Chapitre 29

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Début juin. La date exacte m'échappait encore. Je n'avais plus aucune notion du temps. Je savais simplement que cela faisait près de trois semaine que la terre ne tournait plus. Je me croyais assez forte pour pouvoir jouer. Sans tomber dans le piège idiot de l'amour. Je m'attendais à tout avec lui, ne m'étonnait de rien et ne voulais pas me laisser avoir. Mais c'était quoi ce trou dans ma poitrine? Quelle conne. Pourquoi a-t-il fallu qu'il se brise pour découvrir que j'ai un coeur capable d'aimer? Plus tu montes haut, plus la chute est dure. Je m'était perdue en lui. Et maintenant je m'en prenais plein la face de sa gueule d'ange. J'avais effleuré sa peau en ayant si peur que sous mes doigts il ne s'effrite. Je le sentais partir doucement, sans pouvoir rien faire. J'aurais aimer l'empêcher de se cacher au loin mais la plus grande preuve d'amour que je pouvais lui donner c'était de lui laisser sa liberté. Mais qu'est ce que tu croyais, hein dis moi? Les gens comme lui ne peuvent pas aimer. Tu croyais vraiment que parce qu'il t'embrassait à tout bout de champs, t'avais réussi à être différente des autres? T'auras beau croire qu'un baiser est fort et passionné, il ne sera rien tant qu'il n'y a pas le coeur. Charlie avait toujours eu raison. Et toi, tu continuais à te convaincre que ça ne pouvait pas être vrai. Que les choses n'étaient pas comme cela. Quelle conne, encore une fois. Ouvre les yeux, merde. Révolte-toi. Mais s'il te plaît, arrête de te droguer. Te droguer d'illusions. Ses bras m'avaient complètement adoptée et je n'arrivais plus à les laisser partir.

J'essayais de réchauffer mes mains autour de la tasse. Le chocolat chaud me brûlait le ventre, à défaut de me réchauffer le coeur. Charlie m'avait amenée au Cardinal, café que j'aimais tant autrefois, et elle me regardait de ses grands yeux. Nous étions presque en été mais j'avais tout le temps froid. Je me laissais aller. Complètement. Un corps ramolli qui ne fait rien d'autre que de survivre à la jungle hostile de la vie. J'étais fatiguée. Je grinçait autant que la porte de ma chambre que je n'arrivais pas à claquer. J'accumulais mes souvenirs pour m'y plonger dedans. Je riais parfois mais rarement. Je riais pour un rien. J'empilais mes devoirs sur mon bureau et n'y touche pas. Je ne voulais plus avoir dix-sept ans. J'écoutais de la musique sans arrêt. Je révisais à peine. Je n'allais plus en cours à vrai dire, puisque je n'arrivais à suivre plus rien. Je passais parfois mes journées devant la télé : je regardais la couche d'ozone s'agrandir, des populations mourir de faim, une politique incompétente et un monde complètement détraqué. Je rêvais de révolution mais m'enfermais dans le conformisme d'une société que je n'arrivais plus à suivre. Je regardais les étoiles en me disant que j'aimerais bien partir chez elles. Seule. Loin. Très loin. Pour oublier. Pour faire le bilan. J'étais à bout. Incapable de faire un seul choix. Un seul pas vers Eliott. Mes rares sourires à Charlie sonnaient faux. Je n'attendais rien. Me fondais dans la masse. J'écoutais les autres pour m'oublier. J'étais une plante fanée parce que son soleil ne brillait plus assez. Je regardais les gens courir autour de moi et je ne bougeais pas. Je comptais le temps qui passe. Le souvenir de son rire me berçait, comme une musique que l'on a un peu oubliée. Je regardais les choses avec mes yeux d'enfants un peu perdu. J'aurais aimé dormir mais enchaînais les nuits sans sommeil. Je parlais pour ne rien dire. Ne pensais même plus aux lendemains. J'avais l'impression qu'il n'y en avait pas. La notion du temps me faisait défaut. Le froid tic-tac de l'horloge assourdissait souvent mes oreilles en refusant d'aller plus vite. Je sentais que mon coeur était détraqué. Je me perdais à cause de lui. Et j'avais cette impression terrible d'être vide. D'un vide intersidéral. Je roulais soudain à contre-sens, le coeur à l'envers et les yeux complètement défoncés.

Il n'y avait pas d'expression assez juste pour décrire cet état dans lequel je me trouvais. Le temps s'était arrêté, voilà tout. Charlie ne pouvait rien y changer. Et tandis qu'elle buvait son café trop sucré, je n'en pouvais plus de soutenir son regard. Charlie a toujours eu les yeux remplis d'espoir, malgré Tom. Avant je m'y plongeais dedans et je n'arrivais plus à en ressortir. A présent, j'avais du mal à la regarder dans les yeux. Ces deux billes noisettes pleines de mystères, qui brillaient si merveilleusement au soleil, qu'on en brûlerait sur place. Elle attendait que je parle mais je ne savais plus quoi lui dire. Elle a finit par briser le silence qui s'étirait.

Tous les chemins mènent à tes yeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant