II - Οἱ τοῦ Διός ἀετοί (partie 1)

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Dévorés par l'anxiété – bien qu'ayant fait preuve d'une totale assurance devant leurs alliés –, Héphaïstos et Pandore observaient Pûr s'enfoncer toujours plus profondément dans la horde d'aigles fous. Ses ailes membraneuses fouettaient gracieusement et férocement les courants pour lui prodiguer pleine vélocité. Il esquivait les serres et les coups de bec en tournoyant, telle la plus prodigieuse des torpilles aux flammes flavescentes.

Il chargea de plein fouet l'un des aigles et le réduisit en pauvre carcasse calcinée et déplumée. L'animal dégringola les cieux et s'écrasa lourdement, mort avant même de toucher le sol.

Piquant vers le sol, Pûr gerba de multiples flammes sur les rapaces. Pandore les entendait hurler de douleur même d'où elle se trouvait. Une véritable pluie d'aigles en feu s'abattit sur le monde des mortels. Les cadavres s'empilaient en grossiers monticules, et le sang provoqué par le fracas teintait indubitablement l'herbe.

Héphaïstos sentait les flux thermiques s'intensifier à mesure que Pûr produisait de l'énergie en son sein avant de la rejeter à l'extérieur par le biais de ses puissantes et épaisses langues de feu létales. Les aigles ne parvenaient à esquiver les flammes. Seuls les plus éloignés du Dragon ancestral ne succombèrent pas à ses attaques dévastatrices.

Ce dernier semblait prendre plaisir à noyer les rapaces sous son feu. Pourtant, Pûr abhorrait tuer. Indéniablement bête féroce capable de détruire avec une incroyable aisance une cité comme il en avait fait acte par le passé, son esprit souffrait à chaque fois qu'il volait une nouvelle vie. Mais pour la protection de son dieu et maître, il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour que sa tâche aboutît, la première étant de fuir cette attaque.

Le Dragon ne cessait de ressasser, depuis son éveil, toutes les horreurs qu'il avait commises jadis. Ç'avait été une grande épreuve de partager tous ses souvenirs avec Drákôn. La peur s'y était immiscée : et si son roi ne le considérait dès lors plus comme un allié, un ami, un frère, au même titre que son jumeau Phúlax, mais bel et bien comme un ennemi que son devoir obligeait à éliminer jusqu'à la dernière trace ?

En brûlant ainsi les aigles, les nombreux crimes dont il était protagoniste premier envers l'espèce humaine et les dieux, appuyés de tous ses confrères dragons également devenus fous, s'imposaient à lui. Le plus difficile, cicatrice éternelle dans les abysses de son esprit, resterait sans nul doute la toute première fois où ses flammes avaient dévoré ces créatures chétives et ridiculement petites qu'étaient les mortels. Exactement le tout premier souvenir qu'il avait partagé avec les dieux et Daímôn, juste avant d'atterrir ici chez Héphaïstos et Pandore.

À cette époque nettement reculée, en plein cœur de l'âge obscur inconnu des hommes de cette génération – et semblait-il des dieux –, la rage avait été telle qu'il n'avait pu la contenir. Il ignorait encore la raison pour laquelle il avait ainsi succombé à toutes ces pulsions meurtrières qui gonflaient chaque instant. Seuls la vue, l'odeur et le goût ferrugineux du sang parvenaient à le calmer, ainsi que ses comparses reptiliens. Il revivait précisément la terreur du roi étirant son faciès joufflu, pleurant et suppliant les dieux olympiens de l'épargner, ainsi que ses sujets. En lui-même, Pûr avait bien gloussé, car les dieux n'étaient en rien responsables de ce qui se passait.

Le Dragon avait été évidemment amusé de la faiblesse des humains. Les dires voulaient qu'ils fussent les créatures parfaites, à l'image des dieux, simplement dépourvus de l'immortalité ; mais pour Pûr, ils n'étaient qu'insignifiants, inutiles, dévorés par l'orgueil de se croire maîtres du monde, voire les égaux des dieux eux-mêmes, leurs créateurs.

« En réalité, ce ne sont que de simples et vulgaires morceaux de viande, si fragiles et petits qu'un seul coup de gueule suffit pour les engloutir. Même une centaine d'entre eux parmi les plus gros ne parviendrait à nous rassasier totalement. » Tels étaient les mots qu'il avait de nombreuses fois prononcés à ses congénères.

Kháos, tome 2 : Le Seigneur des MersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant