Aimanté(s) (XXXV)

215 28 93
                                    

J'avais toujours l'impression de ne pas connaître Yoongi, du moins, pas tant que ça. C'était faux ; une simple illusion entretenue par son air inaccessible et ses problèmes de communication.

Bien sûr qu'il me manquait des détails, des habitudes, des pans de sa vie. Je n'avais pas les informations basiques habituelles, comme sa couleur préférée ou s'il aimait les chiens.

Mais nous avions parlé de nombreuses fois seul à seul en rentrant ensemble, j'avais suivi de près sa relation avec Hoseok, nous avions fait sauvagement l'amour une nuit d'été, et nous nous étions embrassé.

Je le connaissais bien. D'une certaine manière, les événements nous poussaient l'un vers l'autre et nous étions devenus proches.

Ça n'avait rien d'une amitié ou d'une histoire de cœur, c'était hors-norme, comme lui, inexplicable.

Absurde.

C'est ce que j'ai pensé en me réveillant chez lui enroulé dans la couette, une partie coincée fermement entre les jambes et, d'après la sensation, une sympathique érection matinale.

Plus loin dans le lit, mes yeux ont fait la mise au point sur lui, allongé, qui scrollait sur son téléphone. Il n'avait pas l'air préoccupé par mon état ni par ma présence. C'est à peine s'il m'a accordé un regard.

Je me suis levé, habillé, et je suis parti. 

Pas de petit-déjeuner ensemble, pas de câlin du matin. Il m'a proposé un café que j'ai refusé et il n'a pas bougé du lit.

Ensuite, je suis allé en vacances chez mes parents. Nous avons fêté dignement Noël et je suis rentré, car Yugyeom m'avait invité pour le Nouvel An. Je devais le rejoindre dans la journée du 31 dans sa maison familiale, où il comptait me présenter à des cousins de notre âge.

En attendant, j'avais trois jours de battement que j'avais choisi de passer chez moi pour réviser la suite des partiels et m'offrir un moment calme. 

J'adorais mes parents, j'adorais Yugyeom, et ce Nouvel An avec sa famille s'annonçait mémorable... mais j'avais fini par apprécier ma solitude, mon indépendance. J'avais besoin de ma bulle.

J'étais donc dans mon studio, attablé devant mes fiches et mon chocolat chaud, de la buée sur les vitres, et je me sentais bien.

Seul.

Auto-suffisant.

C'était une grande réussite.

Le soir, rentrant d'une balade, d'un jogging ou d'un saut à la supérette, je voyais la fenêtre de Yoongi éclairée. Je savais qu'il était là même si je ne l'avais pas recroisé. Nous n'avions pas échangé de messages non plus. 

Vraiment, nous avions une relation inqualifiable. Je savais d'expérience que ce genre de choses ne menait nulle part. J'avais retenu de nombreuses leçons de mon passé avec Eunha, parmi lesquelles celle-ci : il est dangereux de rester dans le flou et de ne pas se coller d'étiquette.

Le Jungkook lycéen aurait roulé des yeux en me traitant de vieux con, mais le Jungkook actuel connaissait son affaire. Je n'étais plus aussi naïf. J'avais appris à me protéger.

Une idée me trottait en tête : je ne savais pas ce que Yoongi avait prévu pour la nouvelle année, ni même s'il avait quelqu'un avec qui célébrer les fêtes. Qu'avait-il fait pour Noël ? Était-ce un jour comme un autre, qu'il avait passé seul devant la télé ? Allait-il se perdre dans une quelconque soirée de Nouvel An, se mêler à la foule d'un club bondé et, une fois ivre, rentrer chez une inconnue ? 

 J'hésitais à lui écrire un mot, peut-être juste une phrase simple au dos d'une jolie carte de vœux. Je n'aurais qu'à la glisser dans sa boîte aux lettres.

Quand la nuit tombeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant