas supporté leur regard médusé. Je suis le brun jusqu'à l'extérieur, sur le côté de la maison. Une grande table en verre est disposée sur la terrasse, une table que je n'avais encore jamais vu. Celle-ci est recouverte de plat en tout genre, allant du sucré au salé, du traditionnel au plus extravagant. Qu'est-ce que nous fêtons exactement ? Le maître a naturellement pris place en bout de table, un long manteau bordeaux sur le dos. Je crois bien que c'est la première fois que je le vois habillé d'une couleur aussi vive. Bora, un large sourire sur les lèvres, dévore la nourriture des yeux, déjà impatiente de pouvoir goûter à tout ça.

– « Sicheng, prenez place, je vous prie. » me sourit chaleureusement Bonhwa. Jaehwan, assit à mes côtés m'offre simplement un petit signe de la main, les yeux souriants. Qu'est-ce que c'est que cette ambiance étrange ?

– « C'est bon, tous le monde est là. » annonce Jinyoung tout en s'asseyant. Je lie instinctivement mes mains, prêt à écouter le bénédicité. C'est désormais devenu une habitude pour moi. Même pour le petit-déjeuné, Jaehwan et Bonhwa ont l'obligation de faire la prière avant de manger.

– « Maître. Vous voulez le faire aujourd'hui ? » propose le blond alors qu'il est celui qui devait s'en charger ce matin. Le maître acquiesce silencieusement avant de clore ses paupières. Il va...vraiment le faire ? Pourquoi sont-ils tous de si bonne humeur aujourd'hui ?

– « Bénissez nous, Seigneur. Et bénissez cette nourriture que nous allons prendre. Faites nous la grâce de n'en usez que pour votre Gloire et le Salut de notre âme. Tu m'as fait ce don plus précieux que la richesse... Pour toute cette vie en moi, à chaque minute, à chaque seconde. Pour toute cette vie en lui, pour ses poumons qui respirent, pour son cœur qui bat. Pour ses regards, ses sourires, pour le moindre geste, le moindre pas. » J'ouvre rapidement les yeux et analyse le maître. Les autres ne réagissent pas, ils continuent d'écouter avec patience et intérêt. De qui parle-t-il ? Est-ce de lui-même ? « Pour ce miracle, ce prodige. Je t'exalte, Seigneur, tu m'as relevé. Quand j'ai crié vers toi, tu m'as guéri. Seigneur, tu m'as fait remonter de l'abîme et revivre quand je descendais à la fosse. Vénérez le Seigneur, vous ses fidèles, rendez grâce en rappelant son nom très saint. Avec le soir viennent les larmes, mais au matin, les cris de joie. Et j'ai crié vers toi, Seigneur, j'ai supplié mon Dieu. Tu as changé mon deuil en une espérance que je désespérais recevoir. Que sans fin, Seigneur mon Dieu, je te rende grâce. Amen. » Les autres se sont contentés de répéter ce dernier mot avant d'attaquer leur repas. Moi, j'étais sans voix. Pourquoi...pourquoi le maître remerciait-il le ciel tout à coup ? Pourquoi se disait-il être guéri, pourquoi pensait-il avoir été entendu ? Qu'est-ce qui avait bien pu changer de la veille ? Lui qui demandait prière avant chaque repas par simplement habitude. J'avais pourtant l'impression qu'il avait perdu toute foi, qu'il n'avait plus aucune attente, aucun espoir...

– « Au fait, Win, comment tu t'sens ? » se questionne Bora après quelques minutes. Le maître vient de terminer son repas, il est affalé sur sa chaise, la tête en arrière, à profiter de la chaleur du soleil. Jinyoung est déjà debout, à faire des allers-retours jusqu'à la cuisine avec Bonhwa pour débarrasser. Moi, encore et toujours le dernier, je continue de manger, bien trop affamé.

– « Je vais bien. Merci...pour hier. J'sais pas ce qui s'est passé. » Le fait que j'ai ressenti la douleur de manière aussi intense alors qu'avant je ne l'avais jamais ressenti m'angoisse plus que je ne le voudrais. Et si cela recommençait et si...tout à coup, ma différence disparaissait et si...je commençais à souffrir pour tout le mal que je n'avais jamais ressenti par le passé ?

– « C'est rien, j'pourrai t'faire quelques analyses si tu veux. Faudrait juste que tu m'informes sur tout ce que tu sais te concernant. » avance-t-elle. Je suis reconnaissant que Bora soit aussi attentive quant à ma santé mais j'avoue que cela me rend légèrement mal à l'aise. Je n'ai jamais vraiment aimé les médecins. Avec toutes les analyses que j'ai dû subir quand j'étais plus jeune, je n'ai pas vraiment envie d'en savoir plus.

– « Sicheng, souhaitez-vous jardiner un peu ? Jinyoung va certainement passer sa matinée à nettoyer la cuisine et Jaehwan déteste jardiner. Alors...je me disais que vous pourriez m'aider ? » me propose amicalement Bonhwa. Je jette rapidement un œil au maître pour avoir son approbation.

– « Tu peux y aller. Je vais lire un peu au soleil. » apprend-il sans même que je n'ai le temps de l'interroger. J'affiche un large sourire à Bonhwa avant de m'excuser pour aller prendre une douche. J'ai toujours aimé les fleurs, la nature...alors bien évidement rien ne peut me faire plus plaisir que d'aider Mr Park à jardiner. J'entre dans ma chambre et ouvre la fenêtre pour l'aérer. Lorsque je remarque que les bouts de verre du miroir sont encore au sol, je prends place sur mon lit pour analyser ma plaie. J'ai beau appuyer dessus, je ne ressens rien. Elle semble pourtant assez profonde... Je nettoie mes bêtises et ramasse le livre noir que j'avais la veille jeter contre le mur. Because the world is dark. Parce que le monde est sombre. Pourquoi ce titre ? Est-ce à cause des mensonges que le monde est sombre ? Tout comme dans ce livre, les gens ont des choses à cacher. Chaque être humain va inconsciemment dissimuler une vérité trop honteuse ou la camoufler pour ne pas être jugé. En fonction de l'importance du mensonge, la finalité prévue peut différer. Dans quelle but mentons-nous ? A quelle fin ? Est-ce pour ne pas avoir à assumer nous-mêmes nos actes et nos paroles ? Ou est-ce pour éviter le jugement et la moquerie des autres ? Le mensonge est naturel. Qu'il soit minime ou important, il est toujours prononcé dans le but de se protéger. Ainsi, chaque homme finit par se mentir à lui-même. Nous ne sommes pas toujours conscient des conséquences qui en ressortent pourtant nous nous illusionnons à croire que la vérité ne sera jamais découverte. Qu'est-ce qu'il essayait de me faire comprendre ? Pourquoi ce livre, grand-père ? Je feuillette le bouquin sans vraiment savoir ce que je cherche réellement. Pourtant, j'ai l'impression que ce livre contient la réponse. La réponse à toutes les interrogations que je me pose concernant ma présence ici. J'arrive alors à la dernière page, sur laquelle est tout simplement écrit le mot fin. Je me rends compte que j'ai abîmé le rabat du livre en m'emportant. J'essaye de le recoller mais je suis bien rapidement tenté de faire l'inverse. Je continue de tirer sur le rabat et découvre un mot, écrit à la main, plus précisément à l'encre de chine. Un mot déjà vieilli de quelques années.

En remerciement à l'homme qui m'a sauvé. A celui qui m'a offert ma deuxième vie, un nouvel espoir. A celui qui m'a tendu la main quand la mort m'emportait déjà. A tout l'amour que je lui porterai indéfiniment, à toute l'admiration et tout le respect que je luis dois éternellement. A vous, mon cher maître, à vous qui faite battre mon coeur de nouveau, à votre don, votre bénédiction...

Beside me |sugawinwin|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant