Alors que les premiers rayons de l'Hélios (Ξ) commençaient à s'élever au-dessus des montagnes alpines où il avait trouvé refuge depuis plusieurs jours, Daímôn ne cessait de ressasser tous les récents événements qui s'étaient écoulés ce dernier mois durant. Chaque souvenir lui était comme un précieux don, dont il ne voulait jamais plus se séparer. Il s'était fait la promesse, cette nuit, de prendre plus de temps afin de retracer le fil de sa vie depuis que l'Éveil avait eu lieu.
Par tous les dieux ! ne pouvait-il s'empêcher de penser en ce faisant.
Lui qui s'était toujours considéré comme le plus banal des mortels, pauvre, mendiant pour quelques bouchées ou quelques pièces dans la rue auprès des comparses qui composaient le petit bourg perdu au milieu des bois... Lui le va-nu-pieds, autant considéré que peut l'être un esclave affamé et malade, voilà qu'en réalité, il n'était rien de moins que l'un des tout premiers êtres ayant foulé le schéma qu'était aujourd'hui devenu le monde que tous connaissaient, et dont personne ne parvenait à expliquer précisément la création : un fils de Kháos !
Comment était né le monde, quel était le véritable récit de la Cosmogonie ? Kháos n'était qu'un amas de ténèbres, un vide sans fond dans lequel ne vivait... rien. Et tout émergea : la Terre, les Abîmes, l'Unification, la Nuit et les Ténèbres. Enfin... lui. Enfantements après enfantements, unions après unions, les protagonistes de l'univers né des entrailles du Vide avaient façonné un monde pérenne, ne se disputant dès lors non pas ses richesses, mais sa souveraineté. Les rois s'étaient affrontés, de père en fils. Les aïeuls avaient gardé rancune envers leurs plus lointains descendants... La paix ne régnait pas. Et règnerait-elle un jour ? Le monde n'était-il que cela finalement : une pièce que chacun voulait pour soi et refusait de se partager ? Que penserait Kháos en voyant tout cela ?
Daímôn ne gardait strictement aucun souvenir de lui, ni même ses plus proches parents, et encore moins les générations futures. Kháos semblait s'être endormi dès l'instant où les six premiers êtres, ainsi que la multitude de Dragons Primordiaux qu'il avait remis entre les mains de son dernier-né, étaient venus au monde. Avait-il tant confiance que cela en eux ? Ou bien attendait-il la situation inextricable afin d'imposer lui-même l'Équilibre ? Une restructuration des fondements même de son univers... ou une destruction totale afin de tout reconstruire depuis le début ?
De nombreuses questions, qui en posaient d'autres...
Allongé dans l'herbe fraîche de cette nouvelle aube, la petite rosée lui mouillant le dos de son chiton (Ψ), Daímôn regarda les deux magnifiques serpents lovés sur ses jambes tendues, non loin de la pointe de son épée légendaire. Il aurait bien pu les observer ainsi des heures durant, tant il ne se lassait jamais de leur couleur majestueuse.
La petite vipère bleue émettait de ridicules ronflements, bien trop forts pour son tout petit corps, et totalement inconnu de l'espèce des serpents ; mais après tout, ce n'était pas un reptile comme les autres, particularité trahie par ses pupilles fendues verticalement.
Daímôn ne comprenait pas l'aversion que ressentaient les hommes et les dieux face à l'animal. Bien sûr, les serpents étaient majoritairement dangereux, et leur forme atypique laissait à penser qu'ils étaient forcément hostiles. Venimeux pour la plupart, gigantesques pour d'autres comme le python réticulé capable d'étouffer même le plus coriace mammifère, Daímôn, lui, les trouvait spectaculaires. Mais après tout, il était le dieu des Reptiles.
Le second serpent, un majestueux cobra royal, était d'un rouge éclatant, à l'instar du coucher de soleil ou d'un rubis que des rayons ardents épousent. Une couleur unique, une espèce inestimable. Ses écailles ne brillaient pas dans la pénombre de l'aurore mais n'en valaient pas moins le coup d'œil. Aussitôt, l'épisode de leur rencontre s'imposa à lui. Son combat le plus difficile jusqu'à maintenant.
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Kháos, tome 2 : Le Seigneur des Mers
Fantasy« Jouir de l'immortalité est un don comme une malédiction. Mais pour un Primordial, progéniture de Kháos, c'est avant tout le devoir inéluctable qui prédomine. » Désormais fort de son identité, de son épée et de deux des Dragons Primordiaux, Daímôn...