2. mommy

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Sortie du bus, je regarde l'écran de mon téléphone. 22h33 et ma mère ne m'a toujours pas appelée. C'est véritablement une première, elle est du genre à m'harceler d'appels dès que je rentre après 18h30. Mais, aujourd'hui, ma mère a décidé d'enfin me lâcher les baskets – sans vouloir te vexer, maman. –  Je m'avance doucement vers l'appartement que je partage seule avec ma mère depuis la mort de mon père. Les mains dans les poches de ma veste, je me contente de savourer le peu de liberté qu'il me reste. Je marche jusqu'à arriver devant le hall des boîtes aux lettres, je soupire et m'engouffre dans l'immeuble tout en appréhendant l'interrogatoire de ma chère maman.

-        Coucou, mon bébé. Tu rentres tard, ce soir. Je me suis fait vraiment du souci. Tu as mangé ? Tu n'as pas chaud comme ça ? Tu n'as pas eu du mal à trouver un bus ? Tu ne voudrais pas faire de nouvelles tresses ? J'ai fait des lasagnes, tu en veux ?

-        Maman, maman, je viens à peine de rentrer et tu es littéralement en train de me bombarder de questions – qui n'ont aucun rapport direct entre elles. Je suis épuisée, affamée et je voudrais aussi respirer. Et ouais, je veux bien des lasagnes. Maman, aussi, je voulais te dire un truc à propos de l'appartement, dis-je en m'avançant vers la table.

-        Ah, oui, l'appartement. Tu l'as trouvé, au final ?

-        Non, pas encore, me plaignis-je en enlevant ma veste et en m'asseyant devant le plat.

-        Super, dit ma mère en souriant.

-        Tu veux vraiment pas que je quitte la maison familiale, c'est ça ? lui dis-je en me prenant une énorme part de lasagne.

-        Écoute, mon cœur, depuis que ton père nous a quittés, j'ai peur qu'il t'arrive quelque chose. Nous vivons dans un monde violent, et je...enfin, je ne veux pas qu'il t'arrive malheur. Je t'aime tellement, mon bébé. J'ai déjà perdu un mari et pour rien au monde je perdrais mon seul enfant. Tu comprends ? Je sais bien que tu es une grande fille mais je pense que tu devrais marcher avant de courir. Je te connais bien, Shayna, tu es têtue comme une mule. Je parie que tu as une autre idée en tête, pas vrai ?

-        Ouais. En fait, je me disais que je pourrais avant d'acheter mon appartement, vivre en coloc avec d'autres jeunes.

-        Avec Abigail et Samantha ?

-        Non, impossible. Abigail vit trop loin de mon université et est un peu trop impudique et Samantha vit chez sa grand-mère malade même si j'ai l'impression qu'elle fait partie d'une secte donc on peut définitivement pas cohabiter ensemble.

-        Avec qui tu comptes vivre alors ? continue ma mère en haussant les sourcils.

-        Avec des gens de mon université de préférence et pas loin de mon campus.

-        Bon, on verra bien. Finis de manger, ok ? Je dois travailler de nuit ce soir, on a eu plusieurs accidentés de la route aujourd'hui. Je suis désolée, mon cœur, je ne vais donc pas dormir à la maison. Verrouille bien la porte derrière moi. Bonne nuit et à demain.

-        Ouais, à demain, maman. Mais juste pour te prévenir demain je compte sortir donc on se verra probablement pas.

-        D'accord chérie, rétorque-t-elle, mais ne rentre pas trop tard, ok ?

-        Oui Maman, allez va sauver des vies, bye.

      Je la suis, elle me prend dans les bras, sors et je ferme la porte à double tour. Si je quitte le cocon familial, ma mère va beaucoup me manquer, c'est sûr. Je me retourne et comme toujours, je constate que je suis seule. Fille unique et sans père. La totale quoi. Mais bon, je m'estime heureuse d'avoir ma mère avec moi. Je me contente de finir ma lasagne en silence et de regarder Elite sur Netflix dans le salon. Quand je regarde ma vie, elle n'est pas aussi top et trépidante que celle des personnages d'Elite.

      Parce que je suis Shayna Dixon, 18 ans, jeune afro-américaine qui vit toujours chez sa mère, qui a deux meilleures amies, qui sera bientôt sans emploi et qui va commencer la fac dans moins de 48 heures. Comme c'est super.

us. [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant