Chapitre 7

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Après le dîner, je suis de retour dans ma tente. Je délaisse ma lourde tenue du quotidien pour ma tunique légère. C'est en me déshabillant que je remarque quelque chose. J'ai perdu du poids. Nous ne mangeons plus vraiment selon nos besoins depuis la crise alimentaire. Je mange moins et je bouge plus avec la mission à préparer. Je ne m'inquiète pas pour moi, j'ai quelques réserves. Je suis mince mais je peux perdre du poids sans avoir de souci de santé.

Malheureusement, ce n'est pas le cas de tout le monde sur le camp. Constater cela sur moi me fait peur pour d'autres personnes. Il y a des équipes d'expédition qui doivent être au top physiquement, qui s'entraînent énormément. Mais s'ils n'ont pas assez d'apport calorique, leur performance va être sérieusement diminué. Et ce n'est pas le pire ! Certains jeunes sont très minces voire maigres sur ce camp. Ils n'ont pas de réserves comme moi et une diminution de leur apport calorique journalier pourrait sérieusement leur causer du tort.

Sous le coup de la peur, je renfile une tenue plus chaude et me dirige vers la tente de l'équipe de gestion. Je n'en fais plus partie mais je voudrais donner mon avis. J'ai été formée à la gestion et peut-être que je peux leur donner un point de vue intéressant. Je préfère dire quelque chose qu'ils savent déjà plutôt que de me taire au cas où.
***
J'entre dans la tente. À cette heure-ci, il ne reste plus que mon ancienne responsable. Tous les autres doivent probablement être de retour dans leur tente pour se préparer à dormir.

— Bianca Gopez ! Je peux vous parler ?

Elle a l'air surprise de me voir. Pas étonnant, j'ai été affectée à une autre fonction, il y a une semaine. Je n'ai rien à faire ici, encore moins à cette heure.

— Euh... oui... Qu'est-ce qu'il se passe ?

— Je sais que c'est très compliqué et ça doit, d'ailleurs, être encore plus difficile pour vous depuis que je suis partie. La situation ne va pas en s'arrangeant. J'ai remarqué, comme tous, que les rations sont réduites. Pourtant, nos entraînements quotidiens continuent. J'ai perdu du poids mais je ne viens pas pour parler de moi.

Je prends une grande inspiration avant de poursuivre :

— Certaines personnes ici pourraient être gravement affaiblis par ce manque de nourriture. Je sais qu'on n'y peut pas grand chose et qu'on doit baisser la quantité pour ne pas nous retrouver sans rien du jour au lendemain, mais...

— Mais ?

— Mais je pense qu'il faudrait privilégier les personnes à risque. Donner plus aux personnes en sous- poids. Plutôt que de mettre tout le monde sur le même pied d'égalité.

— Nous n'y avons pas encore réfléchi mais il est vrai que ce n'est pas le moment d'avoir une charge de travail supplémentaire pour les médecins. Tu as raison, c'est très juste. Merci d'être passée pour me dire ça.

— Je vous en prie. J'y ai pensé et je voulais absolument vous le dire avant...

J'hésite. Non, je ne peux pas parler de ça. Avant que je me reprenne, mon ancienne responsable déclare :

— Avant ta mission, n'est-ce pas ? Ne te fais pas de souci, le chef m'a mis au courant de la raison pour laquelle tu avais soudainement démissionné. Cette offre est vraiment exceptionnelle. Tu peux faire de grandes choses avec cela. Ça ne m'étonne pas qu'il t'ait choisi. Quand tu faisais encore partie de l'équipe, tu as toujours accompli un travail irréprochable et approfondi. Tu ne te reposes jamais sur tes acquis. C'est une très belle qualité.

Je suis touchée de son discours. Nous avions une relation purement professionnelle, nous ne papotions pas d'autre chose que du travail, c'est donc une super surprise d'entendre ça de sa bouche. Je lui offre mon plus grand sourire.

Reagan WhiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant