Chapitre 39 - Anna

40 9 4
                                    

De : dellysjuliette@yahoo.fr

À : anna.dellys@gmail.com

Objet : Des nouvelles !

Coucou p'tite sœur ! Comment tu vas ?

Je vais très bien, le voyage au Canada était vraiment génial ! Je m'excuse pour le retard de la réponse et je m'excuse aussi qu'elle soit courte, mais je n'ai que très peu de temps pour moi. Je pars dans moins d'une heure pour Buenos Aires, pour une semaine et demie.

J'y vais pour un stage de découverte à la production de Disney Argentina. J'ai hâte de rentrer à la maison pour te raconter ! On essayera de se faire une vidéo conférence aussi avant que je rentre, promis !

En ce qui concerne tes questions... Maman m'avait parlé de quelque chose il y a quelques années de cela. Je ne suis pas en mesure de te dire quoi que ce soit... c'est assez flou.

Passe le bonjour à papa et maman !

Allez, gros bisous !

À très vite.

Ta sœur qui t'aime.


Je suis devant l'écran de mon ordinateur depuis cinq bonnes minutes. Je ne sais pas quoi lui répondre. Qu'est-ce que ça veut dire ce « je ne suis pas en mesure de te dire quoi que ce soit » ? Je ne comprends pas du tout, j'arrive à peine à assimiler ce qu'elle m'a écrit.

Déjà, un stage en Argentine ? Mais quelle chance ! Je suis réellement contente pour elle. Juliette a énormément travaillé pour obtenir une place à l'Université de Los Angeles. Je n'imagine pas comment elle a dû bosser comme une folle pour obtenir ce stage. Elle le mérite, c'est sûr !

Je relis encore et encore son mail, à la recherche d'indices à propos de ma mère, mais je n'arrive toujours pas à saisir ce qu'elle veut dire par « c'est assez flou ». Qu'est-ce qui est flou ? On dirait qu'elle sait quelque chose mais qu'elle ne veut pas me le dire. Je n'en reviens pas que ma mère lui ait effectivement dit quelque chose à propos de ça. J'aimerais tant qu'elle me parle. J'hésite à faire le premier pas, mais notre relation est tellement tendue depuis plusieurs mois que je n'arrive pas à me résigner à lui faire face pour lui poser ce genre de questions. J'ai soudain peur que ce soit grave, mais je pense que si ça l'était elle me l'aurait dit quand même, que ce soit ma mère ou ma sœur, elles ne m'auraient pas laissé à l'écart de tout ça quand même, si ?

Je rédige une rapide réponse à Juliette et j'appelle James pour lui raconter. Il essaie de me rassurer mais je ne suis pas certaine qu'il y arrive vraiment. Malgré tout, je l'écoute et je prends sur moi pour ne pas paniquer. Il doit bien y avoir des explications. Je me répète cette dernière phrases en boucle dans ma tête et Jay me change les idées en me parlant des cours et de musique.


Après mon appel avec Jay, je descends dans le salon, à la recherche de mon père pour savoir ce qu'on mange ce midi. J'en profite pour aller dans le bureau de ma mère et la prévenir qu'on va faire à manger, mais je trouve la pièce vide.

– Elle est où maman ? je demande à mon père qui justement passe devant moi.

– Elle est partie très tôt ce matin, vers six heures et demi je crois.

– Et pourquoi ? Enfin pour faire quoi ?

J'avoue que ça commence vraiment à m'inquiéter tout ça et j'ai de plus en plus de mal à garder mon sang froid par rapport à cette histoire. J'aimerais qu'elle me le dise avant de disparaître ainsi !

– Elle a une formation dans la capitale. Elle y est allée en voiture, c'est pour ça qu'elle est partie tôt, me répond-il avec une voix las.

– Depuis quand elle fait des formations ?

Je suis carrément étonnée que ma mère soit partie en formation, elle qui est totalement contre toute réforme et contre le fait de s'absenter pendant ses heures de cours à la fac.

– Je ne sais pas, soupire-t-il.

J'hésite à poser la question, mais je me demande si elle n'a pas menti. Ça ne lui ressemble pas du tout de partir comme ça, et en plus elle n'en a jamais parlé. Pourtant, une formation ne s'organise pas à la dernière minute.

– Tu penses que c'est la vérité, papa ? j'ose demander.

– Anna... je ne sais plus quoi penser. On ne se parle pas beaucoup, j'ai à peine réussi à savoir qu'elle allait à une formation. Elle ne m'a rien dit d'autre.

L'ambiance de la pièce se charge de questions sans réponses. Je ne continue pas à lui en parler, je vois bien que le comportement de ma mère lui fait mal. Et ça me fait mal à moi aussi, de le savoir triste et impuissant face à cette situation.


On mange en silence, ce qui ne nous ressemble pas à mon père et moi. D'habitude, je ne fais que parler ou bien c'est lui. D'habitude, l'ambiance est joyeuse entre nous. Je tente de le détendre un peu en lui demandant si nous allons toujours courir ensemble ce dimanche et ça semble fonctionner puisque nous entamons une discussion tous les deux. Je le sors de sa léthargie, il était dans ses pensées, mais j'imagine que c'est beaucoup mieux que nous parlions plutôt qu'il continue de se poser mille questions à propos de sa femme.


***


J'envoie des photos de moi à Jay et de Mint aussi, il me répond par des seflies tous aussi amusants les uns que les autres. Nous faisons ça pendant plusieurs heures, jusqu'à ce que je sois vraiment fatiguée. On s'envoie énormément de messages et je sens qu'il est d'humeur plutôt morose aujourd'hui, ça se ressent dans ce qu'il écrit mais aussi sur ses photos, il se donne un genre amusant, mais dans ses yeux je peux y voir son désespoir.

Je souhaiterais tellement qu'il s'ouvre enfin à moi, qu'il se confie sur ce qui lui pèse tant. J'ai appris à déceler chez lui les moments où il est comme déconnecté de la réalité. Parfois, il a le regard tellement vide que ça m'en ferait presque peur. Parfois, il a l'air si dévasté par de tout petits détails, j'aimerais comprendre. J'aimerais le comprendre.

On n'oublie pas [Publié en auto-édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant