Chapitre XXXX

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Peut-être Geralt entendit-il les paroles du vampire ou revint-il simplement à la réalité. Toujours est-il que tôt le lendemain matin de la conversation de Regis avec Fringilla, le sorceleur et Umbra revinrent de mission totalement exaltés. Ils avaient des nouvelles concernant Ciri !

« Umbra a entendu une conversation qui parlait d'un sorcier retenant une jeune fille aux cheveux étrangement blancs, expliqua rapidement l'homme aux yeux dorés tandis que tout le monde le regardait d'un air concentré.

-Le sorcier s'appelle Vilgefortz, intervint un instant la sorceleuse qui se trouvait à côté de son ami, et il se trouve au château de Stygga à Ebbing.

-La gamine aux cheveux blancs doit être Ciri, enchaîna Geralt en tournant le regard vers la jeune femme à côté de lui, nous devons nous dépêcher d'aller là-bas avant qu'il ne tente quoi que ce soit sur elle.

-Cela signifie-t-il que nous repartons à l'aventure mon ami ?l'interrogea faussement Regis en un demi-sourire.

-Oh que oui nous repartons à l'aventure, sourit à peine le sorceleur d'un air moqueur, et pour encore longtemps. »

Le sorceleur ayant fait appel à toute la troupe pour repartir de Toussaint, les craintes d'Angoulême quant au fait qu'elle soit obligée de rester au duché s'éteignirent donc aussitôt. Peut-être avait-il oublié ou tout simplement avait-il compris que même en essayant de la laisser, elle les suivrait tout de même. Toujours est-il qu'elle pouvait continuer à rechercher Ciri avec le groupe. Elle descendit donc aux écuries avec une énergie nouvelle. Milva la regarda passer en trottinant et l'archère sourit. Cela faisait longtemps.

Jaskier resterait ici pour le bien de tous et surtout le sien. Toute la troupe savait qu'il y avait un risque pour qu'aucun ne revienne de cette échauffourée au château de Stygga. Et Jaskier n'était pas un homme de guerre. Il risquait encore plus de se faire tuer. Il valait donc mieux qu'il reste auprès d'Anna Henrietta. D'autant que celle-ci ne semblait décidément pas prête à le laisser s'en aller. Il était présent à chaque banquet organisé pour y jouer ses belles musiques et chansons qui sonnaient si douces à l'oreille de la duchesse. Et la cour l'avait déjà adopté comme étant "Le troubadour le plus talentueux de ce siècle".

Umbra était rassurée de voir que son ami s'était enfin réveillé de son espèce de "transe" vis à vis de Fringilla. Elle craignait que la sorcière lui ait jeté un sort ou quelque chose de ce genre. Bien qu'un sorceleur sente ce genre de choses, un maléfice bien lancé pouvait être quasi indétectable. Enfin...Tout était bien qui finissait bien. Ou presque. Elle espérait simplement que le plus gros de la troupe s'en sortirait lorsqu'ils auraient à affronter Vilgefortz. Le sorcier était réputé pour sa puissance magique. Il ne serait pas aisé de le vaincre. Peut-être même se retrouveraient-ils dans l'impossibilité de le tuer et devraient-ils s'enfuir avec Ciri.

En regardant la carte, ils se rendirent compte qu'ils avaient beaucoup de cols à passer avant d'arriver à la forteresse de Stygga. Ils n'allaient pas ménager leurs chevaux...Peut-être devraient-ils même les abandonner en cours de chemin.

Après avoir prévenu Anna Henrietta de leur départ assez soudain et avoir préparé quelques vivres pour le reste du voyage, ils repartirent donc sur la route pavée menant au départ de la chaîne de montagnes. Tous se mirent à espérer pour que le plus gros de la neige ait déjà fondu. Car si ça n'était pas le cas, ils allaient mettre encore plus de temps à traverser les goulets d'étrangement entre chaque col. Les chemins ne seraient peut-être même pas dégager pour certains. S'il fallait faire demi-tour à un moment, ce serait vraiment la pire des choses qu'il puisse leur arriver. Quoi que...

Il y avait une chose à laquelle personne n'avait pensé. Ou plutôt, une chose à laquelle personne n'avait voulu penser. La météo. Car oui, la météo en montagne est très changeante. Par expérience, tous savaient que l'on pouvait passer d'un soleil éclatant aux tempêtes les plus terribles. Et c'est malheureusement ce qui arriva à nos six amis. La bise qui fendait l'air se mua lentement en un blizzard tourbillonnant.

Avancer sur un chemin enneigé lorsque le vent est contre vous était sûrement la chose la plus dure à faire vu la situation dans laquelle se trouvait la compagnie de nos deux sorceleurs. Bien que de constitutions assez musclés, les deux semblaient visiblement peiner à marcher dans le mètre de neige qui encombrait toute la longueur du chemin. Cahir aidait Angoulême du mieux qu'il pouvait. Milva se battait comme une lionne pour avancer le plus vite qu'elle pouvait. Le seul qui s'en sortait le mieux était Regis. Le vampire semblait plus léger que toute la compagnie réunie et ne s'enfonçait, de ce fait, que très peu dans la poudreuse.

Plusieurs heures plus tard, alors qu'ils allaient traverser le col du Malheur, Angoulême vit une chose qui l'intrigua. Bien qu'épuisée par les heures de marche qu'elle venait de faire, elle remarqua des traces sur le chemin. Sa voix ne portant plus, car trop affaiblie pour être entendue, se fut Cahir qui appela les autres pour qu'ils viennent observer ces curieuses traces venant de nul part.

« Ce sont des traces de chevaux non ?questionna Angoulême en frissonnant un peu de froid.

-En effet, confirma Milva en s'accroupissant devant les traces, mais le fait qu'elles ne démarrent seulement ici est vraiment très étrange. »

Le groupe se mit donc à suivre les traces en quittant de ce fait le chemin qu'ils avaient emprunté jusqu'à maintenant. Ces dernières s'arrêtèrent pourtant de manière inexplicable. Le groupe conclut à une chute d'un animal perdu vu le dénivelé. Un voyageur avait du abandonner son cheval pour une raison qu'ils ignoraient et la bête, livrée à elle-même, avait marché au hasard jusqu'à tomber de la montagne.

La troupe ignorait à ce moment là qu'il s'agissait en fait des traces de Ciri qui, quelques jours plus tôt, était passée par ici pour secourir Yennefer. Cette dernière était en effet gardée prisonnière par Vilgefortz. Mais ça, nos amis l'ignoraient encore à ce moment là. Et ils ignoraient encore plus que la sorcière espérait qu'ils ne viendraient pas la retrouver. Vilgefortz était beaucoup trop puissant pour être vaincu. Tout ce dont nos six acolytes étaient certains, c'est que Ciri avait besoin d'eux. Et qu'elle était au château de Stygga.

Le voyage dura excessivement plus longtemps que ce qu'ils avaient prévu au départ. Plusieurs mois s'écoulèrent avant qu'ils n'arrivent enfin à la place forte du sorcier. Entre temps, Angoulême avait failli perdre quelques orteils à cause du froid et Milva avait failli tomber dans le vide en voulant partir en exploration dans le brouillard. Quant à Geralt, il commençait à désespérer d'arriver de l'autre côté de la chaîne de montagnes. Ce voyage mettait beaucoup trop de temps à son goût...Umbra restait toujours à côté de lui pour le tenir à l'œil. Elle le voyait tout à fait les renvoyer à Toussaint pour repartir ensuite tout seul à Stygga. A part quelques engelures, Cahir s'en sortait plutôt bien et Regis avait simplement des raideurs dans ces muscles. En voulant faire une pointe d'humour, il parla de ces "vieux muscles de plusieurs siècles", mais Geralt le foudroya du regard. Il n'était pas d'humeur à plaisanter avec un monstre...

Une fois arrivés devant le bastion de Vilgefortz, les six compagnons s'arrêtèrent de marcher. Sans se concerter, ils se regardèrent tous. Ils avaient atteint la fin du voyage. Ils étaient parvenu à leur but. Ils savaient ce qui les attendaient. Chacun savait qu'il ne s'en sortirait pas nécessairement. Mais tous étaient prêts à donner leur vie pour ce en quoi ils croyaient depuis le début de cette aventure. Sauver Ciri.

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