Me voilà à nouveau en train de déambuler dans les couloirs, l'air de rien, si ce n'était d'être perdu.
Pour ceux qui se demandent ; oui, j'ai signé. Une petite rature en guise de signature sur le document qu'il m'a tendu et je me suis engagé à ses côtés. La surprise était telle que je n'avais aucune idée concrète des limites du poste que j'allais occuper. Ce n'était matière à débattre. Cependant, lorsque Augustin m'a proposé, ou plutôt m'a mis le stylo dans la main, j'ai eu le temps de lire que le premier paragraphe. Il faut dire que cela m'avait convaincu. Sans entrer dans les détails – parce que je ne me souviens pas, c'est une association qui mettait en avant les projets des étudiants tournés vers l'écologie, avec pour slogan « Passer d'une idée verte à du concret ». C'était là aussi un point qui méritait débat, au même titre que mon implication. Puis, quoi de mieux que supporter des actions positives, on dit qu'on récolte ce que l'on sème, alors j'essayais de semer de bonnes graines.
La conseillère était indirectement du même avis. Après une longue série de questions réponses sur mes attentes et mes ambitions, le sujet de mon intégration était venu sur la table. Et comme m'avait soufflé le barbu du couloir, tout nouvel étudiant devait rejoindre un club ou une association les trois premiers mois. Les propositions que la femme m'avait faites n'étaient pas glorieuses ; entre un club de bridge, un de football ou le bureau des élèves, j'avais finalement bonne conscience à propos de ma signature à la hâte.
En y repensant, c'était assez étrange que l'association d'Augustin ne fît pas partie des propositions de la conseillère. Electronicals... Avec un nom pareil, il y avait de grandes chances que ma décision finale ait été la même.
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Comme chaque année, j'appréhendais la reprise des cours. Le moment crucial où tous débarquent dans la salle à la recherche de leurs places m'incommodait. Comme si aucune chaise n'était faite pour moi, je ne savais jamais où me mettre. Le mal être est une chose bien vicieuse, qui s'installe sinueusement dans ta tête jusqu'à ce qu'elle se mêle à tes pensées et que tu ne parviennes plus à les différencier.
Les sentiments me font penser à des symboles en mathématiques ; le négatif transforme toute positivité en négatif. À part quand une paire de négatif se succède, une double peine qui pousse difficilement vers un avenir plus radieux. Un processus où l'on touche le fond ; le réconfort prime sur les autres images à l'évocation du toucher, comme une caresse affectueuse. Puis, s'ajoute ce fond intraitable, et toute la délicatesse s'effondre. Une fois cette limite franchie, on peut espérer remonter, s'aider du fond pour prendre appui et pousser de toutes ses forces pour rejoindre la surface. La vie, du moins l'état mental qu'on traine tous, se résume métaphoriquement à survivre dans une piscine.
— Tu as l'air perdu, l'es-tu ? m'aborda un étudiant relativement petit qui passait par là.
— Mon nom à moi, c'est salade, répondis-je du tac au tac.
L'étudiant s'arrêta à mon niveau et s'esclaffa. Sa chevelure rousse s'agitait à chaque mouvement de sa tête, touffue comme les poils d'une brosse. Ce n'était pas la blague du siècle non plus, mais ça semblait l'avoir convaincu.
— Eren, c'est ça ? C'est notre directeur d'étude qui m'envoie, et comme s'il lisait dans mes pensées, il ajouta : et tu es le seul que j'ai croisé dans les couloirs, tout le reste est déjà en salle pour la pré-rentrée.
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Nous voilà en cours, tristement ce moment redouté devait arriver. Et je vous épargne les détails de mon entrée aux côtés de Sacha, le garçon qui m'a accompagné jusque dans l'amphithéâtre. Tous les élèves se sont retournés au bruit de la porte, même le professeur a interrompu son discours pour nous dire d'aller rapidement nous asseoir, au premier rang bien sûr. Bavarder à cette place relève d'un niveau de discrétion élaborée, qui demande beaucoup de ressources et de stratégies pour ne pas se faire prendre. La tête lourde comme du plomb, j'avais vissé ma tête vers le vieil homme qui se tenait difficilement derrière son pupitre. Notre fameux directeur d'étude nous faisait un discours des plus communs sur la reprise des cours, les règles à suivre, les cours à venir, l'attitude à adopter... Sa bouche desséchée mâchait la fin des mots, sûrement pressé de finir la papote habituelle pour entamer sa matière. A sa tête, c'était soit physique-chimie, soit les maths – on ne se trompe jamais avec l'apparence des professeurs de science.
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Electronicals
RomanceSuivez les aventures rocambolesques d'un jeune étudiant, Eren, qui va découvrir le monde après le lycée, bien plus attractif et nocif qu'il n'imaginait. Sa naïveté le sauvera-t'il des griffes d'Augustin, ce jeune homme aux intentions suspectes, sa...