Reagan White

Chapitre 5

Mon footing quotidien, − que j'avais délaissé depuis une grosse semaine à cause des problèmes en gestion − me procure un bien fou aujourd'hui. C'est réellement thérapeuthique. Par chance, c'est une journée ventée. Je suis obligée de me dépasser pour courir face au vent. Mes cheveux volent dans tous les sens malgré le fait qu'ils soient relevés en queue de cheval. Je sens l'air s'immiscer dans tout mon corps, passant à travers mes vêtements. Je me sens vivante. Et cela se confirme quand j'arrive au coin du petit-déjeuner avec un quart d'heure d'avance. J'ai fait mon tour habituel plus rapidement. Il m'ait poussée des ailes dans la nuit !

Courir m'a permise de me vider la tête, d'y voir plus clair, de finir le tri opéré pendant quasiment toute la nuit. Je ne dois pas avoir dormi plus de deux heures. L'étape finale avant de me décider est de sonder discrètement mes frères. Je ne veux pas que trop de monde soit au courant de ma nouvelle mission. Une espionne qui parle de son métier à tout le monde ce n'est pas l'idéal, n'est- ce pas ? Je ne vais donc pas leur dire explicitement mais j'aimerais qu'ils répondent à quelques unes de mes questions.
                                      ***
Un quart d'heure plus tard, nous sommes tous les quatre attablés devant notre petit-déjeuner, plus maigre que d'habitude. Merci la crise alimentaire. Encore un élément qui fait peser la balance du côté « contre » pour cette offre d'emploi. Je ne peux pas me permettre d'abandonner l'équipe gestion en ces temps difficiles. Je ne peux pas non plus me permettre d'abandonner mes proches, ils vont vivre un moment compliqué, je ne veux pas être loin d'eux. Mais... Mais. Cette conjonction de coordination est un handicap. Un frein à ma décision. Elle revient toujours pour me faire douter, me rappeler qu'il y a une autre façon de voir les choses. Plus ce mot revient, plus je doute. Mais plus je doute, plus l'heure de me décider se rapproche.

— Allô ? Reagan, on te parle !

Je me tourne subitement vers Jase.

— Désolée, j'étais...

— Perdue dans tes pensées, finit Ivy. On a vu ça.

Elle me lance un petit sourire indulgent. Elle est la seule à savoir pour ce job. Elle est consciente de ce qui se passe dans ma tête. Je ne regrette pas de lui avoir dit, je ne sais pas ce que j'aurais fait si je n'en avais parlé à personne. Je serais devenue folle à force de penser.

— Vous disiez ?

Mes frères reprennent leur histoire depuis le début et finisse par me demander mon avis. Je suis, cette fois-ci, capable de leur répondre puisque j'ai mis sur pause mon cerveau deux minutes pour me concentrer sur eux. Les deux uniques minutes de ma journée où je n'ai pas pensé à ce job.

Nous avons fini notre petit-déjeuner rapidement mais nous avons continué à discuter en repoussant l'heure d'aller travailler au plus tard possible. Ian s'apprête à rejoindre l'équipe des ingénieurs pour commencer à travailler quand je l'arrête.

— Attends ! Je peux te poser une question ? À toi et à Jase ?

Jase se tourne soudain vers moi, se demandant ce que je veux leur dire.

— Si jamais l'équipe de gestion devait partir en mission pendant une durée indéterminée loin du camp, ça vous dérangerait que j'y participe ?

— L'équipe de gestion, répète Jase ? Mais enfin Reagan, c'est mon équipe qui se charge de ce genre de mission. L'équipe d'expéditions.

— Peu importe. Répondez-moi. C'est... important.

— Je ne sais pas... Pourquoi ? L'équipe de gestion a vraiment prévu une mission ?

— Non ! Je dis ça... comme ça.