Chapitre VII : Vers l'inconnu

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Le lendemain matin, des pigeons eurent l'amabilité de me rendre visite lors de ma toilette, profitant de la fenêtre laissée ouverte pour visiter l'intérieur et, quitte à repartir comme des voyous, avaient pris le temps de picorer mon bol de céréales jusqu'à la dernière graine. J'avais connu mieux comme matinée, bien que j'en riais en racontant ça à Sacha et Jehaï plus tard. A cet instant, mon moral n'était pas au beau fixe, à l'image de cette horloge chez moi, je marchais de travers. Après une nuit peu reposante, je patinais pour trouver mon courage.

Ce même matin, mon voisin de route, celui qui partageait la même avenue et m'avait proposé de partager la même voiture, m'attendait en bas de l'immeuble. Je rehaussai mon pantalon trop grand et vins le sceller à ma taille avec une ceinture noire et délavée par usure. Sans regarder les aiguilles près de l'entrée, je me savais dans les temps. Mes parents m'avaient offert cette horloge en bois de sapin, le jour de mon aménagement. Ce n'était pas le meilleur cadeau qu'on se le dise, pourquoi pas un mini-four, un canapé, mais chacun à sa façon de souhaiter bonne chance. L'histoire ne s'arrêtait pas là, lorsque j'avais essayé de l'accrocher sur le mur à l'aide d'un clou, je n'avais pas le matériel nécessaire. Ma force et le dos d'une tasse eurent raison du placo où s'était enfoncé le clou. Le support ne tenait qu'à moitié. Ce qui expliquait la présence d'un rondin de bois penché, muni d'aiguilles tournantes dans mon salon.

Un rapide coup d'œil par la fenêtre m'informait que la journée serait radieuse, tant mieux pour mes bras découverts. Toutes mes vestes étaient à laver. Alors que j'imaginais avoir fini mes objectifs matinaux, deux yeux perçants me ciblèrent du haut du frigo, suivis d'un délicat rugissement. Une touffe noire venait de se réveiller et réclamait déjà son casse-croûte. Dans un des nombreux placards, je dénichai une boîte de raviolis, puis en versai le contenu dans l'assiette à terre qui lui était destiné. La créature se jeta d'un geste habile et maitrisé sur le parquet, une légère accélération et il engloutissait son repas. Que serait devenu ce jeune chat si je n'avais pas jeté mes poubelles dans la ruelle derrière mon immeuble ce jour-là... Je ne préférais pas y penser, à ce jour il vivait sous mon toit et c'était très bien comme ça

Le premier soir où j'hébergeais ce félin sans abri, je n'avais aucun paquet de croquettes. Comment savoir ce qui pouvait être bon pour lui de manger. Cependant, après m'être absenté quelques secondes, il s'était mis à dévorer les raviolis que j'avais réchauffé. Depuis ce jour, il refusait de se nourrir d'autre chose... D'où son nom qui manquait cruellement d'originalité : Ravi.

— Bonne journée, lançai-je à travers l'appartement, en refermant la porte derrière moi.

Cent douze marches plus tard, j'enfilai ma veste en jean et finis de nouer mes lacets. Ma montre à deux-sous m'indiquait l'heure fatale, celle que Bran m'a donné hier. Ce dernier m'attendait dans sa Citroën sur le bas-côté de la route. Je poussai le portique de l'entrée et sautai pour atterrir sur l'avenue pavé. Le moteur de la voiture ruminait autant que l'impatience du châtain qui la conduisait, j'étais quasiment dans les temps. Je m'installai sur le siège passager en le saluant, puis attendis sa réponse. Tenez, la voilà.

— Deux minutes de retard, me sermonna faussement Bran.

— Ah mais, répondis-je incrédule, c'est pas de ma faute, c'était Ravi...

— Ravi, me questionna-t-il, j'ai l'air ravi pour toi ?

— Mais non, je voulais dire...

Mon murmure s'éteignit, Bran venait de me pincer la joue d'un geste taquin.

— Pas besoin de me faire cette tête-là, s'amusa Bran, je rigolais Eren.

Me voilà rassuré, si on peut dire. Dans un crissement de pneu, nous nous engagions sur la route direction le bahut. Le manque de sommeil certain qui pesait sur mes paupières eut raison de moi. Après quelques virages, je m'assoupis la joue collée à la vitre.

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